lundi 16 mai 2011
Esclavage . Les traites : atlantique, orientale et intra-africaine
J’avais reçu, à l’occasion, d’un précédent blog sur la traite et l’esclavage un commentaire de Raphaël Adjobi qui allait dans le sens de mes propres propos. Il était constitué par un compte-rendu de l’excellent (et courageux) ouvrage de Titiane N’diaye Le génocide voilé (enquête historique) paru dans la collection Continents Noirs (NRF Gallimard). J’avais été injurié auparavant pour mes propos par des gens qui n’avaient jamais entendu parler de la traite arabo-musulmane de l'Est africain ou se refusaient à la voir évoquée. Vu la qualité de son texte, je prends la liberté de citer ce texte en espérant que Raphaël Adjobi sera mieux traité que moi ! On verra aussi que la castration massive des esclaves fut un moyen sûr de ne pas avoir de problèmes avec leurs descendants!
« Le génocide dont il est ici question est la traite négrière que les arabo-musulmans ont infligée à l’Afrique durant plus de treize siècles et qui subsiste encore sur le continent sous des formes très sournoises. Le ton ferme de l’introduction du livre faite par l’auteur est historique à mes yeux. Il me plaît en effet de savoir qu’un Africain noir de confession musulmane prenne enfin le passé de l’Afrique en main en osant dire clairement ce que fut l’Islam et ce qu’il est aujourd’hui comme héritage pour les Noirs d’Afrique. Après avoir lu le livre de Malek Chebel (L’esclavage en Terre d’Islam), je suis heureux de découvrir celui de Tidiane N’diaye. Nous sommes loin des discours traditionnels qui nous peignent le passé de l’Afrique sous ses atours idylliques.
L’esclavage, forme suprême de la domination de l’homme par l’homme, est absolument une des caractéristiques fondamentales de l’histoire de l’Humanité. Et le premier chapitre du livre décrit scrupuleusement les formes d’asservissements pratiquées par les sociétés traditionnelles d’Afrique Noire. Cependant, comme l’affirme si bien Tidiane N’diaye sans toutefois tomber dans la hiérarchisation victimaire, « force est de reconnaître que la dimension prise par la traite et l’esclavage qu’ont subi les peuples noirs dépasse en nombre de victimes, en durée et en horreurs tout ce qui avait précédé. Et dans la genèse de ces malheurs, historiquement la traite négrière est une invention du monde arabo-musulman. » (p.16) La dimension et l’intensité de l’esclavage pratiqué par les arbo-musulmans semblent ici d’une cruauté rarement peinte, sinon jamais, dans les manuels proposés dans l’enseignement en Afrique. Préservation de la susceptibilité des musulmans ?
A certains passages, ce livre rappelle dans son esprit celui d’Odile Tobner (Du racisme français) et nous oblige à nous demander lequel des deux esclavages – la traite atlantique (4 siècles) et l’esclavage arabo-musulman (13 siècles) – fut le plus cruel, le plus intense, le plus raciste. La cruauté de l’esclavage outre-atlantique se révélait dans les conditions de l’exploitation des Noirs entre les mains de leurs maîtres dans les plantations. La cruauté de la traite négrière des arabo-musulmans apparaît surtout dans les conditions d’enlèvement des Noirs sur leurs terres natales. Les conditions des voyages à travers le désert sont extrêmement déshumanisantes et mortelles. La peinture qu’en fait l’auteur donne à réfléchir sur la barbarie qu’a vécue l’Afrique. Les razzias que les chefs des tribus musulmanes du Nord, du Sahara et du Sahel opéraient ont contribué à détruire des villes noires entières. Ce commerce généralisé dans le monde musulman africain, Tidiane N’diaye ne le tait pas et cite les figures historiques des Noirs qui ont été des ardents esclavagistes mais qui sont aujourd’hui louées dans certains pays. Il n’oublie pas non plus la castration massive des Noirs convoyés dans les royaumes du Moyen Orient et qui servent aujourd’hui encore comme gardes au Maroc et à la Mecque. Il parle également des armées essentiellement noires constituées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord grâce à la traite des Noirs.
Les arabo-musulmans, venus nombreux de Perse et de Turquie, ont fait de chaque Noir musulman un mercenaire pour la cause esclavagiste avec la bénédiction de l’Islam. L’aveugle solidarité musulmane qui pousse les Noirs à tenir plus compte de la consonance du nom que des idées politiques vient de cette colonisation selon laquelle les bons musulmans peuvent faire la guerre aux mauvais musulmans et aux non-musulmans.
L’autre intérêt du livre est de nous permettre de comprendre le drame qui se joue au Soudan. Il nous montre que la crise humanitaire qui sévit dans cet immense pays est indissociable de la pratique de l’esclavage par les arabo-musulmans et les Touaregs. D’autre part, les pirates somaliens qui, dans l’océan Indien prennent aujourd’hui les équipages des navires européens en otages pour obtenir des rançons vivaient dans un passé récent de la traite négrière vers l’Asie et le Moyen Orient. Le comptoir turc de Zanzibar était encore florissant au 20è siècle. Et tout cela, gouvernants africains et européens le savaient mais fermaient les yeux ».
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