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mercredi 25 mai 2011

Annus horribilis

Devant l'année qui s'annonce on ne peut que se résoudre à user du qualificatif « annus horribilis » qui est celui que la reine Elizabeth II utilisa naguère pour qualifier 1992 qui, elle, venait de s'écouler .

D'ici à l'élection présidentielle de 2012, cher(e)s lecteur(e)s, nous allons en baver sérieusement. Au fait, petite remarque orthographique en passant (elle vise surtout Succus aceris qui est souvent acerrimus). Nos amis québécois, plus soucieux que DSK de la dignité des femmes, de l’égalité des sexes et de la langue française (ce dernier aspect ne préoccupant guère DSK il est vrai) ont-ils songé que si le substantif « lecteur(e) » ne pose guère de problème orthographique, il n’en est pas de même pour l’adjectif dans le présent cas. Doit-on écrire « cher(e) » ou « chèr(e) » car, comme on dit « l’un et l’autre pose(nt) problème » ? Votre avis doublement ou triplement compétent m’intéresse donc, cher Succus.

Mais revenons à notre « annus horribilis ». Sur le plan de l'information et de la politique d'abord ; on le voit déjà puisque l’année pré-électorale ayant commencé, tous nos plumitifs spécialisés s’en donnent à cœur joie et se déchaînent déjà sur l'élection. On peut craindre que, dans l'avenir, on ne finisse par causer de la prochaine élection dès le lendemain de la précédente. Il est vrai que nos journalistes, sauvés un moment de l’étiage estival de leur bavardage par l'affaire DSK, n'ont pas grand-chose à dire et que rien ne les réjouit plus que de causer politique.

Ils le font d’ailleurs assez mal et nul ne semble avoir remarqué que le traumatisme du 21 avril 2002 a poussé, par un phénomène de superstition et tabou linguistiques, curieux dans une société moderne, à fixer au 22 avril 2012 (soit 10 ans et UN JOUR après le fatal 21 avril) la date du prochain scrutin présidentiel. Y aurait-il, dans les sphères du pouvoir, à côté ou au-dessus des conseillers en communication, des sorciers ? On en a effectivement bien besoin !

On peut, désormais, après coup (si j’ose dire), se demander si la perfide prévision des épisodes salaces (au FMI avec Mme Nagy, dont la version des faits, très différente de celle de DSK, a été écartée du rapport final du FMI, ou au Sofitel avec Mme Diallo, sans compter ceux dont on n’a pas eu connaissance) n’entrait pas, pour une bonne part, dans l’insistance du président à envoyer DSK au FMI et si, plus récemment, le peu d’enthousiasme de DSK à se porter candidat à la présidence ne tenait pas surtout à ce qu’il préfère, non sans raisons, le Bois de Boulogne et les Chandelles à l’Elysée.

L’affaire n’a donc en fait que deux conséquences majeures : d'une part, elle nous alimente abondamment en détails graveleux sur les comportements sociaux et sexuels de DSK ; l’exemple américain, dont la vedette est un homme très représentatif de certaines mentalités françaises comme l’ont montré, en dépit de leurs rétro-pédalages, les premières réactions d’un Lang et d’un Kahn, pourrait encourager des femmes harcelées à dénoncer leurs satyres. D'autre part, l’affaire a confirmé la complicité tacite d’une presse qui, il faut bien le dire, est réduite au silence par une loi pour laquelle tout propos, si innocent qu’il soit et même sous une forme satirique ou plaisante, sur quiconque (surtout s’il s’agit d’un puissant) peut être regardé comme une diffamation. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi Nicolas Sarkozy ne traîne pas en justice pour diffamation tous ceux qui font allusion à sa taille !

Sur le plan politique, les incidences sont minces puisque rien n’indique que DSK serait allé jusqu’à se porter réellement candidat, au prix du renoncement douloureux à ses plaisirs favoris.

Certes, en dépit des manoeuvres d’évitement, désormais passées et incongrues (le complot !) ou de désolidarisation (actuelles), le PS aura du mal à se remettre du préjudice moral pour une formation qui se définit comme protectrice de la France du bas, des pauvres, des femmes et des orphelins ! Le choix de DSK comme incarnation de justice et du renouveau social (fondamentalement pittoresque !) sera considéré au minimum comme des plus inopportuns.

A droite, son éviction du paysage ouvre la porte à la candidature de Borloo qui, à l'annonce des événements de New York, a brusquement changé d'avis et déclaré qu'il se porterait candidat à la présidence, alors que, la veille encore, il nous faisait le coup de l'unité. Ce n’est que pour Borloo que la donne a vraiment changé et non pour les figurants comme Bayrou ou Morin. L'affaire se présente, pour lui, tout autrement. Jusqu'à présent, il avait été séduit, une fois de plus, par la promesse de Matignon ; la disparition de DSK, qui avait un électorat potentiel de « centre-droit social » qui correspondait, pour une bonne part, à celui de Borloo ouvre à ce dernier une nouvelle voie ce qui peut être fatal à Sarkozy en l’écartant du second tour. Les promesses ne suffisent plus alors et le seul problème est de savoir si, en sous-main, on dispose de moyens de pression sur lui assez forts pour le ramener à ses ambitions précédentes en renonçant à la candidature à la présidence. Borloo passant pour aimer la bouteille autant que le DSK aime le cul, reste à savoir si l’on a quelques photos qui peuvent étayer les menaces qu’on ne manquera pas de lui adresser. L’idéal serait, bien entendu, un Borloo, bourré, qui faucherait un abribus avec quelques gamins en route pour l’école !

Les sondages tenaient DSK en lévitation au-dessus de la mêlée. Son éviction déchaîne d’autant plus les appétits au sein du parti socialiste que l’héritage de DSK n’est pas facile à revendiquer, même pour la signataire du « pacte de Marrakech ». Tout le monde s’y met, soit en faisant la coquette (comme Fabius ou Delanoë), soit en montrant les dents comme Vals ou Moscovici ; le deuil n’aura pas été long et nul ne fait plus mystère de son désir de porter bien haut la candidature du parti socialiste.

Ce sera une course de fond durant l'été, primaires ou pas, avec sans doute multiplication des peaux de banane et des crocs-en-jambe. Pour le moment, la lutte semble se circonscrire entre Hollande et Aubry ; chacun tente de mettre en avant ses atouts. Hollande sa minceur et sa teinture, Aubry sa féminité et même désormais le football, depuis le doublé du LOSC. Ce dernier aspect de manque pas de faire doucement rire tous les gens qui connaissent les affaires du LOSC puisque dans le passé, à la mairie, elle n’a guère favorisé les affaires du club lillois. L'opportunisme est de toute façon ici comme ailleurs la première vertu de tout politique.

Je n'aurai pas la cruauté de souligner que si elle devient présidente, elle pourra poser avec Angela Merkel dans un remake, féminin et dodu, avec les élégances qui les caractérisent, de la célèbre photo qui avait réuni Mitterrand et Kohl. L’image des deux présidents faisait penser à un papa allemand emmenant son petit François à l'école ; une photo de Martine et d'Angela ne manquerait pas de pittoresque dans un tout autre genre !

Ce qu'on avait quelque peine à imaginer et qui semble être désormais une stratégie gouvernementale est la nouvelle formule de pêche aux voix par la mise en avant de prétendues dissensions au sein du pouvoir, que chacun tente d’exploiter à son profit personnel bien entendu. Vraies ou fausses naturellement, car la perverse subtilité des conseillers en communication pourrait fort bien leur avoir inspiré une telle stratégie.

Elle a été testée avec l'affaire du RSA où je ne sais quel Jacob de l’Elysée a contraint, sans doute contre un plat de lentilles, ce pauvre Esaü Wauquiez a fendre l’oreille à son propre RSA (un peu alambiqué j’en conviens mais Wauquiez est maire du Puy-en-Velay dont la spécialité, on le sait, est constituée par les lentilles) ? La combine, dont je doute qu’elle n’ait pas eu l’aval élyséen, n’a pas connu un grand succès, mais les galipettes de DSK y sont pour quelque chose.

Désormais on nous refait le coup à nouveau avec les maçons immigrés (pas terrible) puis désormais avec les radars (meilleur). La Gauche (tout sauf DSK) observe naïvement que tout cela tourne à la cacophonie, faute de comprendre que c’est le but même de l'opération. Plus le gouvernement donne l'impression qu'il est divisé, plus il donne à croire que les décisions ne sont pas prises, d’en haut, sans concertation et que, par conséquent, il est à l’écoute du bon peuple de France. Peut-être après tout, cette stratégie n’est-elle pas la moins mauvaise, puisque chaque électeur croit voir son point de vue triompher et que, dès lors, toutes les reculades prennent la noble et démocratique allure de concessions.

1 commentaire:

J M a dit…

Annus horribilis, en espagnol año horrible. 1992, c’est aussi l’année où une directive européenne a voulu faire disparaître des claviers de machines à écrire et d’ordinateurs la lettre ñ (eñe). Les Espagnols se sont révoltés contre cette décision car ils ne voulaient pas commettre un crime de lèse-majesté en parlant de l’ano horrible de la reina Isabel…
Succus, qui trouve que la syntaxe du français est déjà bien assez compliquée sans qu'on ait à en rajouter avec des féminins entre parenthèses.