Une fois de plus les médias français ont fait très fort.
En ce matin du 14 mai 2011, jour de l'investiture du nouveau président de la République d’Haïti, j'entendais sur France-Info, au bulletin de 8:00, l'annonce suivante : « Le président Préval, obligé de se désister au deuxième tour, remettra le drapeau haïtien à Michel Martelly ». Il est donc clair que les divers événements du feuilleton de l'élection présidentielle haïtienne ont largement échappé à la rédaction de France-Info puisque René Préval ne s’est même pas présenté (il ne le pouvait pas d’ailleurs) et que le deuxième tour a opposé Myrlande Manigat à Michel Martelly.
Contrairement aux craintes que j'avais moi-même exprimées ici, l'imbroglio juridico-administrativo-constitutionnel que je craignais n'a pas eu de conséquences. En effet, dans la mesure où les 18 élus du deuxième tour des législatives (sénateurs et députés) qui avaient été déclassés par la commission électorale en contestaient les décisions (ils avaient été éliminés au profit de candidats réputés « prévalistes » classés derrière eux lors du scrutin), on pouvait craindre, comme cela avait commencé à se produire, qu'on ne puisse pas atteindre le quorum des deux-tiers indispensable pour toute réforme constitutionnelle. Dans la mesure où la date limite était le 9 mai 2011 et où Michel Martelly devait absolument être investi le 14 mai, on avait tout lieu de craindre une semaine très difficile.
Il n'en a rien été dans la mesure où, sur les 18 candidats déclarés élus au terme du deuxième tour et qui avaient été ensuite déclassés par la CEP, 15 ont été rétablis à la première place et donc déclarés élus, ce qui est du coup a réglé les problèmes, tout en jetant, toutefois, les doutes les plus sérieux sur la commission électorale qui avait procédé à ces déclassements. Tout est donc pour le mieux dans la meilleure des Haïti possibles (ce féminin est un peu étrange pour nous, mais il est dans les habitudes haïtiennes).
Tout est donc prêt pour la cérémonie (son coût sera, dit-on, de 4,5 millions de dollars avec 2000 invités) ; on ne sait pas encore lesquels des huit anciens présidents seront présents à la fête et on se demande si le Président poussera la chansonnette comme beaucoup l’espèrent.
L'investiture du nouveau président se fera symboliquement en présence de deux invités de marque dont l'arrivée dans le pays n'est pas sans signification : Bill Clinton et Alain Juppé. Naturellement ils ne sont pas venus les mains vides ; on annonce du côté américain une petite partie des crédits promis et, du côté français, on présente le plan de la reconstruction de l'ambassade de France sur le Champ-de-Mars, ce qui est symbolique évidemment puisque, à la suite du séisme du 12 janvier 2010, nombre d'institutions envisagent de quitter le centre de Port-au-Prince.
Cette double présence, américaine et française, symbolise, en quelque sorte, la concurrence, larvée mais incontestable, entre les États-Unis et la France qu’on observe en Haïti. Elle ne peut être qu'inégale bien entendu et cela d'autant que la France n'utilise pas toujours dans cette affaire les atouts qui pourraient être les siens.
On pourrait dire que cette rivalité est symboliquement marquée par les deux surnoms de Michel Martelly, le nouveau président de la République haïtienne. On l'appelle, en effet, à la fois « Sweet Micky », ce qui se passe de commentaires pour un chanteur populaire, mais aussi, en créole cette fois, « Tèt kale » qui semble familière à un francophone, mais qu'en réalité personne ne comprend véritablement ni en France ni en Haïti.
Le mot haïtien « kale » est, en réalité, tout à fait français, même s’il est sorti de l’usage courant dans notre langue. Pour ne pas faire le savant sans citer mes sources, je me bornerai à reproduire ici l’article « écaler » du Trésor de la langue française :
ECALER : verbe trans. Dépouiller de l'écale; p. ext. décortiquer. Écaler des noix. Des moulins hydrauliques qui écrasaient le grain, l'écalaient (LA VARENDE, Manants du Roi, 1938, p. 208). Au fig. Il épluchait les fautes des copistes, écalait les interpolations, rétablissait le texte primitif (HUYSMANS, Oblat, t. 1, 1903, p. 63). [ekale]. Ds Ac. dep. 1694. 1res attest. 1. 1531 esqualer « écailler (des poissons) » (J. DU BOIS [SYLVIUS], Isagoge ds GDF. Compl.) 1616, CRESPIN; 2. a) 1660 escaler des noix (OUDIN Fr.-Esp.); b) 1838 s'écaler d'une pièce de bois (Ac. Compl. 1842); 3. 1838 terre écalée (ibid.); de écale, dés. -er. Fréq. abs. littér. : 2.
BBG. SAIN. Sources t. 1 1972 [1925] p. 150 (s.v. écaler), t. 2 1972 [1925] p. 102 ».
En somme, sans manquer de respect au nouveau président de la République haïtienne, on le surnomme « tèt kale » car son crâne, chauve et /ou rasé, lui donne un peu une tête d’œuf !
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