Qu'on ne vienne pas me chicaner sur ce titre car, à ma connaissance du moins, le mot « farceur » ne comporte pas de féminin et d'autre part, dans cet îlot de machinisme que constitue la grammaire du français, le masculin persiste à l'emporter sur le féminin. Les farceurs de la République que je veux évoquer ici sont, en premier lieu, Jacques Chirac et Christiane Taubira, et à un moindre degré, le maire de Nantes Jean-Marc Ayrault.
Je ne puis croire que ce soit, en toute innocence et sans calcul, qu'en 2006 le président Chirac ait choisi de faire du 10 mai la « journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions ». En effet, et on le constate à nouveau aujourd'hui de façon un peu inattendue, la date du 10 mai demeure, dans la mémoire française collective, le jour où, en 1981, François Mitterrand a été élu président de la République. Vous observerez d'ailleurs aisément que si la célébration du 10 mai 81 occupe tous nos médias depuis le matin, il en a pas été de même, très loin de là, pour la commémoration de la « journée nationale des mémoires de la traite de l'esclavage et de leurs abolitions ». Cette célébration n'a tenu qu'une place très modeste et, en outre, provinciale surtout puisque c'est à Nantes (quelle ironie !) qu’a eu lieu la principale, pour ne pas dire la seule, des célébrations de cette « Journée ».
Quel était le dessein secret de Jacques Chirac, en 2006, quand il a choisi le 10 mai pour cette célébration ? Pensait-il, par là, occulter la célébration du 10 mai 1981 ? La chose n'est pas impossible car, à cette période, on ne pouvait imaginer que très lointain le retour de la gauche aux affaires vu l'état dans lequel se trouvait alors le parti socialiste. En tout cas, Chirac ne semblait pas croire que de mauvais plaisants puissent ajouter à la liste des "abolitions" (l'esclavage et la traite) la fin d'un règne, oppressif et sans partage, de la droite sur la République française ! Je n'espère pas être assez heureux pour trouver à la suite de ce blog un commentaire de Jacques Chirac lui-même m'expliquant les raisons secrètes d'un tel choix.
Autre farceur de la République (je n'ose avancer ici ni « farceure », à la quécecoise, ni "farceuse"), Mme Christiane Taubira que j'ai trop souvent accablée de mes traits pour en parler longuement ici. Le choix symbolique de Nantes confirme d'ailleurs son ignorance des réalités de la traite dont elle a fait depuis longtemps son principal fonds de commerce, sans en bien connaître les réalités historiques. De façon exclusive et depuis toujours, seule la concerne la traite qu’elle connaît un peu, en dépit des réalités de l'esclavage comme des remarques qu'on a pu lui faire. Or la traite atlantique n'est pas la principale et n’a sa préférence exclusive qu’en raison de son origine guyanaise. Je ne puis, sur ce point que renvoyer aux divers textes que j'ai écrits à ce propos, mais je constate que la voilà réduite désormais à de modestes manifestations provinciales, les théâtres parisiens ne lui étant plus ouverts.
Jean-Marc Ayrault occupe la troisième place dans ma petite galerie des farceurs de la République dans la mesure où cette date commémorative lui a permis de visiter, en compagnie de Mme Taubira, le futur et rustique mémorial de l'abolition de l'esclavage construit au bord de la Loire, sur le quai de la Fosse, à Nantes d’où partirent les navires du commerce triangulaire. Certes, comme l'a souligné, le maire de Nantes, « il ne s'agit pas d'une démarche repentante ». Le propos est quelque peu singulier et me rappelle irrésistiblement le choix récent fait par les États-Unis de donner à Ben Laden, comme nom de code, Geronimo, (héros apache de la guerre contre les Etats-Unis) au cours de l’opération qui a conduit à son assassinat.
Comme l'a encore dit Jean-Marc Ayrault, lui-même et les Nantais « ont conscience de ce qui s'est passé avant. » ! C’est le moins qu'on puisse faire en ce genre de circonstance mais, de toute évidence, cette conscience n'est pas si mauvaise, même si elle est pourtant sans cesse évoquée par les superbes constructions de cette ville, qui a tout de même fait sa fortune sur le commerce du bois d'ébène.
Loin de moi l'idée de faire porter sur Nantes une réprobation particulière, ce qui serait contraire à tout ce que j'ai pu écrire sur ces questions de l'esclavage. En Afrique, les Européens, dans leur commerce d'esclaves vers la zone américano- caraïbe qui ne commence guère qu'au XVIe siècle (Portugais mis à part), n'ont fait que reprendre, par là, une longue tradition de l'exploitation servile. Elle a commencé en Afrique, bien avant que le premier européen pose le pied sur la Côte de Guinée. Les Africains eux-mêmes ont été les créateurs d’un esclavage local et traditionnel, dont l’essentiel a d’ailleurs été repris dans le « code noir »; par ailleurs, par la suite, ils furent dans la traite européenne les pourvoyeurs actifs et constants des vaisseaux négriers. L’esclavage africain avait été, avant même l’arrivée des européens, organisé, de façon infiniment plus intense, par les Arabes en particulier dans le cadre de la traite orientale qui a été numériquement plus importante que la traite atlantique, même si Mme Taubira et quelques autres persistent à ignorer ce point.
Nous autres Français pourrions nous-mêmes demander réparation à M. Berlusconi, puisque l'invasion romaine en Gaule n'a été nullement commandée par le seul souci de César d'écrire son « De Bello gallico », mais bien plutôt par la nécessité de se procurer chez nous les centaines de milliers d'esclaves gaulois qui lui ont permis de financer ses projets politiques personnels.
Post-scriptum
J’ai écrit ce post dans la matinée du 10 mai 2011 avant d’avoir eu le privilège de voir notre président à la cérémonie du Luxembourg, où, en revanche, si j’ai aperçu Chirac, je n’ai pas vu Madame Taubira, à moins qu’elle ne figurât (comme on dit désormais) parmi les danseuses en costume. Il y a eu un discours présidentiel. J’y reviendrai donc.
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