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mercredi 28 août 2013

De l'importance des prépositions dans la géopolitique

Je ne vais pas me livrer ici à deux de mes topos favoris : l'initiative que prennent les mots d'une part et; d'autre part, la méconnaissance de plus en plus grande de la langue française, en particulier chez ceux qui devraient en être les premiers propagateurs dans notre société ... les journalistes.

Prenons l'exemple de la Syrie.

Le président Obama, rejoint hier sur ce point en hâte par notre président qui, n'ayant pas été consulté par le président américain (à la différence du Premier Ministre anglais et de Poutine), a tout de même voulu, normalement, joindre sa voix au concert des nations. On vient, en effet, de nous annoncer que la majorité des puissances du monde (sans qu'on sache bien de quoi il s'agit car on évite évidemment la consultation du conseil de sécurité de l'ONU où le veto de la Russie est inévitable, mais ce qui ne constitue pas une atteinte aux lois internationales puisque, comme l'expliquait un savant exégète de la géopolitique; nous ne passons pas outre à l'avis de l'ONU, puisque cette organisation n'a pas été consultée. Bel exemple de sophistique juridique).

Revenons à la menace contre la Syrie. Nous serions, nous dit-on, prêts à la guerre contre la Syrie. Le problème est de savoir si, quoique "prêts à la guerre" contre la Syrie, nous sommes "prêts de la guerre" contre la Syrie ?

Mon logiciel de dictée, Dragon 12, bête comme un ordinateur, et qui ne suit guère mon propos, m'écrit, dans les deux cas, « prêts », sans distinguer, comme beaucoup d'élèves et d'étudiants (sans parler des autres) "prêt à" et "près de". C'est la préposition qui suit qui fait toute la différence puisque, au point de vue phonétique et même sémantique, du moins chez les locuteurs qui ont une pratique normale du français, le fait que le "e" soit ouvert dans les deux cas ne permet pas de distinguer à l'oreille l'adjectif "prêt" de l'adverbe "près".

Toute la différence est dans la préposition, pourtant sémantiquement vide" : nous sommes "prêts à" faire la guerre, mais je pense que nous ne sommes pas "près de" la faire.

Peut-être est-ce d'ailleurs mieux ainsi, car, dans le Club de Mediapart, Elepistolero, en commentaire d'un excellent article de Vingtgras, notait en jouant, comme il aime à le faire, sur le proverbe latin sous forme d'un conseil « Para pacem » (= prépare la paix). Je lui ai suggéré, en commentaire de son commentaire, de compléter sa formule par son pendant naturel « Si vis bellum" (= si tu veux la guerre).

L'adage latin bien connu « Si vis pacem, para bellum » peut naturellement, en la circonstance que nous vivons, s'inverser en " Si vis bellum, para pacem" (= si tu veux la guerre, prépare la paix). Les nations qui se livrent actuellement à toutes ces rodomontades belliqueuses pour impressionner la Syrie, auraient eu, dans le passé, cent autres occasions de sévir contre des crimes contre l'humanité, dont en particulier ceux qu'a commis déjà le père de Bachar-el-Assad, sans parler du Cambodge, du Biafra, du Rwanda, du Tibet, du Kurdistan et de dizaines d'autres lieux dans le monde.

La sensibilité des grandes nations aux malheurs du monde ne serait-elle pas à géométrie variable et commandée par d'autres mobiles que la simple humanité ?

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