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samedi 24 août 2013

Jacques Vergès ou l'auberge espagnole

 Les auberges espagnoles passent pour offrir à leurs hôtes ce qu'ils y apportent ; il en est de même pour Jacques Vergès qui présente de multiples visages, souvent antagoniques et auprès de qui ce pauvre Janus que les Latins disaient bifrons (à deux visages) n'est qu'un timide apprenti que la "polyfrontalité" de Jacques Vergès laisse bien loin derrière lui.

Où le voir mieux que lors de ses obsèques célébrées à Paris, à Saint-Thomas d'Aquin, où voisinait l'assistance la plus hétéroclite. Les chroniqueurs parisiens les plus avisés s'y trompent ; dans Le Monde du 21 août 2013, Raphaëlle Bacqué écrit, s'étonnant de ces obsèques chrétiennes, « certains le croyaient même musulman ». Mais, chère Raphaëlle, il l'était où le fut (on peut hésiter entre les deux temps) puisque le président Bouteflika, qui le connaissait bien, lui et son histoire, le nomme systématiquement « Jacques Mansour Vergès », puisque Mansour était son "prénom" musulman qu'il avait troqué contre Jacques lors de sa conversion en 1962. Elle se trompe un peu aussi d'ailleurs, lorsqu'elle évoque le tandem Vergès-Dumas (alliance aussi ancienne que bizarre, encore que...) qui comme elle le suggère « avaient défendu Gbagbo après son éviction du pouvoir ». En fait, Dumas et Vergès, s'ils ont bien touché les 100 000 € convenus (je n'en sais rien!), n'ont rien défendu du tout, Vergès, ayant eu l'imprudence ou la prudence de se présenter à l'aéroport d'Abidjan sans le visa requis et Gbagbo ayant viré ces deux conseils.

Belle assistance en tout cas, même si, de l'avis des experts, elle n'était pas très nombreuse. En revanche, elle offrait un échantillonnage politique et/ou idéologique rare et difficile à réaliser. On y trouvait des communistes (dont le principal était son cadet "faux jumeau" Paul Vergès, sénateur de la Réunion mais aussi et surtout des figures plus inattendues : Wallerand de Saint-Just, avocat et trésorier du Front National ; "l'humoriste" (?!?) Dieudonné; venu dans un bermuda, curieux en pareille circonstance mais avec, par prudence, son service d'ordre ; dans le même registre politique ou médiatique, Alain Soral, le polémiste bien connu de l'extrême droite. Pas de trace, semble-t-il, de Bernard Debré, ami et co-auteur de J.M. Vergès qui ne lui en voulait pas que son père (Michel) ait voulu le faire assassiner.

Le pauvre Roland Dumas semblait un peu loin de tout cela, même s'il était présent ; il se faisait remarquer surtout par l'appui que lui fournissait, serré contre lui, une jeune charmante minette en robe noire, très court-vêtue, dans le style qu'affectionnait naguère Carla Bruni. Une infirmière peut-être ? Bref, si vous voulez en voir et en savoir davantage, allez donc voir non pas Lutte ouvrière ou Jeune Afrique mais Paris-Match dont Jacques Mansour Vergès a, une fois de plus, les honneurs avec des "témoignages exclusifs" et quatre pages de photos.

Dans le genre people pittoresque, comment ne pas remarquer aussi la femme suit de plus près le cercueil ("la Marquise" comme on l'appelle) la comtesse de Solages (née, je crois, Gouin, fâcheux patronyme qui rend nécessaire, pour ne pas dire indispensable, le recours à la savonnette à vilain historique ). Sans les explications, on pourrait croire que cette brave dame s'est trompé de cérémonie,  à voir sa grande capeline blanche et la façon dont elle est "vêtue de lin blanc" (pour la "probité candide", je confesse mon ignorance). Pas du tout ! C'était la dernière conquête de Jacques Vergès et c'est chez elle qu'il s'est éteint, précise-t-on, un verre de coûteux bordeaux à la main.  C'était, nous dit-on dans la chambre où Voltaire rendit son dernier soupir, ce qui fera sans doute dire à l'un ou l'autre de ceux qui ont de Jacques Vergès une vision moins idyllique que celle que nous impose toute la presse : "Dors-tu content Mansour et ton hideux sourire voltige-t-il encore sur tes os décharnés ?"

Est-ce par symbole ou par esprit d'économie que la Comtesse de Solages a revêtu, pour les obsèques de Jacques Vergès, son "promis", la tenue qu'elle avait prévue pour son mariage ? L'abbé de la Morandais, un peu oublié des médias, s'était spécialement dépassé pour la cérémonie, ce qui est bien normal, car l'on enterre pas religieusement tous les jours un athée musulman.

À la différence des obsèques du président Mitterrand, qui avait réuni son épouse et sa maîtresse, on notait l'absence de Djamila Bouhired de laquelle Jacques Vergès avait divorcé depuis longtemps mais qui était représentée, en quelque sorte, par leurs deux enfants.

Djamila Bouhired, qui avait récemment écrit au président Bouteflika une lettre ouverte et publique pour faire état de la grande misère qui était la sienne et de son mauvais état de santé, alors que sa misère même l'empêchait de se soigner. On peut en déduire que Jacques Vergès ne jugeait pas bon d'envoyer à la mère de deux de ses enfants, chaque mois, le prix de deux ou trois de ses très chers cigares, des Partagas ou des Hoyos de Monterey à 30 € pièce. Si l'Etat algérien est resté sourd à cette demande, la France l'a entendue puisqu'on apprend que, désormais, Djamila vient se faire soigner à Paris, en étant logée à l'hôtel George V, ce qui n'est pas naturellement dans les moyens d'une misérable algéroise.

La France, qui n'est pas assez "repentante", n'en reste pas moins bonne fille !

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