En 2010, au moment du décès de Philippe Seguin, alors Premier Président de la Cour des comptes, j'avais écrit un blog sur son action. Ce n’était pas en fait sa mort, si déplorable qu’elle fût, qui m’avait ému à ce point (encore que l’homme fût sympathique et surtout estimable) mais plutôt la portée politique de son action dans cette fonction.
En effet, quelques jours avant son décès, j’avais écrit, par hasard, un post au titre qui avait paru sans doute énigmatique à beaucoup de mes lecteurs (« Le Musée Sarko à l’Ile Seguin ou Sarko épinglé dans le Musée Seguin »). Il était assurément un peu sibyllin, car j’avais reculé, au dernier moment, devant le premier titre qui m’avait tenté et qui était « Seguin Sarkophage ». Quelques années ayant passé, je dois aux lecteurs actuels, s'il s'en trouve, quelques rappels en forme d'éclaircissements.
Entre d'une part la chèvre de ce brave Monsieur Seguin, dont le président de la Cour des comptes, accablé des allusions qu’on lui faisait à propos de sa barbe, avait fini par en faire le sacrifice et d'autre part, l’Ile Seguin, où Nicolas Sarkozy voulait construire son Musée national de l’histoire de France, à défaut de pouvoir en faire l’Ile du Diable pour y loger son ex-ami Philippe du même nom, on voit donc que la matière à plaisanteries ne manquait pas.
Je ne doute pas un instant qu’en dépit de la déploration unanime de la mort de Seguin, certains, malgré leurs mines contrites, n'aient pas été trop fâchés de sa disparition, ce qui pourrait conduire à former des théories "complotistes", surtout si l'on voit son successeur reprendre les habitudes anciennes de la maison. Seguin était, en effet, à un double titre, Premier Président de la Cour des comptes ; d’abord pour l’ordre protocolaire (mais c’est le moins intéressant), mais surtout pour avoir été le premier à parler haut et franc, ce que n’avait jamais fait aucun de ses prédécesseurs, pas même l’austère Pierre Joxe, à qui pourtant la matière n’a pas manqué entre 1993 à 2001 ! Le (mauvais) caractère de Ph. Seguin était bien connu et l'homme passait même pour l’une des rares personnes, dont Chirac avait peur, vu la violence et l’imprévisibilité des ses réactions
Curieuse prémonition que le choix de ce titre, quelques jours avant la mort de Ph. Seguin, vous en conviendrez ! J’ai vu là un signe du destin et j’ai donc écrit à la hâte un post " Mais qui a tué Philippe Seguin ? " en référence au célèbre film d’Hitchcock « Mais qui a tué Harry ? » mais avec une démarche inverse. En effet, je ne serais pas étonné que, dans les théories du complot, si courantes de nos jours, à propos de la mort de Philippe Seguin, on fasse un jour des hypothèses à son propos comme pour Fontanet autrefois (là le crime était incontestable, mais les auteurs en sont demeurés inconnus), pour Boulin (dont l'assassinat est quasi certain et il faudrait demander le sentiment de Monsieur Guéant, de permanence ce jour-là Place Beauvau) ou même pour Berégovoy !
Il est clair, en effet, que, dans les derniers mois, Philippe Seguin, tout en restant parfaitement dans son rôle de Premier Président de la Cour des comptes, était devenu, de facto et en toute légalité depuis la réforme de 2008,, le critique le plus sévère de Nicolas Sarkozy et le censeur le plus redoutable, sur tous les plans, du régime en place, de la douche du Grand Palais à la RGPP.
Certes Nicolas Sarkozy lui même ne redoutait guère la concurrence de Philippe Seguin pour 2012, mais il avait toutes chances d’avoir, en son successeur à la Première Présidence de la Cour des comptes, un censeur moins acerbe, mais surtout moins écouté et médiatisé, du moins pouvait-il l'espérer puisqu'il serait nommé par lui.
« Fecit cui prodest » dit l’adage latin, que nous traduisons par « A qui profite le crime ? ». Peut-être, comme dans « Mais qui a tué Harry ? », la victime est-elle finalement morte de mort naturelle, il n’empêche qu’au-delà des rituelles déplorations qui font que tout défunt se voit unanimement paré, à sa mort, de qualités et de vertus qu’on ne lui reconnaissait guère de son vivant, cette mort a, sur le moment, arrange bien des gens, même s’ils n’ont pas trop osé s’en réjouir.
Jusqu'à la réforme de 2008 et même, à bien des égards, dans la suite, la Cour des comptes, en effet, ne sert à rien dans son exercice critique courant, puisque toute sanction relève de la Cour de discipline budgétaire. Dans l'administration française, comme dans les avions mais avec moins de raisons, tout est en double voire en triple.
Les rapports de la Cour ont un intérêt majeur, et il n’est pas sans importance quoique tout à fait imprévu ; il consiste à fournir la matière plaisante d’articles savoureux et/ou d’émissions pittoresques à la presse écrite et audio-visuelle. Ces rapports n’entraînent certes pas de sanctions, mais ils fournissent mille anecdotes, propres à susciter, selon les cas, le rire ou l’indignation, en particulier sur des dépenses, aussi pharaoniques qu'incongrues ou même absurdes, de l’Etat ou de ses institutions.
A l'époque de Ph. Seguin (pour ne pas l'oublier), cela allait de l’installation pour 235.000 euros d’une douche (jamais utilisée) au Grand Palais (local qu'il fallait désormais louer, suite à la vente du Centre International de Conférences de l’avenue Kléber, infiniment mieux adapté et qu'on avait bradé) jusqu'à des repas commandés à un traiteur parisien pour plus de 5.000 euros par couvert. Sous la présidence de Didier Migaud, les grands succès dans les médias sont les "80.000 pages de circulaires" adressées par Paris en 2012 (comme chaque année sans doute) à chaque préfecture, dont, en particulier, dans l'année en cause, un document de 27 pages sur les "prescriptions relatives aux poulaillers", sans doute rédigé en collaboration par le Père Soupe et le Père Ubu et dont chacun espère et attend une réédition annuelle!
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