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mardi 6 août 2013

La Fondation Copernic, ATTAC et la Cour des comptes : "Quis custodem custodiet ?"

Mon billet d'hier s'intitulait "La Fondation Copernic, ATTAC et la Cour des comptes". Il s'était attaché essentiellement à la forme du texte publié dans le "Club" de Mediapart par la Fondation Copernic le 2 août 2013 et surtout au début de cet article ; je n'y ai pas évoqué sa conclusion qui me fournit, en revanche, le titre du présent billet.

Les auteurs concluent, en effet, en ces termes : « La Cour des comptes est institutionnellement chargée d'examiner les comptes publics et d'évaluer les politiques. N'aurions-nous pas besoin d'un organisme chargé d'évaluer les recommandations et les intentions de l'évaluateur ? ».

Cette conclusion est doublement intéressante. On y reconnaît, en effet, à la Cour des comptes le double rôle d'évaluateur et de conseiller qu'on lui refusait avec vigueur dans la page précédente du même article (forme nouvelle de la "révolution copernicienne" ?). Par ailleurs, on reconnaît là une version adaptée de l'adage latin : «Quis custodem custodiet». Qui gardera le gardien ? Qui évaluera l'évaluateur
La Fondation Copernic et ATTAC sont candidats à cette fonction et s'en sont, par avance, chargées dans ce billet.

Notons au passage qu'on s'en prend avec vigueur au Président Didier Migaud (socialiste qu'on jugerait volontiers renégat), dont la nomination aurait entraîné la multiplication des rapports qui "promeuvent une orientation politique ultralibérale".

Il est nécessaire, à cet égard, de rappeler deux points d'histoire de la Cour que nos auteurs négligent ou ignorent. D. Migaud, nommé en 2010, est le premier à présider la Cour selon les nouveaux principes du changement constitutionnel de 2008 qui, comme on l'a vu, a élargi les missions de la Cour, en particulier dans la perspective des évaluations et des recommandations. Quant aux observations elles-mêmes, je ne sais pas trop quelles sont les plus critiques, de celles de Philippe Seguin ou de celles de D. Migaud qui lui a succédé.

Toutefois, ne doit-on pas aussi, selon le même principe de l'évaluation des évaluateurs, examiner, à leur tour, la Fondation Copernic et ATTAC, en confrontant la façon dont elles se présentent à ce qu'on peut constater par ailleurs?

Je traiterai en peu de mots d'ATTAC que je connais pourtant mieux, puisque c'est tout de même la Fondation Copernic qui se présente en première ligne et qui apparaît dans ce billet comme l'auteur du texte.

Il se trouve que j'ai eu l'occasion, dans le passé, à diverses reprises, de rencontrer son président-fondateur Bernard Cassen, professeur d'anglais détaché, qui était alors le directeur du Monde diplomatique. D'une certaine façon, il avait fait sa chose d'ATTAC, non sans raisons car ATTAC était directement issue du Monde Diplomatique (son local était proche du siège de cet organe de presse, dont les permanents étaient d'ailleurs, me semble-t-il, au départ des employés de ce journal). Les décentralisations d'ATTAC, à partir de 1998, ont créé un premier élément de discorde avec la direction très parisienne qui était, pour l'essentiel, entre les mains de Cassen. Le détail importe peu ici ; toujours est-il que les dissensions entre les comités locaux et la direction parisienne conduisirent, en 2006, au départ de B. Cassen.
Je ne ferai pas état ici d'éléments personnels que j'ai pu connaître dans les conversations que nous avons eues, mais j'ai quand même toujours été très étonné de la grande proximité de Bernard Cassen, réputé de gauche et devenu "altermondialiste", avec des "paladins de la francophonie" dont nul ne faisait mystère de son appartenance à la droite française. Le plus notoire était Michel Guillou, candidat malheureux à des élections sous l'étiquette RPR, qui, en tant que recteur de l'UREF, en 2008 lors du Sommet de la Francophonie de Hué, a confié, à ma stupeur, à Bernard Cassen le rapport général qui faisait suite aux diverses réunions organisées à travers le monde en vue de ce Sommet. Etait-ce un renvoi d'ascenseur ? En effet, j'avais été de la même façon très étonné, en 2001, de voir la Société des Amis du Monde diplomatique c'est-à-dire Bernard Cassen lui-même, financer, pour les faire prendre part (aux côtés de José Bové !) au premier Forum Altermondialiste de Porto Alegre, les voyages de Michel Guillou et d'Albert Salon. L'événement et la conjonction ne manquaient pas de piquant, voire de pittoresque.

Le cas de la Fondation Copernic est assez sensiblement différent, même si comme on peut le voir, dans les trois co-auteurs de cet article sont à la fois membres de la Fondation Copernic et d'ATTAC. Dans le site de la Fondation Copernic (largement, pour ne pas dire intégralement, repris dans Wikipedia), on affiche l'orientation majeure, en déclarant que « depuis1998, la Fondation Copernic travaille à remettre à l'endroit ce que le libéralisme fait fonctionner à l'envers. Soucieuse de son indépendance et restant par principe hors du jeu électoral, Copernic liée à aucun parti politique, aucun syndicat, aucune association, mais s'adresse à toutes les organisations politiques, syndicales et associatives et surtout à toutes celles et ceux qui ne se résignent pas à l'ordre néolibéral." On constate ici, comme dans le billet précédent, que la Fondation Copernic conteste aussi facilement l'ordre néolibéral que la syntaxe du français !

Pour faire simple et rapide, le modèle stratégique initial de la Fondation Copernic (et le nom même le confirme) est la Fondation Saint Simon, créée en 1982 et dont l'ancrage à droite se marquait dans son dogme qui liait économie de marché et démocratie (elle disparaît d'ailleurs en 1999), mais, actuellement, à moins que ce soit l'inverse au plan chronologique, Copernic se veut, dans la mouvance de gauche, une alternative à l'autre "think tank", créé en 2008, nettement ancré au PS, "Terra Nova", stigmatisé comme "social-libéral".

Ces déclarations d'apolitisme sont d'autant plus étonnantes que tout le discours de la Fondation Copernic témoigne de claires orientations de gauche voire d'extrême gauche, qui ne sont en rien honteuses et qu'il serait plus simple d'assumer de façon délibérée, sans qu'elles s'en trouvent pour autant affaiblies.

Ce choix politique se fonde, dans le cas du présent billet, sur un débat économique, dans lequel je ne prendrai évidemment pas parti faute de compétences, mais qui divise tous les économistes que j'ai pu entendre jusqu'à présent. Le rétablissement des comptes publics passe, pour les uns, par une réduction des déficits publics (c'est dans cette ligne que s'inscrit la Cour des comptes), les autres prétendent au contraire que toute baisse du pouvoir d'achat ne peut avoir pour conséquence que d'aggraver la situation économique et donc d'empêcher la réduction des déficits. On voit déjà le malentendu car il y a cent manière de réduire les déficits sans baisser les salaires, en France surtout !

De toute façon, à ma connaissance du moins, la Cour des comptes n'exige en rien, quoique le texte de nos co-auteurs le laisse entendre, qu'il faille "baisser le pouvoir d'achat des fonctionnaires, des retraités, des chômeurs". Ses points de vue et ses recommandations (simplifications, rationalisations, éliminations des doubles emplois et des "millefeuilles", etc.) sont, à bien des égards, proches des propositions de René Dosières. La mauvaise foi des auteurs est ici éclatante et les évaluations comme les recommandations de la Cour méritent mieux qu'une présentation si fallacieuse. J'y reviendrai plus longuement un autre jour

L'affirmation par la Fondation Copernic de son quasi-apolitisme, elle qui se veut « soucieuse de son indépendance et restant par principe hors du jeu électoral », relève d'un comique incongru, quand on se souvient, par exemple, de la violence de certains de ses articles contre N. Sarkozy. Je pense ici à un texte du 26 février 2009 "Sarkozy et l'Université. La revanche d'un cancre" dont les dernières lignes étaient : "Alain Garrigou, Professeur de science politique à l’université de Paris X Nanterre.
PS [Post Scriptum et non Parti Socialiste car on pourrait s'y tromper] : Le titre de l’article est de la seule responsabilité de la Fondation Copernic."

Elle est "hors du jeu électoral" puisqu'elle vous le dit !
Une révolution copernicienne de plus ?

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