On entend tellement de sottises, en cette période d'étiage de l'information, depuis la mort de Jacques Vergès que je me sens obligé de corriger un point de sa biographie, certes mineur mais très représentatif, des mystères dont l'homme a souvent entouré sa vie.
Pour aller vite je borne à citer ici, à propos de la prétendue gémellité de Jacques et Paul Vergès, qu'on entend évoquer sans cesse, un passage de mon livre Vergès père, frères et fils : une saga réunionnaise (l'Harmattan, 2007). Cet ouvrage se distinguant de la plupart des autres qui sont soit des hagiographies, soit des autobiographies (genres très appréciés dans la famille) Paul Vergès et le Parti Communiste Réunionnais (PCR) se sont employés à empêcher la diffusion locale de ce livre ! J'en cite donc quelques pages sur la question des "jumeaux Vergès" :
"Toujours est-il que, depuis la page 104 (où est évoquée avec émotion la mort de Jeanne Vergès) à la page 150 du livre de C. Lauvernier, on ne trouve pas un seul mot sur la vie personnelle et familiale de R. Vergès. La chose est d’autant plus stupéfiante que le lecteur apprend soudain que le 6 mars 1928, « Raymond Vergès entreprit la régularisation de sa situation familiale » (1994 : 150). Le lecteur tombe des nues! La suite du texte mérite d’être citée dans son intégralité.
« Avant sa venue au Royaume de Siam, en fonction à l’hôpital de Savannakeht, il avait rencontré Khang PHAM-THI […]. Khang le suivit à Oubône en février 1925. Le 5 mars de la même année [1925] eut lieu au consulat la naissance des jumeaux Jacques Camille Raymond et Paul Emile Marie Just. […] Le 6 mars 1928, Jules Rougni [successeur intérimaire de R. Vergès comme consul] célébrait le mariage de Raymond Vergès et de Khang Pham Thi qui légitimait les jumeaux Jacques et Paul reconnus le même jour par leur père » (ibidem, 150).
On ne saurait narrer de façon plus lapidaire quatre années de la vie familiale de Raymond Vergès dont on ignorait tout. Le raccourci est aussi invisible que saisissant. En deux lignes, on saute du 5 mars 1925 (naissance de jumeaux issus d’un couple illégitime insoupçonné) au 6 mars 1928, bond dans le temps que la proximité des dates des 5 et 6 mars, à trois ans d’intervalle, risque de masquer à un lecteur inattentif. A la réflexion, le lecteur vigilant comprend qu’en fait, d’abord durant un an au Laos, puis durant trois ans au Siam, Khang a été effectivement, dans les faits, la maîtresse du consul de France, celle que les ennemis de R. Vergès nommeront plus tard sa « concubine annamite ». Les prétendus jumeaux ont donc été déclarés par leur père, qui les « reconnaît », en mars 1925; ils seront « légitimés » trois ans plus tard, lors du mariage, en mars 1928.
Tout cela n’est nullement dit, ni même évoqué, et Ch. Lauvernier passe aussitôt à autre chose (le départ de Saïgon pour la Réunion via Djibouti), comme si les faits qu’elle a évoqués étaient la chose du monde la plus banale et la plus naturelle. Cinquante pages durant, pas un mot sur la vie personnelle de Raymond Vergès, pourtant décrite dans tout son détail professionnel et mondain, et voilà qu’on le retrouve soudain, cinquante pages plus loin et cinq ans plus tard, « en ménage » ou « marié derrière la cuisine » (comme on dit à la Réunion) avec une Annamite qu’il a amenée avec lui du Laos et dont il a déjà deux enfants âgés de trois ou quatre ans ! Le lecteur a de quoi être étonné d’une telle démarche et cela d’autant que, dans la narration de la fin de la période laotienne, il n’a jamais été question de Khang Pham-Thi et moins encore d’enfant nouveau-né.
Le lecteur n’est toutefois pas au bout de ses surprises, les unes dramatiques, les autres quelque peu burlesques. En effet, six mois après son mariage, Khang tombe malade à la Réunion, juste avant le départ pour Djibouti, au terme du congé administratif de R. Vergès. Elle meurt (à 25 ans) le 24 novembre 1928. Deux jours plus tard, le 26 novembre (on enterre très vite les morts à la Réunion), R. Vergès s’embarque pour Djibouti avec ses enfants Jean et Simone; il doit laisser les « jumeaux » (âgés de trois et quatre ans) à la garde de Tante Marie (sa tante paternelle qui l’avait lui-même élevé), à Saint Denis.
Parti dans ces circonstances dramatiques, l’infortuné R. Vergès apprend, en arrivant à Saïgon, où on lui notifie son affectation à Houèsaï (Annam), qu’un rapport contenant de graves accusations a été déposé contre lui par son successeur J. Rougni.
Ce dernier, avec lequel il a eu pourtant, les meilleures relations, mais qui, apparemment, troquerait volontiers son détachement intérimaire contre une affectation définitive dans le poste, accuse son prédécesseur d’avoir laissé derrière lui « de véritables écuries d’Augias ». En outre et surtout, il l’aurait obligé à le marier à « sa concubine annamite », dont il avait eu des jumeaux. Tout y passe ! Nous sommes bien loin du tableau idyllique du séjour siamois de R. Vergès dressé par Ch. Lauvernier. Selon Rougni, le consulat, rongé par les termites, est à l’abandon et le drapeau tricolore n’y a jamais flotté; le consul jouait chez lui jusqu’à des heures tardives (on omet de préciser que c’est aux échecs !) et son secrétaire Le Ky Son avait transformé son propre logement en tripot. Le Père Chatenet, qui n’a pas oublié l’affaire du vin de messe, soutient ces accusations, soulignant que l’éclairage du consulat était si défectueux que, lorsqu’il y venait dîner, il prenait soin d’apporter ses propres lampes (1994 : 164).
Ce fatras d’accusations est issu des rapports administratifs; pour la plupart d’entre elles, l’ancien consul fournira des explications, au moins partielles, qui permettront finalement de classer l’affaire sans suite, après le rapport fait par le Docteur Francière, chargé de l’enquête administrative (30 juin 1929, Archives d’Outre-Mer, Aix-en-Provence); le texte en est partiellement reproduit par B. Violet (2000 : 271-4). Le seul point qui nous intéresse ici mais qui ne reçoit nulle explication de R. Vergès est la falsification de l’acte de naissance des deux enfants, comportement dont les raisons, selon T. Jean-Pierre, « restent mystérieuses » (2000 : 20).
L’enregistrement a été fait le 5 mars 1925 par le secrétaire Le Ky Son « par délégation du consul, empêché » (ibidem : 166). Le consul, (par prudence sans doute, à moins que son empêchement ne fût très opportunément réel), avait délégué, par écrit le jour même, son secrétaire pour « dresser en [ses] lieu et place » les actes de naissance des jumeaux.
De multiples témoignages cités dans le rapport Francière (dépositions de Madame Troude, du Père Chatenet, de Sœur Agnès, de la veuve de Le Ky Son, d’Amboise Duoc, infirmier en chef de l’hôpital de Savannakeht) indiquent tous qu’un des deux prétendus jumeaux est, en réalité, né au Laos; le dernier témoin indique même, par écrit, comme date de naissance, le 20 avril 1924. Comme le fait par ailleurs remarquer, non sans bon sens, Sœur Agnès, on ne peut guère faire passer pour jumeaux un enfant d’un an (Jacques serait né en avril 1924) et un nouveau-né (Paul en mars 1925). Ce détail suffit d’ailleurs à montrer quelle peut être la valeur réelle de l’acte établi ce « 5 mars 1925, à dix heures du matin ». Le problème n’est donc pas tant dans l’heure, comme le croit T. Jean-Pierre (2000 : 20), que dans l’apparence même de deux jumeaux, dont l’un a onze mois de plus que l’autre et qui sont, en principe, présentés à un « officier de l’état civil » et à deux témoins, sans qu’aucun des trois s’avise d’une disparité d’apparence des « nouveau-nés » qui doit pourtant être manifeste!
Un indice intéressant qui n’a jamais été remarqué est que, parmi les prénoms de Jacques, figure celui de son père Raymond. Or à la Réunion, il est souvent d’usage de donner au fils aîné, seul ou avec d’autres, le prénom de son père. Au Laos, le père n’avait donc pas oublié cette coutume pour les enfants de son deuxième lit !
On peut discuter l’un ou l’autre de ces témoignages; C. Lauvernier, toujours soucieuse de ménager son héros, signale que, dans un cas, « la déclaration n’est pas jointe au dossier » et que, dans un autre, la « pièce est non communiquée ». On peut même laisser entendre qu’il y a là un complot des « mandarins de Dieu » animé par le Père Chatenet qui n’a pas digéré son vin de messe. Il est cependant malaisé d’y inclure l’infirmier en chef laotien de l’hôpital de Savanakhet qui pouvait difficilement ne pas être au courant d’une naissance survenue dans son propre établissement, surtout quand le père présumé de l’enfant en est le médecin-chef.
Il est donc à peu près établi que R. Vergès, comme le déclare le Père Chatenet, est arrivé du Laos avec trois enfants (Jean, Simone…et Jacques). Pour répondre à la question posée en titre, les deux frères Jacques et Paul Vergès ne sont donc ni siamois ni jumeaux, en dépit de leur acte de naissance officiel! Tout cela est d’ailleurs confirmé, non sans réticences, à Bernard Violet par Simone Vergès elle-même qui avait tout de même huit ans en 1924, lors de la naissance de Jacques!
Pourquoi donc toute cette affaire et pourquoi R. Vergès s’est-il comporté de si étrange façon ? Les silences et les raccourcis de C. Lauvernier sont, comme on l’a vu, intéressants. Le point le plus étonnant est que nul ne se préoccupe (ni C. Lauvernier, 1994 ni B. Violet, 2000, ni personne) de savoir la date exacte de la mort de Jeanne Vergès qui me paraît pourtant l’élément clé de l’affaire.
En effet, si l’on considère que Jacques Vergès est né à Savannakeht (au Laos) le 20 avril 1924 (ce qui paraît tout à fait établi), on peut calculer, par une simple soustraction, que sa conception remonte aux derniers jours de juillet 1923. Or curieusement, C. Lauvernier, si précise en tout et, en historienne, particulièrement scrupuleuse sur les dates, écrit laconiquement « En 1923, le décès de son épouse Jeanne à Savannakeht le plongea dans un grand désespoir. » (1994 : 104). B. Violet se contente aussi de la seule indication de l’année 1923. L’absence de mention de jour et même de mois est curieuse pour un événement d’une telle importance, surtout quand, par ailleurs, comme C. Lauvernier, on nous précise, à l’unité près le nombre des primo-vaccinations effectuées par le docteur R. Vergès[1].
On peut imaginer dès lors les vraies raisons de la dissimulation de la naissance de Jacques Vergès qui, un an plus tard, conduit à inventer l’histoire des jumeaux, au moment où, devenu consul au Siam, R. Vergès est en mesure de faire effectuer cette falsification d’état civil par son secrétaire Le Ky Son, sans engager sa propre signature.
Compte tenu des dates, Jacques Vergès, né le 24 avril 1924, est conçu fin juillet 1923. Donc, de deux choses l’une, selon la date de la mort de Jeanne Vergès. Ou bien, dans les semaines qui suivent immédiatement la mort de sa femme, en juillet 1923, R. Vergès fait un enfant à l’institutrice annamite de 18 ans, Khang Pham Thi qu’il a recrutée pour l’aider à élever ses jeunes enfants. Ou bien, avant même la mort de sa femme, malade depuis plusieurs mois, il a une liaison cachée avec cette jeune fille, l’enfant étant alors conçu avant ou après sa mort. Ce dernier point demeurera incertain, tant qu’on ne saura pas la date exacte de la mort de Jeanne Vergès.
Pour ce qui me concerne, je ne crois guère à l’explication que donne Paul Vergès qui, après avoir nié les faits, leur donne une explication flatteuse selon laquelle son père aurait organisé tout cela car « l’habitude était alors à l’abandon dans des orphelinats religieux des enfants nés de couples mixtes » (T. Jean-Pierre, 2000 : 22). Il me semble que l’hypothèse que je suggère est plus conforme au caractère du personnage et, somme toute, plus honorable.
La date de la mort de Jeanne Vergès est donc la clé de tout. C. Lauvernier et B. Violet auraient pu la connaître puisque l’état civil français contient forcément, quelque part, cette indication. Pour C. Lauvernier, le fait de la laisser de côté me fait personnellement pencher en faveur de la seconde hypothèse. B. Violet, qui n’a pas les mêmes scrupules à l’égard de la famille Vergès, ne se pose pas la question. Sans doute n’en a-t-il pas perçu l’importance. Simone Vergès semble pourtant s’être posé, elle-même, des questions puisqu’elle dit à B. Violet : « Personnellement, je n’ai connu Thi-Khang qu’après la mort de ma mère. Mon père entretenait-il une liaison avec l’institutrice avant sa disparition ? Je n’en sais rien. Mes parents formaient un couple très uni. ». (B. Violet, 2000 : 41).
Soyons clairs; je ne porte aucun jugement moral sur tout cela. Je pense que R. Vergès a connu réellement le désespoir à la mort de Jeanne et c’est même sans doute par respect pour sa mémoire qu’il a alors dissimulé la naissance du petit Jacques. Naturellement, cette circonstance l’a mis ensuite dans une position délicate, dont il s’est tiré avec adresse et efficacité au moment de la naissance de Paul, certes au prix d’un faux en écriture publique, mais dont il n’était pas directement responsable puisqu’il était « empêché » ce jour-là. Sa position administrative, ses fonctions médicales et la docilité de Le Ky Son font que nul n’est allé regarder de trop près les choses puisqu’il s’agissait de Monsieur le Consul. Le consul parti, les langues se délieront car tout le monde était évidemment au courant.
En conclusion de ce point, on peut revenir un instant aux propos de Jacques et Paul Vergès qui, en réponse aux questions de T. Jean-Pierre, persistent à nier l’évidence, selon le bon vieux principe « N’avouez jamais!». A lire les pages qui sont consacrées à cette question, on est tenté d’ajouter « … et dites n’importe quoi ! ». Ainsi Paul Vergès répond-il « C’est le « vieux » lui-même [son père] qui a rédigé notre acte de naissance » (2000 : 22). T. Jean-Pierre poursuivant : « Cet acte de naissance était un faux ? », Jacques intervient « « J’imagine mal le pater faire un faux » (ibidem). La ficelle est grosse. R. Vergès, effectivement, n’a pas fait un faux, puisqu’il a eu la prudence de déléguer son secrétaire pour le commettre « en ses lieu et place ». Comme ce secrétaire a eu le bon goût de mourir rapidement dans la suite, l’action éventuelle de la justice s’est éteinte. Certes cette affaire était assurément, au plan administratif, la plus grave du contentieux, mais elle ne pouvait avoir de suite. R. Vergès qui n’a pas établi l’acte lui-même et qui sait que son secrétaire était mort peu après, a donc beau jeu de demander lui-même « la saisine de la juridiction compétente » (Lauvernier, 1994 : 170).
Un détail amusant mais significatif pour conclure. T. Jean-Pierre tenait, semble-t-il, beaucoup à faire ce livre Vergès et Vergès; il y tenait en tout cas assez pour avoir à peu près tout accepté de ceux qu’il interviewait (Jacques et Paul Vergès) et qui lui ont tenu la bride très courte. On a vu que, sur cette question, ils récusent les évidences les plus criantes. Toutefois, le livre contient quelques illustrations; distraction des intéressés et peut-être aussi perfidie discrète de l’auteur, la première est une photo dont le titre est « Jacques Vergès avec Khang sa mère ». On y voit un enfant nu, apparemment âgé d’une dizaine de mois, assis sur une console, la main droite de sa mère (assise à sa gauche) étant posée sur ses jambes, comme pour le maintenir. Aucune indication de date ni de lieu. B. Violet qui connaît cette photo (mais pas le livre de T. Jean-Pierre paru en même temps que le sien en 2000) a compris l’importance de ce document; c’est même sur un commentaire de cette image qu’il conclut son livre sur Jacques Vergès : « Le grand secret de Me Vergès est tout entier dans cette photographie.[…] Son exigence est de se faire accepter en tant qu’être unique et légitime.» (2000 : 254).
On comprend cette lecture dans la mesure où B. Violet fait de cette affaire de faux jumeaux, dans une approche un peu psychanalytique, la clé des comportements de Jacques Vergès. Pourquoi pas ? En revanche, il ne me paraît pas possible d’admettre, comme le fait B. Violet, que l’enfant de la photo est âgé d’un ou deux ans.
Quel âge Jacques Vergès a-t-il donc sur cette photo ? Comme la « famille » Vergès arrive à Oubone en février 1925, on peut penser qu’elle a été prise à Savannakeht fin 1924 ou début 1925 ou à Oubone en 1925. La position de Khang et la mauvaise qualité de l’image ne permettent pas de savoir si elle est enceinte ou si elle a déjà accouché. Le problème n’est d’ailleurs pas là; si Jacques et Paul étaient des jumeaux, nés à Oubone en mars 1925, imagine-t-on une mère, dont ce sont les deux premiers enfants, se faire photographier avec un seul d’entre eux (et, comme par hasard, Jacques qu’on reconnaît aisément)? Comme dans ces dessins que, dans mon enfance, on trouvait autour des papillotes et où il fallait chercher, dans le feuillage ou les nuages, le lapin qui avait échappé au chasseur, T. Jean-Pierre (par malice ?) a-t-il volontairement caché la solution de l’énigme, 120 pages plus loin, dans la galerie des portraits de famille. Au lecteur vigilant de la découvrir!
Avant de clore ce chapitre qui comporte une fin heureuse avec le deuxième mariage de Raymond Vergès, mais il est si rapide et si discret que le lecteur l’a sans doute à peine remarqué, on doit lui accorder un instant d’attention en raison de la façon dont Jacques Vergès le présente dans un ouvrage récent. Dans ses entretiens avec P.K Felissi, dans le chapitre intitulé « Le militant anticolonialiste », J. Vergès rappelle quelques souvenirs qui ont déterminé, dans la suite, son « anticolonialisme » sur lequel nous reviendrons. Il observe :
« Je suis né en Thaïlande […] Mon père était consul de France au Siam, la Thaïlande aujourd’hui, mais lorsqu’il a épousé ma mère qui était vietnamienne, sa hiérarchie lui a demandé de « dégager ». Il a donc « dégagé » pour revenir à la Réunion s’installer avec sa famille. » (2005 : 20).
La biographie sommaire de R. Vergès que j’ai esquissée suffit à montrer que cette présentation des faits est, une fois de plus, passablement inexacte, même si le mariage d’un fonctionnaire français avec une Annamite ne devait pas être du goût de tous. En fait, en quittant le Siam en 1928 pour son congé administratif légal, R. Vergès pense reprendre son service; c’est le désir du consul intérimaire J. Rougni d’être nommé sur ce poste qui va changer le cours de choses. R. Vergès, dans la suite, est d’ailleurs affecté à Vientiane, où sa nomination est suspendue alors qu’il est déjà sur place, en raison des rapports accusateurs de Rougni. Le gouvernement général ayant finalement classé l’affaire sans suite comme on l’a vu, R. Vergès est nommé médecin-chef de la province de Quang-Tri, en Annam, au début de 1930. Il n’occupera ce poste que quelques mois en raison de problèmes de santé qui nécessitent alors son rapatriement d’urgence.
Il quitte l’Indochine avec la médaille Kim-Kham d’Annam de première classe, accordée par le roi sur conseil du gouvernement général de l’Indochine. Ce n’est pas si mal pour quelqu’un qui, comme le prétend J. Vergès, est « dégagé ». En réalité, son fils n’a peut être pas totalement inventé la version qu’il présente et qui fait de son père une victime du racisme colonial. R. Vergès ne souhaitait sans doute pas donner trop de détails sur l’affaire d’Oubone, dont l’histoire des faux-jumeaux était un élément central. La version des faits que donne J. Vergès et qu’il a sans doute entendue, pour partie, chez lui, dispensait de s’expliquer davantage et donnait une couleur flatteuse à la fin du séjour siamois. Elle ne pouvait que plaire à Jacques Vergès qui en rajoute un peu pour faire de son père un héros de l’anticolonialisme, ce qui ne paraît pas avoir été tout à fait le cas."
Felissi, Philippe Karim, 2005, Jacques Vergès l’anticolonialiste, Le Félin.
Jean-Pierre, Thierry, 2000, Vergès et Vergès. De l’autre côté du miroir. Lattes.
Lauvernier, Chantal, 1994, « Ban-bai » Raymond Vergès, 1882-1957.
Vergès Jacques, 1990, Le salaud lumineux. Conversations avec Jean-Louis Remilleux , Michel Lafon.
Violet, Bernard, 2000, Vergès, le maître de l’ombre, Le Seuil.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire