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dimanche 18 août 2013

Réforme des régimes spéciaux de retraite : et les anciens Présidents de la République ?


Le Parisien et le Point, par leurs articles récents sur la protection dont bénéficient les anciens Présidents  et, de ce fait, Sarkozy (en particulier au Cap Nègre), ont remis sur le tapis le statut et les conditions matérielles accordées aux anciens présidents de la République ; leur protection est toutefois le moins important et le moins illégitime des multiples et immenses privilèges, pour la plupart injustifiés, qu'on leur accorde!
Sarkozy bénéficie, pour sa seule protection personnelle, de dix policiers du SPHP ; Chirac se contente, lui, de huit et Giscard d'Estaing de six. Ces informations ont fait quelque bruit dans la presse (il est vrai que nous sommes en août et que l'information est à son étiage !), alors que Mazarine Pingeot a bénéficié, sans aucun titre, pendant plus de dix ans et sans que nul n'en parle et donc ne s'en offusque, d'un service de sécurité plus important encore, sans y avoir en outre le moindre droit.

Dans la chasse aux régimes spéciaux de retraite naguère entreprise (sans grand effet d'ailleurs) et qui prochainement va ré-ouvrir, en septembre 2013, il en est un, très "spécial", qu'on a oublié et sur lequel René Dozière, le trouble fête des sinécures d'Etat, a été presque le seul à attirer naguère l'attention. Député PS de l'Aisne et auteur sulfureux de L'argent et l'État, voilà un homme qui ne doit pas être plus populaire auprès de ses collègues du Palais Bourbon qu'il ne l'est rue de Solférino puisque lors des dernières législatives, le PS lui a refusé l'investiture !

 Comme les rapports de la Cour des Comptes, dont il doit être un lecteur assidu et vigilant, ses écrits fournissent en effet, à chaque parution, une matière abondante à la presse française, même si souvent ils contiennent des informations que les journalistes pourraient trouver par ailleurs eux-mêmes, s'ils se donnaient le mal de les chercher, ce qui suppose toutefois, préalablement, qu'ils aient déjà l'idée de le faire.

En la circonstance, on peut évidemment chercher dans les travaux de René Dozière des éléments sur les Présidents de la République en retraite ; le mandat de Nicolas Sarkozy était arrivé à son terme, un peu contre son gré, sans pour autant qu'il puisse, le pauvre, vu son âge, toucher, tout de suite, sa retraite de président, comme on va le voir, même s'il a déjà tous les avantages en nature de cet état !

Le plus drôle, dans cette affaire, est l'étrange histoire de ce régime de faveur des présidents honoraires. Les anciens Présidents de la République encore vivants (et leurs veuves éventuelles comme on le verra) devraient adresser, en signe de reconnaissance, leurs remerciements communs à Laurent Fabius qui, le 8 janvier 1985, saisi d'on ne sait quelle inspiration subite a écrit, en tant que Premier Ministre, à Valéry Giscard d'Estaing pour modifier très sensiblement, de son propres chef, le sort des Présidents de la République en retraite ou, en tout cas, leur rémunération et les avantages dont ils peuvent jouir. Toutefois, comme R. Dozière le souligne, le fondement juridique d'une telle réforme est des plus fragiles voire douteux ; il ne s'agit, en somme, que d'un « courrier personnel », resté secret et donc ignoré des années durant, ce qui fait que l'on peut s'interroger sur la valeur décisionnelle d'une telle correspondance.

On peut d'ailleurs observer, au passage, une fois de plus, à quel point Laurent Fabius est toujours avisé et prévoyant. On se souvient qu'il avait su penser à son papa et à sa famille (les Fabius sont "marchands d'art" depuis deux empires et trois républiques) quand fut défini le statut fiscal particulier des oeuvres d'art, épargnées de façon curieuse et inattendue, par l'impôt sur la fortune alors créé. Ce point devait assurément moins préoccuper le Premier Ministre "Gros Quinquin" que L. Fabius qui en 1982 était son ministre des finances! En écrivant cette lettre à Giscard trois ans plus tard, c'était en réalité à lui-même qu'il songeait d'abord et surtout. En effet, en tant que "plus jeune Premier Ministre" de notre histoire, la voie de l'Elysée lui semblait en effet, inévitablement ouverte et, en feignant de se pencher sur le sort de VGE et de Tonton, c'était surtout son propre avenir qu'il préparait en tant que probable futur ancien Président de la République.

 Comme toujours en ces lieux, je vous la fais courte et je vais au fait.  

 Un Président de la République en retraite nous coûte, à la louche (grande, je vous l'accorde) deux millions d'euros par an, à la charge du contribuable bien entendu. On peut observer qu'une vraie sagesse républicaine et un juste souci des finances publiques conduiraient à n'élire que des présidents au moins septuagénaires, éventuellement même octogénaires et si possible égrotants. La tendance actuelle paraît toute autre puisque ce sont désormais des quadragénaires pleins de santé qui en rêvent et des quinquagénaires qu'on choisit, sans se préoccuper, le moins du monde, du coût prolongé qu'ils représenteront, dans la suite, pour la République.

Il est vrai qu'il faut distinguer sur ce point d'une part les avantages en nature qui leur sont attribués dès leur sortie de charge et, d'autre part, la retraite proprement dite, somme toute modeste, qui ne leur est versée qu'à partir du moment où ils atteignent l'âge de 60 ans. Régime spécial pour ces veinards qui apparemment ne seront pas astreints aux 62 ou bientôt 65 ans qui guettent le commun des travailleurs. La retraite proprement dite, une pension en fait, est celle d'un conseiller d'Etat ; elle est donc modeste (5250 € par mois, 63 000 € par an), mais elle offre toutefois la possibilité (très fréquente) de pouvoir être cumulée avec d'autres retraites (d'où les 30.000 euros mensuels des deux autres retraités actuels) ; le cas échéant, si notre retraité décide de siéger au Conseil Constitutionnel, dont il est membre de droit, il pourra y gagner 12 000 € bruts de plus par mois.

Le plus avantageux tient, en fait, aux immenses et coûteux avantages en nature : un logement de fonction où il peut installer éventuellement des bureaux (Nicolas Sarkozy, déjà logé, avait affaire plutôt pour des bureaux à 15 000 € par mois) ; la mise à disposition d'un duo de personnel de service qui peut même être augmenté, puisque R. Dozière précise que Valéry Giscard d'Estaing avait demandé et obtenu deux personnes de plus, les deux premières étant affectées surtout à la cuisine. L'ancien Président de la République bénéficie aussi de sept collaborateurs qui vont du directeur de cabinet à la simple secrétaire. Bien entendu pour les déplacements, une voiture de fonction avec deux chauffeurs (à cause des 35 heures!) ainsi qu'une escorte de deux ou trois policiers, sans compter les gendarmes qui surveillent le domicile privé (voir plus haut pour la réalité des faits!).

Pour les déplacements, aériens ou terrestres, tous les voyages sont gratuits, dans la classe la plus haute (comme on l'a vu avec les 11.000 euros de la récente escapade de Carla à New-York) pour lui même et son conjoint, sur l'ensemble des réseaux publics « dans la meilleure classe » faut-il le rappeler? Pour l'étranger, logement chez l'ambassadeur de France du lieu à condition toutefois que les déplacements soient opérés "dans le cadre de ses fonctions" (ce qui pour un retraité, demeure « assez flou » comme le note avec malice R. Dosière). En cas de décès, la veuve bénéficie d'une pension de réversion et garde une partie des avantages évoqués plus haut, ces privilèges s'étendant à ses enfants jusqu'à leur majorité. Ces privilèges cessent hélas pour les générations suivantes!

 "Arrêtons-nous ici !" comme on chante au deuxième acte de l'Armide de Gluck

Président de la République voilà un métier dont le régime est vraiment "très spécial" ! La réforme annoncée ne devra pas l'oublier.  

 

1 commentaire:

Expat a dit…

Ce qui est remarquable également c'est que la durée de cotisation, enfin de mandat, pardon, n'entre pas en ligne de compte dans le calcul de cette retraite!