Le Parisien et le Point, par leurs articles récents sur la
protection dont bénéficient les anciens Présidents et, de ce fait, Sarkozy (en particulier au Cap Nègre), ont remis
sur le tapis le statut et les conditions matérielles accordées aux anciens
présidents de la République ; leur protection est toutefois le moins important
et le moins illégitime des multiples et immenses privilèges, pour la plupart
injustifiés, qu'on leur accorde!
Sarkozy bénéficie, pour sa seule protection personnelle, de dix
policiers du SPHP ; Chirac se contente, lui, de huit et Giscard d'Estaing de
six. Ces informations ont fait quelque bruit dans la presse (il est vrai que
nous sommes en août et que l'information est à son étiage !), alors que
Mazarine Pingeot a bénéficié, sans aucun titre, pendant plus de dix ans et sans
que nul n'en parle et donc ne s'en offusque, d'un service de sécurité plus
important encore, sans y avoir en outre le moindre droit.
Dans la chasse aux régimes spéciaux de retraite
naguère entreprise (sans grand effet d'ailleurs) et qui prochainement va ré-ouvrir,
en septembre 2013, il en est un, très "spécial", qu'on a oublié et
sur lequel René Dozière, le trouble fête des sinécures d'Etat, a été presque le
seul à attirer naguère l'attention. Député PS de l'Aisne et auteur sulfureux de
L'argent et l'État, voilà un homme
qui ne doit pas être plus populaire auprès de ses collègues du Palais Bourbon
qu'il ne l'est rue de Solférino puisque lors des dernières législatives, le PS
lui a refusé l'investiture !
En la circonstance, on peut évidemment chercher dans
les travaux de René Dozière des éléments sur les Présidents de la République en
retraite ; le mandat de Nicolas Sarkozy était arrivé à son terme, un peu contre
son gré, sans pour autant qu'il puisse, le pauvre, vu son âge, toucher, tout de
suite, sa retraite de président, comme on va le voir, même s'il a déjà tous les
avantages en nature de cet état !
Le plus drôle, dans cette affaire, est l'étrange
histoire de ce régime de faveur des présidents honoraires. Les anciens Présidents
de la République encore vivants (et leurs veuves éventuelles comme on le verra)
devraient adresser, en signe de reconnaissance, leurs remerciements communs à
Laurent Fabius qui, le 8 janvier 1985, saisi d'on ne sait quelle inspiration
subite a écrit, en tant que Premier Ministre, à Valéry Giscard d'Estaing pour
modifier très sensiblement, de son propres chef, le sort des Présidents de la
République en retraite ou, en tout cas, leur rémunération et les avantages dont
ils peuvent jouir. Toutefois, comme R. Dozière le souligne, le fondement
juridique d'une telle réforme est des plus fragiles voire douteux ; il ne
s'agit, en somme, que d'un « courrier personnel », resté secret et donc ignoré
des années durant, ce qui fait que l'on peut s'interroger sur la valeur
décisionnelle d'une telle correspondance.
On peut d'ailleurs observer, au passage, une fois de
plus, à quel point Laurent Fabius est toujours avisé et prévoyant. On se
souvient qu'il avait su penser à son papa et à sa famille (les Fabius sont
"marchands d'art" depuis deux empires et trois républiques) quand fut
défini le statut fiscal particulier des oeuvres d'art, épargnées de façon
curieuse et inattendue, par l'impôt sur la fortune alors créé. Ce point devait assurément
moins préoccuper le Premier Ministre "Gros Quinquin" que L. Fabius
qui en 1982 était son ministre des finances! En écrivant cette lettre à Giscard
trois ans plus tard, c'était en réalité à lui-même qu'il songeait d'abord et
surtout. En effet, en tant que "plus jeune Premier Ministre" de notre
histoire, la voie de l'Elysée lui semblait en effet, inévitablement ouverte et,
en feignant de se pencher sur le sort de VGE et de Tonton, c'était surtout son
propre avenir qu'il préparait en tant que probable futur ancien Président de la
République.
Il est vrai qu'il faut distinguer sur ce point d'une
part les avantages en nature qui leur sont attribués dès leur sortie de charge
et, d'autre part, la retraite proprement dite, somme toute modeste, qui ne leur
est versée qu'à partir du moment où ils atteignent l'âge de 60 ans. Régime
spécial pour ces veinards qui apparemment ne seront pas astreints aux 62 ou
bientôt 65 ans qui guettent le commun des travailleurs. La retraite proprement
dite, une pension en fait, est celle d'un conseiller d'Etat ; elle est donc modeste
(5250 € par mois, 63 000 € par an), mais elle offre toutefois la
possibilité (très fréquente) de pouvoir être cumulée avec d'autres retraites
(d'où les 30.000 euros mensuels des deux autres retraités actuels) ; le cas
échéant, si notre retraité décide de siéger au Conseil Constitutionnel, dont il
est membre de droit, il pourra y gagner 12 000 € bruts de plus par mois.
Le plus avantageux tient, en fait, aux immenses et
coûteux avantages en nature : un logement de fonction où il peut installer
éventuellement des bureaux (Nicolas Sarkozy, déjà logé, avait affaire plutôt
pour des bureaux à 15 000 € par mois) ; la mise à disposition d'un duo de
personnel de service qui peut même être augmenté, puisque R. Dozière précise
que Valéry Giscard d'Estaing avait demandé et obtenu deux personnes de plus,
les deux premières étant affectées surtout à la cuisine. L'ancien Président de
la République bénéficie aussi de sept collaborateurs qui vont du directeur de
cabinet à la simple secrétaire. Bien entendu pour les déplacements, une voiture
de fonction avec deux chauffeurs (à cause des 35 heures!) ainsi qu'une escorte
de deux ou trois policiers, sans compter les gendarmes qui surveillent le domicile
privé (voir plus haut pour la réalité des faits!).
Pour les déplacements, aériens ou terrestres, tous les
voyages sont gratuits, dans la classe la plus haute (comme on l'a vu avec les
11.000 euros de la récente escapade de Carla à New-York) pour lui même et son
conjoint, sur l'ensemble des réseaux publics « dans la meilleure classe »
faut-il le rappeler? Pour l'étranger, logement chez l'ambassadeur de France du
lieu à condition toutefois que les déplacements soient opérés "dans le
cadre de ses fonctions" (ce qui pour un retraité, demeure « assez flou »
comme le note avec malice R. Dosière). En cas de décès, la veuve bénéficie
d'une pension de réversion et garde une partie des avantages évoqués plus haut,
ces privilèges s'étendant à ses enfants jusqu'à leur majorité. Ces privilèges
cessent hélas pour les générations suivantes!
Président de la République
voilà un métier dont le régime est vraiment "très spécial" ! La
réforme annoncée ne devra pas l'oublier.
1 commentaire:
Ce qui est remarquable également c'est que la durée de cotisation, enfin de mandat, pardon, n'entre pas en ligne de compte dans le calcul de cette retraite!
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