Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire (mais en ce temps de rénovation pédagogique, la répétition demeure néanmoins "l'âme de l'enseignement"), la presse française est tellement "aux ordres" qu'il n'y a même pas besoin de lui en donner. Elle prévient les désirs du gouvernement ; comme dans Andromaque, Pyrrhus, dont les refus prévenaient les larmes de sa bien-aimée, les journalistes français pourraient dire à Fabius et Hollande : "Que leur refus de parler du Mali ont prévenu leurs ordres".
L'élection présidentielle malienne était censée tourner à la gloire de l'influence française. La France, sottement soucieuse d'instaurer une pseudo démocratie dans la bergerie malienne pour mieux y introduire le loup américain, avait; contre le bon sens et le désir de beaucoup de Maliens, maintenu l'élection présidentielle au 28 juillet 2013. Ce vote, présenté au départ comme un extraordinaire succès, avait été alors l'objet de nombreux articles et commentaires célébrant naturellement tous la rare clairvoyance du gouvernement français dans ce choix, que d'aucuns s'étaient obstinés à juger hasardeux, voire malencontreux.
Depuis dimanche soir, en revanche, le silence est de rigueur dans la toute presse française.
Les résultats de l'élection devaient être donnés mardi 30 juillet 2013 à 17 heures, ce qui est déjà bien long, en dépit de l'étendue du territoire, car la situation a radicalement changé en Afrique depuis la généralisation des téléphones portables et de l'internet.
On a commencé par annoncer le mardi que les résultats n'arriveraient que mercredi 31 puis, dans la suite, qu'ils ne seraient donnés que vendredi 2 août 2013 c'est-à-dire aujourd'hui même, où je n'ai encore rien vu venir, les seuls articles français datant de trois jours. Le communiqué du gouvernement malien donne la date nouvelle sans la moindre explication !
On ne pourra guère aller au-delà de cette date, puisque la loi constitutionnelle malienne oblige à publier les résultats électoraux au maximum dans les cinq jours qui suivent l'élection. Avec un nombre de bulletins qui ne doit pas dépasser les 3,5 millions, mettre plus de cinq jours pour les compter est effectivement d'autant plus long que, d'après les informations qui ont circulé, le vote des 200.000 Maliens de France a été très difficile et de peu d'importance et que, dans les pays étrangers voisins, où se trouvent des réfugiés maliens, l'élection s'est réduite à très peu de chose.
Cette élection qui était présentée au départ comme triomphale tant pour la France (et L. Fabius surtout) que pour la démocratie locale, commence à être sérieusement contestée, en particulier par le candidat qui serait arrivé en deuxième position derrière Keita. La chose n'est pas très surprenante d'ailleurs, puisque la position de Keita est forte surtout dans le Sud et la région de Bamako alors que Cissé a un électorat potentiel qui se situe plutôt dans le Nord où les élections se sont déroulées dans des conditions beaucoup plus contestables.
On se prépare donc, sur place, à une campagne de contestation a déjà commencé en particulier du côté des partisans de Cissé par une remise en cause les résultats de ces élections qui, dans le meilleur des cas, conduira à un deuxième tour prévu pour la mi-août. Retarder ainsi la publication des résultats du premier tour incite naturellement à penser qu'on se donne ainsi le temps d'en trafiquer les résultats. On peut donc craindre que les choses ne tournent plus mal encore, en particulier dans le nord du pays.
Tout cela était éminemment prévisible et quasiment écrit dans le ciel ; les conditions de cette élection ont été telles qu'il ne sera sans doute pas difficile de trouver une masse considérable de motifs de contestation et d'annulation. Fort heureusement aujourd'hui même a eu lieu le dernier conseil des ministres français et tous nos politiques seront en vacances, ce qui ne manquera pas de permettre de jeter un voile pudique sur cette affaire malienne ou de l'oublier, sans pour autant la régler, comme on le verra très certainement à la rentrée... sinon avant, car le brave capitaine Sanogo doit suivre tout ça de près !
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