Dans le salon de coiffure de Figaro, on se souvient qu'on lisait sur une pancarte cette formule prometteuse mais, inévitablement, jamais mise en oeuvre : « Demain on rasera gratis ». À Bruxelles, à propos du remboursement de la dette grecque, on vient d'adopter une variante de cette promesse en allongeant de sept ans le délai de remboursement de la dette de la Grèce dont tout indique qu'il ne surviendra jamais. Aurais-je été consulté que j'aurais suggéré d'éviter, en la matière, le chiffre de sept ans, traditionnellement associé au malheur dans les cas où l'on brise un miroir. Toutefois, ce n'est évidemment pas très grave puisque, à l'échéance, il est clair que M. Sarkozy et Mme Merkel ne seront plus aux affaires et que nul n'aura l'idée saugrenue de leur demander des comptes. L'essentiel pour eux est donc de laisser cette ardoise en forme de patate chaude à leurs successeurs. De toute façon, avec sept ans de plus, la patate sera considérablement refroidie et de l'eau aura coulé sous le pont de l'Europe.
Haro sur les Grecs ! C'est la formule dont tout le monde use désormais pour dénoncer les turpitudes financières hellènes, en oubliant simplement deux détails pourtant essentiels.
Le premier est que, exception faite du Luxembourg, aucun État européen n'a appliqué les dispositions du plan de stabilité qui interdisait de dépasser le seuil d'impasse budgétaire qui avait été fixé et voté en commun. La seule différence entre les Grecs et les autres et que les Grecs ont payé, en plus, et fort cher, une banque américaine (Goldman Sachs) pour trafiquer leurs comptes budgétaires. Nous l'avons fait nous-mêmes, de façon plus discrète mais sans la moindre hésitation ; comme, de toute façon, lorsqu'il a été question de vérifier ces comptes nationaux, la France comme l'Allemagne s'y sont opposés; nous ne risquions donc pas grand-chose et cela d'autant que tout le monde le savait.
Ajoutons, et c'est le second point, que l'argent que les Grecs empruntaient à tout-va, leur permettait, en particulier, de s'armer de façon démentielle contre les Turcs, en particulier en achetant des armes en France et en Allemagne, ce qui arrangeait bien les industries d'armement des uns comme des autres.
Tous ceux et toutes celles qui ont vécu en Grèce et qui, de ce fait connaissent bien, de l'intérieur et par expérience directe, les moeurs de ce pays sont actuellement morts de rire en regardant les reportages qu'on fait sur ce pays et où l'on découvre des caractéristiques helléniques qu'ils ont constatées depuis longtemps.
Absence de cadastre (sauf dans les lieux qui, comme Corfou, furent un moment vénitiens) ; il en résulte naturellement que la plupart des maisons sont construites sans l'équivalent de ce que nous appellerions un permis de construire. Il n'est donc pas question de systématiser un impôt foncier ; quant à ceux qui sont suffisamment peu grecs et par là relativement soucieux des règlements pour demander l'autorisation de construire une maison, ils sont aussi assez grecs, et par là même retors, pour ne pas, à quelques détails près, l'achever totalement, ce qui dispense de la voir soumise à l'impôt puisqu'elle reste par là considérée comme étant "en état d'achèvement futur".
L'usage des chèques ou des cartes de crédit est à peu près inconnu dans ce pays, ce qui naturellement conduit à ce que la plupart des transactions se font en argent liquide, sans facture et donc sans payer la TVA. Ce détail explique que on peut s'interroger sur la pertinence des hausses actuelles de TVA qui viennent d'intervenir dans le plan d'austérité mises en place par Athènes. Faire passer la TVA dans la restauration de 13% à 23 % n'a donc guère de sens si personne ne la paye...sauf les étrangers ! Le système fiscal existe à peine là-bas et on estime en gros que seuls 13 % des citoyens grecs payent des impôts.
On connaît la fameuse niche fiscale des armateurs qui sont dispensés d'impôt parce que l'on considère que l'armement maritime est, avec le tourisme, la principale richesse de la Grèce. Il est exact que l'armement maritime grec est l'un des premiers du monde mais cela n'a guère d'intérêt pour le ministère du budget puisque cela ne lui rapporte rien du tout, sur ce plan, en matière fiscale. On comprend la logique théorique de cette mesure qui vise à rendre ce secteur particulièrement compétitif dans le monde ; il aurait l'avantage de créer des emplois si les dits armateurs employaient des équipages grecs, ce dont je doute fort. On comprend moins cette démarche de recherche de compétitivité marchande quand cette exemption fiscale s'applique aussi à l'église orthodoxe qui est portant le premier propriétaire foncier de l'État.
Le plan d'austérité mis en place en Grèce est si drastique (du grec "drao"!) qu'on se demande même si des pans entiers n'en seront pas totalement abandonnés ou ne seront mis en oeuvre que de façon totalement illusoire. Chacun sait en Grèce comment se sont évaporés bien des milliards des aides européennes ; on les appelait là-bas « les paquets Delors » car les fonds ont été acheminés en paquets entiers de coupures (toujours de culte de la liquidité...depuis Héraclite et son "panta rhei" ) vers des paradis fiscaux par les hommes politiques en place à l'époque (des socialistes!). Il est donc à craindre que les milliards qu'on va déverser sur la Grèce ne suivent, pour partie, le même chemin, à moins qu'on ne contrôle, de façon très stricte, qu'ils sont effectivement utilisés pour le remboursement de la dette.
Dans sept ans on rasera gratis tandis que la Grèce soldera sa dette, avec l'argent qu'on lui aura prêté si, entre temps, elle ne l'a pas mis aux Iles Caïman.
Au fait, le "Tonneau des Danaïdes" c'est bien aussi un truc grec?
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