Les débats actuels autour de la situation économique financière et monétaire de l'Europe m'ont remis en mémoire un débat que j'avais suivi, dans les années 90, d'une oreille et d'un oeil également distraits, à propos de l'instauration en Europe d'une monnaie commune ou unique. Il opposait surtout les économistes, les uns plaidant pour une monnaie unique, les autres recommandant plutôt une monnaie commune ; ce point technique ne devait guère intéresser dans la mesure où, faute d'y réfléchir et les deux adjectifs étant regardés comme plus ou moins synonymes, on ne faisait pas trop la différence.
Elle éclate pourtant désormais aux yeux de tous et nous ne sommes pas au terme des problèmes qui ont découlé d'un choix aveugle et absurde que nos crétins d'hommes politiques (dont beaucoup sont toujours en scène) nous ont imposé. Nous sommes, en effet, dans une situation inextricable qu'ont créée tant le statut politique européen que le choix stupide de la monnaie unique.
Durant les années 90, le débat s'est instauré sur cette question du choix entre monnaie commune et monnaie unique, mais il est clair que la tendance dominante était en faveur de la seconde pour des raisons politiciennes puisqu'on pensait que cette monnaie unique conduirait à l'unité culturelle politique et sociale de l'Europe, ce qui est évidemment absurde et la suite l'a bien montré, sans que nous soyons hélas au terme du processus et des malheurs qui en découlent.
La politique commune se détermine souvent au gré des ambitions personnelles des uns ou des autres, seule la totale irresponsabilité étant commune à tous. Les palinodies sur cette question ont en outre été nombreuses ; je me souviens en particulier de celle d'Édouard Balladur qui, en 1992, s'affirmait, arguments et livre à l'appui, un partisan résolu de la monnaie "commune", avant de devenir, en 1995, un apôtre de la monnaie "unique". Ses propres projets politiques avaient entre-temps évolué et briguant la présidence de la république, il cherchait par là le soutien des milieux financiers propres à financer sa campagne.
Si j'ai bien compris (et que d'éventuels lecteurs économistes n'hésitent pas à me corriger si je trompe), une monnaie commune aurait permis à chacun des Etats de conserver sa monnaie nationale mais, en revanche, des parités auraient été fixées, de façon permanente voire définitive, par rapport à cette monnaie commune qui aurait parfaitement pu être l'euro lui-même, mais sans que, pour autant, nous ayons des pièces et des billets dans cette monnaie, même si la chose aurait pu être aussi envisagée. Vers la fin des années 90, nous avons donc tous été endoctrinés par nos dirigeants en faveur de la monnaie unique et seuls quelques économistes (probablement distingués) ont continué à soutenir qu'il eût été préférable d'opter pour une monnaie commune.
Quinze ans plus tard, relisons les questions que se posait alors Jean-Michel Naulot :
" Les peuples sont-ils parvenus à un degré de solidarité tel qu'aux quatre coins de l'Europe on soit prêt à faire les sacrifices nécessaires pour aider son voisin ? Si tous les peuples de l'Union ne sont pas capables de répondre "oui", sans aucune arrière pensée, le risque d'une crise majeure est grand, dès le début de tout ralentissement du cycle économique". Quel prophète!
En 1999, date du début de l'euro, on avait déjà oublié depuis longtemps la thèse défendue par J.M. Keynes qui, lors de Bretton Woods, avait " proposé le principe d'une monnaie internationale commune - complémentaire donc des monnaies nationales - qui ne circulerait qu'entre Etats et non au sein des Etats. Elle ne se substituerait donc pas aux monnaies nationales qui, dans chaque pays, correspondent à des territoires de production et de politique économique."
Les premières années de l'euro ont semblé donner raison à ce choix de monnaie unique et pour les plus mauvaises raisons qui soient. Tous ceux qui voyageaient en Europe ont été évidemment ravis de pouvoir avoir la même monnaie en lieu et place des monnaies nationales. En revanche, dix ans d'expérience ont montré que cette monnaie unique n'a en rien changé la culture et les habitudes européennes. L'Europe sociale, économique et politique n'a pas progressé d'un pouce suite à l'existence de l'euro.
Il est bien évident aujourd'hui que ce choix de monnaie unique a été, somme toute, stupide et funeste ; nous en payons désormais les conséquences et l'addition est bien loin d'être close, sans que pour autant nul ne songe à demander des comptes aux décideurs politiques qui nous ont engagés dans cette voie sans issue autre que fatale et qui pérorent toujours sur les mérites de l'euro
En effet une monnaie commune nous aurait épargné la plupart des ennuis que nous connaissons aujourd'hui et dont nous n'avons pas fini d'épuiser les charmes, en particulier avec les pays du Sud de l'Europe. En conservant une monnaie nationale dans le cadre d'une monnaie commune, les Etats auraient pu faire face plus facilement à leurs problèmes spécifiques et surtout conserver des politiques économiques et sociales différentes, quitte à changer, en cas de nécessité absolue, les parités au sein de la monnaie commune. De tels changements n'auraient en rien mis en cause ni menacé cette monnaie commune qui aurait permis, en revanche, d'avoir face au dollar et au yen un espace monétaire européen cohérent, même si, en son sein, le cours de la peseta ou de la drachme par rapport à cette monnaie commune venait à changer.
Mais qui dit monnaie unique dit inévitablement compromis entre des intérêts économiques et des moeurs sociales et politiques qui peuvent être très différents voire opposés. Or, lors du passage à l'euro, certains Allemands, qui n'apprécient les rives septentrionales de la Méditerranée que pour leurs clubs de vacances, avaient déjà clairement prévenu qu'ils n'accepteraient pas de payer pour les pays qu'ils appelaient les " PIGS" ( = Portugal, Italy, Greece,Spain).
Ils sont sans doute bien plus nombreux aujourd'hui qu'en 1999!
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