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mardi 8 octobre 2013

La prétendue réforme de France Université Numérique (FUN)



Avant même d'être consterné par la lecture de la présentation qui est faite de ce projet (exposé le 2 octobre 2013 par Mme G. Fioraso), qu'on trouve, dans le site officiel du gouvernement français, sous "France Université Numérique (avec tous les jeux de mots anglo-américains que recèle cet acronyme et dont je me demande ce que peuvent en penser nos amis québécois), je dois dire que je suis horripilé, encore un peu plus que d'habitude, par l'anglomanie stupide des rédacteurs d'un tel texte ; je n'en citerai qu'une phrase comme exemple : "Aujourd'hui les étudiants sont de la génération Y, couramment appelés « digital natives ». Ultra connectés, jonglant avec l'information, ils ont massivement contribué à introduire les nouvelles technologies dans l'enseignement supérieur"(2 octobre 2013)

Si l'on admet, comme la plupart des auteurs que la "génération Y" est née à la fin des années 70, elle est formée de gens dont on ne peut guère dire "ils ont massivement contribué à introduire les nouvelles technologies dans l'enseignement supérieur" puisque, dans une totale contradiction, ce même projet vise, au contraire, à donner enfin à ces technologies au sein de notre enseignement supérieur la place qu'elles n'y ont pas.

Il faudrait tout de même savoir !

Je ne vous parlerai même pas ici des MOOCs, (Massive Open On Line) ces "plateformes interactives d'information sur les filières universitaires" qui pourraient tout aussi bien, et plus clairement, être des PIFU... mais MOOCs est tellement plus "in" et "fashion" ! Je ne comprends pas que la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, comme nos multiples commissions de terminologie et le ministère de l'enseignement supérieur et la recherche acceptent pareilles entorses à l'utilisation du vocabulaire administratif français officiel qui, rappelons-le au passage, impose pour les messages électroniques le mot "courriel" et interdit l'usage d'"e-mail", qui est un attentat à la phonétique du français, comme le sont, à son lexique, les emplois constants, avec les sens fautifs qu'on leur donne, de "renseigner" (pour remplir), "initier" (pour commencer) ou "errement" (pour erreur).

Mais laissons ces aspects lexicaux pour le fond du problème dont ces abominations révèlent d'ailleurs certains aspects.

Il est en effet désormais clair pour moi que le projet FUN de Madame Fioraso (dans lequel elle n'est sans doute pour rien) fait clairement fausse route, ce que prouve la référence exclusive au modèle étasunien que le MRES connaît très mal, à moins que, par perversité (ce que supposent certains de mes commentateurs), on ne s'en serve comme d'un masque. 

Ma première remarque (mais je l'ai déjà faite hier et je passe donc rapidement, est qu'on nous présente comme une innovation révolutionnaire, une stratégie de diffusion de l'information et de la formation que les Américains utilisent depuis près de 15 ans (sans parler de l'Australie ou du Canada) comme je l'ai montré à propos de l'exemple du MIT . Tout cela existe d'ailleurs en France, ici ou là, depuis longtemps ; j'ai moi-même avec quelques collègues, dont L.-J. Calvet, mis en place, il y a quinze ans, un "cybercours" - (terme que le préfère à MOOC), pour un DESS de "coopération linguistique et éducative".

Dans mon précédent post sur cette question, j'ai fait apparaître surtout que cette mise en ligne de tous leurs cours par de nombreuses universités américaines était, en réalité, (ce qui échappe totalement au MRES) une forme simple, efficace et peu coûteuse de PUBLICITE. Ce type d'action ouvre, au mieux, sur une vague forme de certifications, mais, en aucun cas, ne permet d'accéder aux diplômes délivrés par l''université, sans avoir auparavant "acheté" une inscription qui, aux États-Unis, coûte aux alentours de 25 000 à 30 000 € dans les grandes universités dont il est question.

Le modèle américain est donc pervers, si l'on y voit autre chose qu'un outil pratique, peu coûteux et efficace, de la culture scientifique au sens le plus large. A imiter servilement les MOOC américains, on ne prépare nullement une "université numérique", comme on le donne à croire, mais une sorte de France Culture universitaire, dont je ne conteste pas l'intérêt mais qui existe en partie déjà dans certaines disciplines ; je pense ici aux cours de philosophie de Michel Onfray ou à certaines émissions de Finkielkraut et de quelques autres mais ce ne sont là, en rien, de VRAIES filières universitaires ouvrant sur des DIPLOMES qui dans le système français seraient QUASI GRATUITS !

J'aurais pu faire avant ce que je n'ai fait qu'hier. Je suis allé, en effet, consulter le site de ce France Université Numérique et je suis consterné par ce que j'y ai lu, comme je l'ai déjà dit à propos de l'anglomanie. Je ne parle même pas du style abondamment métaphorique, avec, dès l'abord; une phrase comme « utiliser le numérique comme un véritable levier de transformation », comme si un levier pouvait servir à transformer quoi que ce soit ou la mention d'une "feuille de route [le sésame administratif universel] ambitieuse sur le numérique" alors que, manifestement, la réflexion, qui a présidé à tout cela, est des plus courtes, sinon nulle.

Le projet ne concerne quasiment en rien les ETUDIANTS et les DIPLOMES, eux, ne sont même pas mentionnés. On peut le prouver ici par la simple mention d'une rubrique majeure du site qui s'intitule "En quoi ça me concerne" . Les quatre articles dont je reproduis le texte jusque dans sa typographie :

1. JE VEUX SUIVRE

UNE FORMATION

mieux m'orienter avant d'entrer dans le supérieur,, améliorer la réussite de mes études ou accéder à la formation continue, valider les acquis et les compétences."

Les points     2  JE SUIS UNE UNIVERSITE

                    3  JE SUIS UNE ENTREPRISE*

                    4  JE SUIS UN(E) ENSEIGNANT(E).

ne concernent pas la question des étudiants dont nous traitons. On constate que ne figurent pas ici les termes attendus "INSCRIPTIONS", "EXAMENS" et "DIPLOMES". Nous sommes donc bien dans le registre France Culture Universitaire et non pas dans une "université numérique".

En réalité, les étudiants sont, dans cette affaire, la cinquième roue de la charrette du FUN. Les éléments de "programmes" le confirment, s'il en est besoin. En fait, au lieu de mettre à disposition un "cyber enseignement cohérent avec des filières précises sanctionnées, suite à des inscriptions réelles, mais quasi gratuites, par un examen et un diplôme", on fait, de bric et de broc, une espèce de salade composée culturelle où chacun, établissement ou individu, vient faire sa publicité, de l'université Joseph Fourier de Grenoble au CNAM de Paris qui, chacun le sait n'est d'ailleurs pas une université. L'attraction principale de cette prétendue université numérique sera, semble-t-il, Cédric Villani, une de nos médaillé Fields, grand amateur de spectacle scientifique, qui viendra probablement donner ses enseignements au centre d'une araignée !

Tout cela a son intérêt voire son mérite, mais ce France Culture universitaire n,'est en rien le projet universitaire démocratique et non mercantile (comme aux USA) qu'aurait pu imaginer un gouvernement de gauche.

Je constate d'ailleurs que, dans la première "action" (pour ne pas chercher plus loin), intitulée Dieu sait pourquoi "QuidQuam [avec un gros barbarisme mais on n'y initie pas au latin!]? Eurêka !", destiné à la "vulgarisation scientifique" et aux lycéens qui, refusés dans les classes préparatoires scientifiques, iront peupler les premières années de SSM et de SNV, le responsable est un certain Daniel Hennequin " chercheur au CNRS" (où, me semble-t-il, on enseigne guère !) et Maxime Beaugeois, "docteur en physique" (ce qui ne marque pas la moindre qualification à l'enseignement). De tels choix d'"enseignants" suscitent de ma part une interrogation : les universités ne sont-elles donc pas concernées par cette prétendue "université numérique" ?.

Tout cela a donc l'apparence d'un verbiage inconsistant autour d'un projet inadapté dans lequel une bonne vingtaine de personnes dont les binettes nous sont proposées ont déjà fait leur lit ou trouvé leur fromage.

L'énoncé des "axes majeurs de transformation" sont à eux seuls suffisants pour juger de la pertinence de cette entreprise.

Le premier "axe" consiste à "utiliser le numérique pour faciliter toutes les étapes du parcours de réussite de l'étudiant" dont, rappelons-le, on ne sait pas à quoi il mène. On attendrait ici de véritables de "cyber enseignements" spécialisés sur des domaines et sanctionnés par des diplômes.

Le second axe (qui est non pas un "second" mais un "deuxième", puisqu'il en a un "troisième", mais on ne peut exiger une connaissance minimale de la langue française de la part d'auteurs qui se meuvent si joliment parmi les MOOCs) consiste à faire "du numérique un levier de rénovation pédagogique". Le rédacteur de ces textes est manifestement un admirateur d'Archimède, mais il est aussi peu familier du français que la physique, car on voit mal comment le "numérique" peut être en même temps un "axe" et un "levier" !

"Le troisième axe vise à faire du numérique un outil au service de l'ouverture et de l'attractivité de l'université" ; on ne comprend pas bien pourquoi d'ailleurs, puisque précisément si cette entreprise réussissait vraiment en tant qu'université numérique, elle contribuerait plutôt à retirer des étudiants physiquement présents à l'université qu'à lui en ajouter.

Naturellement on ne saurait échapper à l'écologie et, sur la fin, on évoque, avec gourmandise, "l'écosystème de l'enseignement supérieur", expression dont le sens m'échappe un peu mais qui est assurément susceptible de faire briller les l'équipes de rédaction pour qui le numérique, qui était déjà un "levier", un "axe" et un "outil", devient en outre, "l'accélérateur de la démocratisation et de la réussite étudiante en France en Europe et dans le monde".

Puisqu'ils ont fini de rédiger leur projet de FUN (décidément de plus en plus "funny"), il faut de toute urgence affecter ces savants à ces grands projets de recherche industrielle innovante et en particulier à la conception du véhicule de demain dont rêve notre président !

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