Avant même d'être
consterné par la lecture de la présentation qui est faite de ce projet (exposé
le 2 octobre 2013 par Mme G. Fioraso), qu'on trouve, dans le site officiel du
gouvernement français, sous "France Université Numérique (avec tous les
jeux de mots anglo-américains que recèle cet acronyme et dont je me demande ce
que peuvent en penser nos amis québécois), je dois dire que je suis horripilé,
encore un peu plus que d'habitude, par l'anglomanie stupide des rédacteurs d'un
tel texte ; je n'en citerai qu'une phrase comme exemple : "Aujourd'hui les
étudiants sont de la génération Y, couramment appelés « digital natives ».
Ultra connectés, jonglant avec l'information, ils ont massivement contribué à
introduire les nouvelles technologies dans l'enseignement supérieur"(2
octobre 2013)
Si l'on admet, comme
la plupart des auteurs que la "génération Y" est née à la fin des
années 70, elle est formée de gens dont on ne peut guère dire "ils ont
massivement contribué à introduire les nouvelles technologies dans
l'enseignement supérieur" puisque, dans une totale contradiction, ce même projet
vise, au contraire, à donner enfin à ces technologies au sein de notre enseignement
supérieur la place qu'elles n'y ont pas.
Il faudrait tout de
même savoir !
Je ne vous parlerai
même pas ici des MOOCs, (Massive Open On Line) ces "plateformes
interactives d'information sur les filières universitaires" qui pourraient
tout aussi bien, et plus clairement, être des PIFU... mais MOOCs est tellement
plus "in" et "fashion" ! Je ne comprends pas que la Délégation
générale à la langue française et aux langues de France, comme nos multiples
commissions de terminologie et le ministère de l'enseignement supérieur et la
recherche acceptent pareilles entorses à l'utilisation du vocabulaire administratif
français officiel qui, rappelons-le au passage, impose pour les messages
électroniques le mot "courriel" et interdit l'usage
d'"e-mail", qui est un attentat à la phonétique du français, comme le
sont, à son lexique, les emplois constants, avec les sens fautifs qu'on leur
donne, de "renseigner" (pour remplir), "initier" (pour
commencer) ou "errement" (pour erreur).
Mais laissons ces
aspects lexicaux pour le fond du problème dont ces abominations révèlent
d'ailleurs certains aspects.
Il est en effet
désormais clair pour moi que le projet FUN de Madame Fioraso (dans lequel elle
n'est sans doute pour rien) fait clairement fausse route, ce que prouve la
référence exclusive au modèle étasunien que le MRES connaît très mal, à moins
que, par perversité (ce que supposent certains de mes commentateurs), on ne
s'en serve comme d'un masque.
Ma première remarque (mais
je l'ai déjà faite hier et je passe donc rapidement, est qu'on nous présente
comme une innovation révolutionnaire, une stratégie de diffusion de
l'information et de la formation que les Américains utilisent depuis près de 15
ans (sans parler de l'Australie ou du Canada) comme je l'ai montré à propos de
l'exemple du MIT . Tout cela existe d'ailleurs en France, ici ou là, depuis longtemps
; j'ai moi-même avec quelques collègues, dont L.-J. Calvet, mis en place, il y
a quinze ans, un "cybercours" - (terme que le préfère à MOOC), pour
un DESS de "coopération linguistique et éducative".
Dans mon précédent
post sur cette question, j'ai fait apparaître surtout que cette mise en ligne
de tous leurs cours par de nombreuses universités américaines était, en réalité,
(ce qui échappe totalement au MRES) une forme simple, efficace et peu coûteuse
de PUBLICITE. Ce type d'action ouvre, au mieux, sur une vague forme de certifications,
mais, en aucun cas, ne permet d'accéder aux diplômes délivrés par l''université,
sans avoir auparavant "acheté" une inscription qui, aux États-Unis,
coûte aux alentours de 25 000 à 30 000 € dans les grandes universités
dont il est question.
Le modèle américain
est donc pervers, si l'on y voit autre chose qu'un outil pratique, peu coûteux
et efficace, de la culture scientifique au sens le plus large. A imiter servilement
les MOOC américains, on ne prépare nullement une "université
numérique", comme on le donne à croire, mais une sorte de France Culture
universitaire, dont je ne conteste pas l'intérêt mais qui existe en partie déjà
dans certaines disciplines ; je pense ici aux cours de philosophie de Michel
Onfray ou à certaines émissions de Finkielkraut et de quelques autres mais ce
ne sont là, en rien, de VRAIES filières universitaires ouvrant sur des DIPLOMES
qui dans le système français seraient QUASI GRATUITS !
J'aurais pu faire
avant ce que je n'ai fait qu'hier. Je suis allé, en effet, consulter le site de
ce France Université Numérique et je suis consterné par ce que j'y ai lu, comme
je l'ai déjà dit à propos de l'anglomanie. Je ne parle même pas du style abondamment
métaphorique, avec, dès l'abord; une phrase comme « utiliser le numérique comme
un véritable levier de transformation », comme si un levier pouvait servir à
transformer quoi que ce soit ou la mention d'une "feuille de route [le sésame administratif universel]
ambitieuse sur le numérique" alors que, manifestement, la réflexion, qui a
présidé à tout cela, est des plus courtes, sinon nulle.
Le projet ne concerne
quasiment en rien les ETUDIANTS et les DIPLOMES, eux, ne sont même pas
mentionnés. On peut le prouver ici par la simple mention d'une rubrique majeure
du site qui s'intitule "En quoi ça me concerne" . Les quatre articles
dont je reproduis le texte jusque dans sa typographie :
1. JE VEUX SUIVRE
UNE FORMATION
mieux m'orienter
avant d'entrer dans le supérieur,, améliorer la réussite de mes études ou
accéder à la formation continue, valider les acquis et les compétences."
Les points 2 JE
SUIS UNE UNIVERSITE
3 JE SUIS UNE ENTREPRISE*
4 JE SUIS UN(E) ENSEIGNANT(E).
ne concernent pas la
question des étudiants dont nous traitons. On constate que ne figurent pas ici
les termes attendus "INSCRIPTIONS", "EXAMENS" et "DIPLOMES".
Nous sommes donc bien dans le registre France Culture Universitaire et non pas dans
une "université numérique".
En réalité, les
étudiants sont, dans cette affaire, la cinquième roue de la charrette du FUN.
Les éléments de "programmes" le confirment, s'il en est besoin. En
fait, au lieu de mettre à disposition un "cyber enseignement cohérent avec
des filières précises sanctionnées, suite à des inscriptions réelles, mais
quasi gratuites, par un examen et un diplôme", on fait, de bric et de
broc, une espèce de salade composée culturelle où chacun, établissement ou
individu, vient faire sa publicité, de l'université Joseph Fourier de Grenoble
au CNAM de Paris qui, chacun le sait n'est d'ailleurs pas une université.
L'attraction principale de cette prétendue université numérique sera,
semble-t-il, Cédric Villani, une de nos médaillé Fields, grand amateur de
spectacle scientifique, qui viendra probablement donner ses enseignements au
centre d'une araignée !
Tout cela a son intérêt
voire son mérite, mais ce France Culture universitaire n,'est en rien le projet
universitaire démocratique et non mercantile (comme aux USA) qu'aurait pu
imaginer un gouvernement de gauche.
Je constate
d'ailleurs que, dans la première "action" (pour ne pas chercher plus
loin), intitulée Dieu sait pourquoi "QuidQuam [avec un gros barbarisme mais on n'y initie pas au latin!]? Eurêka !",
destiné à la "vulgarisation scientifique" et aux lycéens qui, refusés
dans les classes préparatoires scientifiques, iront peupler les premières
années de SSM et de SNV, le responsable est un certain Daniel Hennequin "
chercheur au CNRS" (où, me semble-t-il, on enseigne guère !) et Maxime
Beaugeois, "docteur en physique" (ce qui ne marque pas la moindre
qualification à l'enseignement). De tels choix d'"enseignants" suscitent
de ma part une interrogation : les universités ne sont-elles donc pas
concernées par cette prétendue "université numérique" ?.
Tout cela a donc
l'apparence d'un verbiage inconsistant autour d'un projet inadapté dans lequel
une bonne vingtaine de personnes dont les binettes nous sont proposées ont déjà
fait leur lit ou trouvé leur fromage.
L'énoncé des "axes
majeurs de transformation" sont à eux seuls suffisants pour juger de la
pertinence de cette entreprise.
Le premier "axe"
consiste à "utiliser le numérique pour faciliter toutes les étapes du
parcours de réussite de l'étudiant" dont, rappelons-le, on ne sait pas à
quoi il mène. On attendrait ici de véritables de "cyber enseignements"
spécialisés sur des domaines et sanctionnés par des diplômes.
Le second axe (qui
est non pas un "second" mais un "deuxième", puisqu'il en a
un "troisième", mais on ne peut exiger une connaissance minimale de
la langue française de la part d'auteurs qui se meuvent si joliment parmi les
MOOCs) consiste à faire "du numérique un levier de rénovation pédagogique".
Le rédacteur de ces textes est manifestement un admirateur d'Archimède, mais il
est aussi peu familier du français que la physique, car on voit mal comment le
"numérique" peut être en même temps un "axe" et un "levier"
!
"Le troisième
axe vise à faire du numérique un outil au service de l'ouverture et de
l'attractivité de l'université" ; on ne comprend pas bien pourquoi
d'ailleurs, puisque précisément si cette entreprise réussissait vraiment en
tant qu'université numérique, elle contribuerait plutôt à retirer des étudiants
physiquement présents à l'université qu'à lui en ajouter.
Naturellement on ne
saurait échapper à l'écologie et, sur la fin, on évoque, avec gourmandise, "l'écosystème
de l'enseignement supérieur", expression dont le sens m'échappe un peu mais
qui est assurément susceptible de faire briller les l'équipes de rédaction pour
qui le numérique, qui était déjà un "levier",
un "axe" et un "outil", devient en outre, "l'accélérateur de la démocratisation et
de la réussite étudiante en France en Europe et dans le monde".
Puisqu'ils ont fini
de rédiger leur projet de FUN (décidément de plus en plus "funny"), il faut de toute urgence affecter
ces savants à ces grands projets de recherche industrielle innovante et en particulier
à la conception du véhicule de demain dont rêve notre président !
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