Première partie : CDS : "Voulez-vous jouer avec moa?"
"Voulez-vous
jouer avec moa?" Ce titre est celui d'une pièce de Marcel Achard (1923
me semble-t-il?) qui n'a rien à voir avec mon propos, quoique je mette en jeu
pour le vainqueur, dans cette affaire, la fameuse tringle à rideaux du regretté
Coluche. Venons-en au fait et au jeu !
Savez-vous ce que veut dire CDS ?
"Il rings
the bell" ? Dans notre dialecte ordinaire, on dit plutôt "ça vous
dit quelque chose!" Non ? Je vous vois déjà vous précipiter, d'un geste
plein d'espoir, sur Google et Wikipedia pour y lire, non sans étonnement, que
le CDS (pour Centre des Démocrates Sociaux) est
"un parti politique français du centre droit, de conviction démocrate-chrétienne, fondé au congrès de Rennes,
par
la fusion du Centre démocrate
de Jean Lecanuet
et du Centre
Démocratie et Progrès de Jacques
Duhamel" In
cauda venenum ! Vous vous voyez déjà en possession de la tringle à rideaux
quand vous lisez la suite : " Le
CDS fusionne, dans la suite, avec le PSD
et devient "Force
démocrate" en novembre
1995,
sous l'impulsion de François
Bayrou".
L'évocation de ce dernier nom vous donne à croire que vous brûlez, mais
pas du tout vous êtes au pôle (... avant la fonte des glaces !). Paix à toutes
ces belles âmes mais vous n'êtes pas dans le coup et même fort loin du but !
Car "CDS" n'est pas du français mais forme
l'acronyme, moderne lui, de "Credit
Default Swaps", car la perfide Albion est le temple majeur et
incontesté de la finance ; à ce titre, elle attire désormais le tiers de nos
polytechniciens ; en revanche, la France, elle, demeure la pépinière des
Médailles Fields (le Nobel des mathématiques) dont le plus pittoresque
titulaire est sans aucun doute le dernier, que caractérisent, non sans
pittoresque, son génie mathématique, son amour des lavallières et sa passion
des araignées!
Venons en donc aux CDS en laissant de côté la
tringle à rideaux qui restera inaccessible !
Les CDS, qu'on nomme poétiquement en français
"couvertures de défaillance"[""" ou, plus joliment, "dérivés sur événement de crédit" ou même plus mystérieusement
"permutations de l'impayé" constituent des "contrats de
protection financière entre acheteurs et vendeurs", qui, dit-on, furent
imaginés au sein de la banque John Pierpont Morgan. En France, cette pratique appelée "titrisation" (en anglais
securitization ) a été introduite par la loi du
23 décembre 1988. Sous l'impulsion de P. Beregovoy, elle visait, en
principe, à faciliter le développement du crédit immobilier en permettant aux
banques de sortir les créances de leurs bilans et d'améliorer leur ratio
« Cooke ». Attachez vos ceintures car nous entrons à la fois dans une zone (ô combien turbulente, souvenons-nous des "subprimes") et surtout dans une "terra incognita", où se trouvent, non pas les innocents "ursi vel leones" des régions blanches et inexplorées des cartes d'antan, mais des ogres de phynances infiniment plus avides et plus redoutables. Je ai mis ici un peu de latin pour vous préparer à celui de la suite qui n'a rien d'ecclésiastique comme vous allez le constater :
"L'acheteur de protection verse une prime ex ante annuelle calculée sur le montant notionnel de l'actif à couvrir, souvent dit de référence ou sous-jacent (ce montant étant également appelé encours notionnel du CDS), au vendeur de protection qui promet de compenser ex post les pertes de l'actif de référence en cas d'événement de crédit précisé dans le contrat. Il s'agit donc, sur le plan des flux financiers, de l'équivalent d'un contrat d'assurance".
Poursuivons dans Wikipedia : "Il s'agit d'une transaction non-financée : sans obligation de mettre de côté des fonds pour garantir la transaction, le vendeur de protection reçoit des primes périodiques et augmente ses avoirs sans nul investissement en capital si aucun événement de crédit n'a lieu jusqu'à maturité (la fin) du contrat. Dans le cas contraire, événement plus ou moins probable mais très coûteux, il est contraint de faire un paiement contingent, donc de fournir des fonds ex post. Il s'agit donc d'une exposition hors-bilan.
Les CDS ont été largement incriminés dans la responsabilité de la crise financière de 2007-2010 puis la crise de la dette dans la zone euro de 2011".
Tu m'étonnes! On dit que le marché des CDS représente plus de 90% de tous les dérivés de crédit, les trois-quarts de ce marché étant entre les mains d'une dizaines de "dealers". Mieux encore, en 2008, le marché des CDS dépassait de dix fois le montant total des créances sous-jacentes et même le PIB mondial !
En somme, X achète à Y, par exemple, un CDS sur une créance-bidon (des obligations d'Etat grecques pour prendre un cas célèbre), sans être lui-même en rien un créancier de la Grèce; il le fait sur une base de prix qu'on nomme, dans le langage fleuri des traders, "le montant notionnel de l'actif à couvrir" (j'adore le "notionnel" qui veut simplement dire que ce montant est théorique et équivaut souvent à plusieurs fois le montant de la créance elle-même !) ; l'acheteur (celui qui par là s'assure en quelque sorte), ne paye pas le vendeur, en réalité, sauf en lui versant "des primes périodiques", le seul intérêt du "vendeur" (l'assureur) étant "d'augmenter ses avoirs [purement théoriques puisque c'est de la monnaie de singe en général] sans nul investissement en capital".
Il ne reste plus au "vendeur de protection" (l'assureur) qu'à prier pour que ne se produise pas un "événement de crédit" [toujours ce bel art de litote, puisqu'il s'agit là de la faillite de la Grèce par défaut de paiement] et à "l'acheteur de protection" qu'à prier, à l'inverse, pour que se produise le même fâcheux "événement de crédit" qui lui permettra de toucher l'assurance.
Si vous comprenez quelque chose à ce système, dites-le moi et surtout expliquez-moi comment on peut être assez stupide pour marcher dans pareille combine, sauf si le vendeur et l'acheteur de CDS sont une seule et même personne ou institution et si l'on trompe sciemment le gogo acheteur !
Pour y comprendre un peu quelque chose, faites comme moi, lisez Gaël Giraud sj, notre génial trader devenu jésuite
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