Rendons
d'abord à César ce qui est à César et ce qui lui revient à Michel Feher, philosophe
de son état et président de "Cette France-là", association
créée en décembre 2007, qui se propose de "documenter [sic] le traitement réservé aux étrangers
qui, selon les autorités françaises, auraient vocation à être
« éloignés »". En l'occurrence, il s'agit de l'idée, fort
ingénieuse à mon sens mais vous en jugerez vous-même dans la suite, de comparer
à la "titrisation" financière évoquée dans un précédent billet, le
traitement des Roms par les autorités françaises (cf. M. Feher "La
Titrisation de la Politique Gouvernementale" , Vacarme 01, 23 juin 2010 ; dois-je préciser que les absurdes
majuscules anglo-saxonnes de ce titre ne sont pas de moi ?).
Avant d'aborder
la question du jour, un simple petit mot sur les Roms eux-mêmes, quoiqu'on nous
rebatte les oreilles à leur sujet depuis des mois. Ayant eu moi-même l'occasion
d'aller dans l'Est européen, et en particulier en Bulgarie, j'ai pu y constater
quel était l'état général et l'image locale de ces populations qui ont là-bas
la réputation de vivre en marge de la société "normale", essentiellement
de rapines et de larcins. Ayant vécu quelques années à Marseille, j'ai pu y
noter que si nombre de Roms y séjournent aux carrefours pour vous salir votre
pare-brise en faisant mine de le nettoyer, les autres trimbalent leur récolte
du jour dans d'énormes et somptueuses poussettes, de toute évidence
"trouvées" dans les corridors d'immeubles ! Je ne reviens donc pas
sur tout ce qui a été dit à ce sujet, y compris sur les dizaines de milliards
gaspillés par l'UE pour leur intégration et dont ils n'ont jamais vu la
couleur, en France comme dans les PECO.
En revanche,
détail peu mentionné, on doit se souvenir ou plutôt savoir que les Roms ont été
ESCLAVES en Roumanie jusqu'au milieu du XIXe siècle (1856 ou 1858 selon les
sources) ; c'est assez dire par là quel a pu être leur sort dans le passé ; il
est probable que cette condition servile d'autrefois n'est pas sans incidence sur
celle qui leur est faite aujourd'hui. Après tout et au fond, leur sort n'a
jamais été meilleur que sous le régime communiste..
Revenons à notre
propos immédiat. J'ai brièvement évoqué, dans un post précédent, la "titrisation",
dont le plus bel exemple a sans doute été donné par le traitement de la situation
économique de la Grèce, cas magistralement expliqué par Gaël Giraud aux admirables
et intelligibles travaux duquel je ne puis que renvoyer. L'idée ingénieuse de
Michel Feher, en la circonstance, a été de voir comment le cas des Rom peut
illustrer les nouvelles technologies de manipulation de l'information qui
reposent sur une double base en quelque sorte. Elle fait que nos hommes
politiques (et on le voit assez dans l'affaire du cumul des mandats) ne souhaitent
rien d'autre que être reconduits, dans l'ensemble de leurs fonctions,
nationales et locales, toute leur vie durant, car cette dualité de pouvoir leur
permet de manipuler, au mieux de leurs intérêts électoraux personnels, l'information
et, par là même, l'électorat, plutôt que de tenter de réaliser ou même d'entreprendre
les actions généralement chimériques, qu'ils ont annoncées voire promises dans
leurs programmes électoraux.
Si l'on se place
dans la perspective de Michel Féher et si j'ai bien compris la métaphore de la
"titrisation", les électeurs sont, en quelque sorte, les actionnaires
qu'on va tromper par des discours fallacieux ; on les manipule à travers des
opérations qui ne visent qu'à orienter le marché électoral, sous le déguisement
d'une gestion apparemment efficace et méditée de flux migratoires jugés
intempestifs, plutôt que par une réelle action en faveur d'objectifs
déterminés.
La métaphore de
la "titrisation" des Roms, comme toutes les métaphores, souffre toutefois
d'une volonté, excessive mais inévitable, de la prolonger jusque dans des détails
qui finissent par la rendre absurde. Je n'irai donc pas jusqu'à dire, selon l'analyse
du néolibéralisme que fait Michel Féher, que les 20.000, 25.000 ou 30.000 Roms
séjournant en France constituent une "bulle spéculative" comme ont pu
l'être, naguère, les "subprimes". En fait après avoir admiré et loué l'ingéniosité
de la métaphore, je n'en retiendrai qu'un aspect un peu élémentaire qui peut
s'expliquer de la façon la plus simple.
En réalité, dans
le jeu politicien français, les camps de Roms sont devenus un outil électoral
qu'on manipule de la façon la plus rudimentaire mais la plus efficace.
Supposons un camp de Roms de 500 personnes qui se trouve dans une ville ou dans
une zone A. L'astuce politicienne de base consiste, après l'avoir laissé s'installer
ce camp dans la zone A, ce qui vous attire fatalement la fureur des indigènes
du coin vu la croissance forte des cambriolages et vols de toutes sortes, vous
gagnera, en revanche, la reconnaissance pré-électorale de ces mêmes électeurs
de la zone A, le jour où vous allez les débarrasser de cette plaie en faisant passer le camp dans une zone B. Il va
très vite y susciter une animosité et une colère des électeurs que l'on changera,
au bout d'un délai raisonnable, en reconnaissance et en capital électoral, en
faisant passer, cette fois-ci, ce même camp de Roms de la zone B dans une zone
C, et ainsi de suite…
Comme disait le
bon peuple, "ça ne mange pas de pain" et les seuls qui sont vraiment
gênés et définitivement mécontents sont les pauvres Roms qu'on contraint de
déménager à des périodes régulières car eux ne votent pas ! Ces déplacements
ont toutefois l'avantage d'ouvrir de nouveaux champs d'action à leurs larcins
et à leurs rapines. Cette stratégie permet aussi, au plan médiatique, de belles
opportunités à d'autres acteurs. D'abord aux belles âmes du coin, le plus
souvent peu enclines dans les faits à sédentariser quelques Roms par un accueil
dans leurs propres demeures ou dans leurs jardins, mais qui ne dédaignent pas
de porter leur coeur en écharpe devant micros et caméras. Aux politiciens
ensuite (j'use ici, à dessein, de ce terme, péjoratif en français) qui, par là,
peuvent augmenter leur clientèle et donc leur capital électoral, quel que soit,
par ailleurs, leur bord politique, ce qui est une singularité rare et par là
même riche de sens, puisque ces expulsions de Roms, comme on a pu le constater,
sont le fait, aussi bien des municipalités de gauche que de celles de droite.
Ce qui favorise aussi
cette forme de titrisation des Roms est naturellement leur habitat, le plus
souvent mobile, qui permet de les obliger facilement et rapidement à se
déplacer, ce qui serait beaucoup plus compliqué s'il s'agissait de paysans du
Larzac par exemple, qui ont été longtemps le fonds de commerce de Monsieur Bové,
avant qu'il décroche les 15.000 euros mensuels de sa sinécure européenne.
Ajoutons que nos paysans seraient sans doute plus prompts à prendre la fourche,
voire à décrocher le fusil!
Et "la
pissotière à roulettes" ?
Que vient-elle
faire dans cette affaire car je vous sens déjà anxieuse et impatient (parité
oblige) de savoir comment je vais en justifier l'étrange présence dans le titre
de ce post.
Petit rappel
littéraire et historique.
L'inventeur de
ce concept audacieux, modernisation hardie de la trouvaille bien connue de
l'empereur Vespasien qui démontra, du même coup, à son sceptique de fils, que
"l'argent n'a pas d'odeur ", est Marcel Pagnol. Il a use de ce terme
nouveau dans une scène fameuse de Topaze
avant que le "concept" soit repris, sous une forme un peu différente
mais dans le même esprit, dans Clochemerle.
Il me faudrait
pouvoir ici reproduire l'accent de Fernandel s'adressant au "politicien
local" qu'il vient de dépouiller à son tour, car nous retrouvons ici la politique
et les "mandats" (à tous les sens du terme) :
"Voyez-vous, mon cher Régis, je vous
ai vu à l'oeuvre et je me suis permis de vous juger. Vous n'êtes pas
intéressant. Vous êtes un escroc, oui, je vous l'accorde, mais de petite race.
Quinze balayeuses, trente plaques d'égout, six douzaines de crachoirs
émaillés...Peuh...Le jeu n'en vaut pas la chandelle. Quant aux spéculations
comme celles de la pissotière à roulettes, ça, mon cher, ce ne sont pas des
affaires : c'est de la poésie toute pure. Non, vous n'êtes qu'un bricoleur, ne
sortez pas de la politique'.
Comme les Roms
eux-mêmes, la pissotière de Topaze
est "à roulettes"! Cet édicule, dont personne ne veut, même si chacun
est heureux de trouver de temps en temps sur sa route et si d'aucuns s'y
donnent même des rendez-vous qu'on hésite à qualifier de galants, est en effet
déplaçable ! Une pissotière à roulettes, comme les Roms, peut-être déplacée
quand sa présence est devenue trop intolérable dans le lieu où on l'avait
d'abord installée. Ce déplacement s'achète alors ! Des espèces sonnantes et
trébuchantes dans un cas, des voix dans une élection, où est la différence ?
Le déplacement des
camps de Roms, ce n'est certes pas de la poésie, selon le mot de Topaze, mais
ce peut être de la stratégie électorale, quelle que soit l'épithète dont on la
décore ou dont on la masque.
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