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vendredi 18 octobre 2013

Leonarda : "le grand n'importe quoi !"


"Assurons-nous bien du fait, avant que de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens, qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait, mais enfin nous éviterons le ridicule d'avoir trouvé la cause de ce qui n'est point.". Cette réflexion de Fontenelle dans son Histoire des oracles est assurément plus vraie encore dans notre société, où les médias, en perpétuelle concurrence et engagés dans une frénétique course au scoop, n'hésitent jamais à dire n'importe quoi dans l'espoir permanent de devancer leurs concurrents.

Depuis deux jours, il n'est bruit dans nos médias que de Leonarda et encore hier des milliers de jeunes lycéens qui, sans doute, pour la plupart situent le Kosovo en Afrique, manifestaient dans les rues de Paris en faveur de cette fameuse Leonarda renvoyée dans son Kosovo natal pour y rejoindre le reste de sa famille qui y avait été expédié quelque jours auparavant.

Rappelons, parmi nos souvenirs de collège, l'histoire de la dent d'or de Fontenelle dont j'ai cité ci dessus l'introduction.
"En 1593, le bruit courut que les dents étant tombées à un enfant de Silésie, âgé de sept ans, il lui en était venu une d'or, à la place d'une de ses grosses dents. Horstius, professeur en médecine dans l’Université de Helmstad, écrivit en 1595 l'histoire de cette dent, et prétendit qu'elle était en partie naturelle, en partie miraculeuse, et qu'elle avait été envoyée de Dieu à cet enfant pour consoler les Chrétiens affligés par les Turcs. Figurez-vous quelle consolation, et quel rapport de cette dent aux Chrétiens, ni aux Turcs. En la même année, afin que cette dent d'or ne manquât pas d'historiens, Rullandus en écrit encore l'histoire. Deux ans après, Ingolsteterus, autre savant, écrit contre le sentiment que Rullandus avait de la dent d'or, et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique".

Je vous épargne la suite car les choses ne vont pas au même train à cette époque que dans la nôtre. Fontenelle conclut son récit, avec un bon sens qu'on aurait pu croire mieux partagé selon Monsieur Descartes : "Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu'il fût vrai que la dent était d'or. Quand un orfèvre l'eut examinée, il se trouva que c'était une feuille d'or appliquée à la dent avec beaucoup d'adresse; mais on commença par faire des livres, et puis on consulta l'orfèvre.".

Il en est de même pour l'affaire Leonarda et il ne me manque pour vous la narrer que le talent de Fontenelle !

On s'indigne, on débat, on manifeste, on exige la démission du ministre voire du gouvernement ou même, pourquoi pas, de Président de la République et ensuite on s'informe un peu sur la réalité des choses.

On découvre ainsi que le père de famille, Resat Dibrani a eu quelques problèmes avec la justice. Début 2013, sa femme a déposé une plainte contre lui pour violences sur ses filles Leonarda, 15 ans, et Maria, 17 ans. Le parquet de Besançon a estimé qu'il n'y avait pas assez de charges pour engager des poursuites mais Leonarda et sa sœur ont été néanmoins placées en foyer pendant deux semaines. Monsieur G. Guinot, "porte-parole du comité de soutien aux sans-papiers du secteur de Pontarlier" explique ces comportements par des spécificités culturelles du Kosovo : «Au Kosovo, le chef de famille a tous les droits, on a essayé de lui dire que ce n'était pas une façon de faire, qu'en France on n'avait pas le droit de frapper ses enfants» ; une voisine confirme aussi que ce père de famille battait souvent ses enfants et sa femme.

Monsieur Dibrani, que l'on présentait comme blanc comme neige, apparaît toutefois comme fort différent. En effet, si Monsieur Dibrani est bien kosovar, sa femme est italienne et ses enfants sont nés en Italie. Il a lui-même, comme souvent, menti  et, par précaution, détruit les papiers de sa famille, sachant que s'il se déclarait italien, il serait renvoyé dans ce pays. Il a fait le choix du Kosovo où l'on peut invoquer les persécutions dont les Roms sont victimes. Il a même ajouté qu'il s'était offert, en France même, pour 50 €, de faux papiers.

On a ainsi appris que ce père de famille, présenté comme exemplaire, qui, disait-on, avait un travail ou du moins en recherchait un, n'a, en réalité, jamais travaillé depuis quatre ans et ne semble guère préoccupé par la recherche d'un emploi, du moins à en croire les témoignages qui ont pu être recueillis.

Ajoutons enfin, car il est évidemment étonnant pour ne pas dire scandaleux, qu'il soit, depuis plus de quatre ans, en attente d'une décision sur sa demande d'asile, que comme beaucoup d'autres, il a bénéficié des conseils juridiques de l'assistance et du soutien aux sans-papiers du secteur de Pontarlier. Selon Michèle Tribalat, spécialiste de l'immigration, ces délais prolongés ne tiennent qu'aux appels successifs de M. Dibrani contre les décisions de rejet dont ses quatre précédentes demandes successives ont déjà fait l'objet, procédures que personne n'évoque naturellement. On pense ici à ces fameux séjours prolongés dans les couloirs de la mort des États-Unis qu'on attribuait souvent à une forme de sadisme de la justice américaine, alors qu'ils ne tenaient qu'aux appels successifs des condamnés qui naturellement étaient toujours suspensifs de l'exécution de la sentence.

Indépendamment de l'opinion qu'on peut avoir sur cette affaire comme sans doute sur beaucoup d'autres, il est très fâcheux que notre information soit d'une telle médiocrité voire d'une pareille inexactitude et que la recherche forcenée du scoop et de la primauté dans la diffusion de quelque information que ce soit, l'emporte, partout et toujours, dans notre presse, sur la vérité des faits qui devrait pourtant être l'exigence première et majeure.

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