mercredi 9 octobre 2013
Éric Juppé et Alain Woerth : fusible ou lampiste ?
La décision finale des juges de Bordeaux a un peu étonné tout le monde, même si elle n'aurait pas dû surprendre, alors qu'elle est tout à fait dans la logique de notre système et d'une justice qui, selon le mot de Figaro, est toujours indulgente aux grands et dure aux petits, encore que, dans la circonstance, il ne s'agisse ni de l'un ni des autres. Comprenne qui voudra.
A ce propos, pour celles et ceux qui jugeraient étrange la distinction entre "étonner" et "surprendre" qu'on confond désormais si volontiers, je rappellerai une anecdote dont le héros est Emile Littré, l'auteur du dictionnaire. Trouvé au lit avec la bonne par Madame Littré revenue au logis inopinément et comme elle s'exclamait, "Monsieur, je suis surprise de...", elle fut interrompue dans son indignation par la remarque toute professionnelle de son lexicographe de mari ; "Non, Madame, vous êtes étonnée et nous sommes surpris!".
Mais cette mise au point lexicale faite, revenons à notre affaire.
À lire les extraits de la décision de Bordeaux (267 pages si je me souviens bien, car nos magistrats ont la plume facile, même s'ils écrivent de conserve !), il n'est fait aucune allusion claire et précise au point principal des réponses de Nicolas Sarkozy sur le nombre de visites qui a rendues à Madame Bettencourt. Il a toujours affirmé, en effet, contre vents et marées, n'en avoir fait qu'une seule, alors que plusieurs témoignages en signalent au moins deux. Mieux, on dispose de photographies où on le voit entrer chez elle vêtue de façons différentes. Même un Fregoli de la politique change moins vite de costume que d'opinions et il ne saurait le faire dans de telles conditions.
On s'étonne naturellement qu'au terme de considérations sur les comportements de Nicolas Sarkozy qui ont toute l'allure d'un réquisitoire, aussi sévère que fondé, les deux magistrats concluent par l'abandon des poursuites, alors qu'elles sont maintenues contre ce pauvre Éric Woerth qui était pourtant apparemment dans une position subalterne, puisque, s'il allait solliciter de l'argent chez l'héritière de L'Oréal, c'était évidemment pour le financement de la campagne de son candidat et donc avec l'accord de ce dernier, sinon sur ses instructions.
Tout donne donc à penser que pour des raisons qui demeureront inconnues, (Sarkozy a été ministre de l'intérieur et nul ne quitte la Place Beauvau sans emporter quelques dossiers sur ses ennemis ... et ses amis), on a cherché une solution qui ménageât à la fois les juges, en leur permettant de sauver la face puisqu'en cas de poursuite, ils auraient pu éventuellement, vu la teneur de leurs conclusions, atténuées au regard des faits, voir le prévenu relaxé, ce qui leur aurait fait perdre professionnellement la face, et Nicolas Sarkozy lui-même, qui s'il est épargné dans cette affaire, voit son image quelque peu ternie et les poursuites engagées contre son comparse.
On ne peut que songer à la totale similitude qu'il y a, dans cette situation, avec celle qui fut naguère celle du tandem Chirac-Juppé et qui se termina par la condamnation de ce pauvre Juppé, contraint d'aller porter le chapeau ou plutôt la chapka dans les arpents de neige canadiens. En sera-t-il de même pour ce pauvre Monsieur Woerth ? Je lui suggérerais plutôt l'édénique île seychelloise d'Arros. C'est assez probable à moins qu'on ne se contente, pour finir, du menu fretin (en dépit des sommes en jeu) que constituent Messieurs Bannier et de Maistre.
Pauvre Monsieur Woerth ! C'est la dure loi du métier politique en cas de coup dur ; elle vous condamne souvent à des choix douloureux, même en matière de métaphores, entre les inévitables mais nécessaires fonctions de fusible ou de lampiste!
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