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jeudi 10 octobre 2013

De l'arrière-cuisine au cœur du réacteur : le sparadrap de la refondation de l'école


Avant d'en venir à mon sujet principal qui est la "refondation de l'école", objectif majeur de notre nouveau ministre de l'éducation nationale avec le mercredi, l'instruction civique (même sous la torture je ne dirai pas "citoyenne") et quelques autres, je me permettrai de signaler au responsable de la première page de Mediapart qu'il serait bien inspiré de se montrer un peu plus vigilant dans la composition de cette page d'accueil.  Y voisinent, en effet, comme aujourd'hui en tête de gondole, une formule en latin de cuisine ou même d'arrière-cuisine (ce qui montre la nécessité soit de rétablir l'enseignement du latin, soit d'en interdire l'usage) et un article sur "le cœur du réacteur", ce qui n'est guère vrai (comme on le verra) ni surtout du meilleur goût métaphorique, après la catastrophe de Fukushima. En lisant un peu à travers les lignes, je crois toutefois deviner que C. Lelièvre est un peu en service commandé vu les réactions que suscitent actuellement diverses mesures du Ministre et la proximité de C. Lelièvre avec le pouvoir actuel puisqu'il a pris part à l'élaboration de son programme éducatif. Il lui est donc difficile de se dérober dans les affrontements actuels. Encore ne faut-il pas trop en faire malgré tout !

L'article de Monsieur Claude Lelièvre, professeur émérite d'histoire de l'éducation à l'université de Paris V, qui s'intitule de cette façon que je juge quelque peu inopportune « Le cœur du réacteur » a été publié pour la première fois le 9 octobre 2013, avant d'être repris le lendemain et, comme on peut le craindre, il le sera sans doute dans les jours qui viennent ; il me paraît discutable sur plusieurs points. J'hésite évidemment à affronter un spécialiste si éminent d'une question dans laquelle je suis relativement peu informé, en dépit d'un séjour d'une bonne quarantaine d'années à différents niveaux et dans différentes fonctions au sein de l'école. J'ai toutefois été encouragé à le faire par les premières réactions que j'ai lues à propos de ce texte dont je ne cite que la première qui émane de Catherine Chabrun et que sa sage brièveté même m'encourage à reproduire : « Je suis inquiète… Peut-on vraiment transformer la nature des programmes et dépasser les intérêts particuliers des disciplines ? ». Cette remarque me paraît pleine de bon sens et rejoint, pour partie, certaine de mes réactions

Le premier point qui m'a un peu étonné dans l'article de Claude Lelièvre est de le voir prétendre que le Conseil supérieur des programmes (désormais CSP) est "historiquement tout à fait inédit" ; un peu plus loin, il rappelle cette formule en l'aggravant encore : "Ce dispositif est complètement inédit en France où il y a jamais eu de tentatives sérieuses en ce sens, (même si feu le Conseil national des programmes institué par la loi d'orientation de 1989, puis supprimé celle de 2005, avait tenté quelque peu d'aller au-delà des questions strictement programmatiques). Et le Haut conseil de l'éducation (institué par la loi d'orientation de 2005 et supprimé par celle de 2013) n'a eu aucune vocation précise en ce sens".

Comme disait nos sages anciens "Faire et défaire c'est toujours travailler !". Ce fameux CSP nouveau est donc "historiquement" "complètement inédit" à ce détail près que, dans le dernier quart de siècle (entre 1989 et 2013), il en y en a déjà eu deux autres, d'intitulés et de vocations quasi identiques : Le Conseil national des programmes (CNP) de 1989 à 2005 et le Haut Conseil de l'éducation (que Luc Ferry a présidé avant d'être ministre) à partir de 2005. C. Lelièvre oublie toutefois, en outre, le Haut Conseil de l'évaluation de l'école qui a cessé d'exister en novembre 2005

J'ajoute que le Conseil national des programmes ou le Haut Conseil de l'éducation avaient, grosso modo, les mêmes fonctions que le présent CSP ("le coeur du réacteur") ; en fait ils n'ont pas fait grand chose car l'administration centrale, l'Inspection générale (qui régnait seule sur les programmes jusqu'en 1989) et les lobbys disciplinaires gardaient l'essentiel du vrai pouvoir de décision . Qu'en sera-t-il pour le CSP ?

En outre à lire les textes qui ont mis en place ces conseils, je ne vois guère de différences, pour les objectifs et les fonctions du moins, entre ses précédents conseils et le nouveau conseil mis en place par la loi de 2013. J'observe d'ailleurs qu'il ne s'occupera pas réellement lui-même des programmes, puisque ces questions sont confiées à des groupes d'experts qui viennent alourdir encore un peu plus le système déjà fort pesant et entre lesquels les arbitrages ne seront pas simples, chaque discipline considérant toujours que la réforme, c'est pour les autres!

Ce qui m'amène, pour ne pas être trop long, à deux remarques, un peu moins sérieuses dans leur formulation, dont j'espère que Monsieur le professeur Lelièvre de se formalisera pas.

La première est que le vrai caractère, inédit et novateur, de ce CSP tient, comme C. Lelièvre le note avec force, à sa composition . Il est " composé de neuf femmes et neuf hommes, selon une stricte parité : un gage aussi de nouveauté en l'occurrence". On a tout prévu ; en effet, le dernier Haut Conseil de l'Education comprenait neuf membres, ce qui rendait difficile la mise en pratique d'une stricte parité ... sauf à recruter un neuvième membre hermaphrodite.

Même si l'on ne l'enseigne plus guère, le latin est décidément à la mode, au moins dans Mediapart, puisqu'on y fait même des gros titres de première page, en latin de cuisine il est vrai. J'observe aussi que, dans le texte assez court de Claude Lelièvre, on ne trouve pas moins de trois fois l'expression "ad hoc". Je sais bien que cette expression est quelque peu à la mode. Monsieur Lelièvre étant de formation philosophique, n'est en aucune façon latiniste et on ne peut donc l'accuser de favoriser sa discipline. La récurrence excessive de cette expression "ad hoc" me fait donc ici penser plutôt, dans un tout autre registre, au fameux sparadrap du capitaine Ad Hoc dont il ne peut se débarrasser!

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