Dans la chasse aux régimes spéciaux de retraite naguère entreprise (sans grand effet d'ailleurs), il en est un qu'on a oublié et sur lequel René Dozière, le trouble fête des sinécures d'Etat, vient d'attirer l'attention.
Député PS de l'Aisne et auteur sulfureux de L'argent et l'État, voilà un homme qui ne doit pas être plus populaire auprès des instances gouvernementales qu'auprès de ses collègues du Palais Bourbon.
Comme les rapports de la Cour des Comptes dont il doit être un lecteur assidu et vigilant, ses écrits fournissent en effet de la matière, à chaque parution, à la presse française, même si souvent ils fournissent des informations que les journalistes pourraient trouver par ailleurs, s'ils se donnaient le mal de les chercher ce qui suppose toutefois, préalablement, l'idée de le faire.
En la circonstance, on a évidemment cherché dans les travaux de René Dozière des éléments sur les Présidents de la République en retraite puisque le mandat de Nicolas Sarkozy était arrivé à son terme, un peu contre son gré, sans pour autant qu'il puisse, le pauvre, prétendre toucher tout de suite sa retraite comme on va le voir.
Le plus drôle, dans cette affaire, est qu'on apprend, à lire R. Dozière, que les derniers Présidents de la République devraient adresser, en signe de reconnaissance, leurs remerciements communs à Laurent Fabius qui, le 8 janvier 1985, a écrit, en tant que Premier Ministre, à Valéry Giscard d'Estaing pour modifier sensiblement le sort des Présidents de la République en retraite ou, en tout cas, sinon leur rémunération et les avantages dont ils peuvent bénéficier. Toutefois, comme le souligne R. Dozière, le fondement juridique d'ine telle réforme est des plus fragiles puisqu'il ne s'agit, en somme, que d'un « courrier personnel », resté secret et donc ignoré des années durant, ce qui fait que l'on peut s'interroger sur la valeur décisionnelle d'une telle correspondance.
On peut observer, au passage, à quel point Laurent Fabius était avisé et prévoyant, lui qui avait su penser à son papa pour le statut fiscal des oeuvres d'art et qui sait peut-être aussi à lui-même en tant que futur ancien Président de la République pour le statut des retraités de cette fonction.
Comme toujours en ces lieux, je vous la fais courte.
Un Président de la République en retraite nous coûte, à la louche (grande, je vous l'accorde) deux millions d'euros par an, à la charge du contribuable bien entendu. On peut observer que la sagesse républicaine et un juste souci des finances publiques conduiraient à n'élire que des présidents au moins septuagénaires, éventuellement même octogénaires et si possible égrotants. La tendance paraît toute autre puisque ce sont désormais des quinquagénaires qu'on choisit, sans se préoccuper du coût prolongé qu'ils représenteront, dans la suite, pour la République.
Il est vrai qu'il faut distinguer sur ce point d'une part les avantages en nature qui leur sont attribués dès leur sortie de charge et, d'autre part, la retraite proprement dite, somme toute modeste, qui ne leur est versée qu'à partir du moment où ils atteignent l'âge de 60 ans. Régime spécial pour ces veinards qui apparemment ne sont pas astreints aux 62 ou bientôt 65 ans qui guettent le commun des travailleurs. Cette retraite, celle d'un conseiller d'Etat, est modeste puisque si elle n'est que de 5250 € par mois (63 000 € par an), elle offre la possibilité (très fréquente) de pouvoir être cumulée avec d'autres retraites (d'où les 30.000 euros mensuels des autres retraités de cette catégorie) ; le cas échéant, si notre retraité décide de siéger au Conseil Constitutionnel, dont il peut être membre de droit, il pourra y gagner 12 000 € bruts de plus par mois.
Mais le plus avantageux tient aux avantages en nature : un logement de fonction où il peut installer éventuellement des bureaux (Nicolas Sarkozy vient de faire affaire plutôt pour des bureaux à 15 000 € par mois) ; la mise à disposition d'un duo de personnel de service qui peut même être augmenté, puisque R. Dozière précise que Valéry Giscard d'Estaing avait obtenu deux personnes de plus, les deux premières étant affectées surtout à la cuisine. L'ancien Président de la République peut bénéficier aussi de sept collaborateurs qui vont du directeur de cabinet à la simple secrétaire. Bien entendu pour les déplacements, une voiture de fonction avec deux chauffeurs (à cause des 35 heures!) ainsi qu'une escorte de deux ou trois policiers, sans compter les gendarmes qui surveillent le domicile privé. Pour les déplacements, aériens ou terrestres, tous les voyages sont gratuits, pour lui même et son conjoint, sur l'ensemble des réseaux publics « dans la meilleure classe » faut-il le préciser? Pour l'étranger, logement chez l'ambassadeur de France du lieu à condition toutefois que les déplacements soient opérés "dans le cadre de ses fonctions", ce qui pour un retraité demeure « assez flou » comme le note avec malice R. Dosière. En cas de décès, la veuve bénéficie d'une pension de reversion et garde une partie des avantages évoqués plus haut, ces privilèges s'étendant à ses enfants jusqu'à leur majorité.
"Arrêtons-nous ici !" comme on chante au deuxième acte de l'Armide de Gluck
Président de la République est bien un métier d'avenir, surtout à partir de la retraite !
1 commentaire:
Président de la République est bien un métier.
écrit par Jacque Chirac
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