À lire, à écouter ou à regarder les journalistes français, je me demande toujours ce qui, chez nombre d'entre eux, l'emporte de l'ignorance et de la sottise.
L'épisode du départ éclair pour Berlin de notre président, à peine entré en fonction, afin d'y rencontrer Angela Merkel fait couler beaucoup d'encre et de salive, et ce n'est pas fini. Certains ont même leurs hypothèses, d'autres leurs conseils sur ce que l'un dira ou devrait dire à l'autre; des organes de presse ont même fait appel à des spécialistes de l'économie, de la finance, la politique, pour imaginer, en particulier, les arguments de notre président qu'ils jugent sans doute trop fraîchement émoulu pour trouver lui-même des fondements à ses points de vue.
Il est certain que les choses ont bien changé, et de façon très inattendue pour la plupart de ces augures patentés, depuis le moment où l'on saluait unanimement le règne de Merkozy sur l'Europe. La chancelière (ce mot, au féminin, m'amuse toujours par les évocations sémantiques qu'il suscite inévitablement) a perdu de ses superbes certitudes qui ravalaient notre président au rôle de bambin, quêtant sans cesse, d'un oeil inquiet, l'approbation de la maîtresse ; désormais, en dépit des apparences, les élections qui se profilent en RFA "sapent les fondements encore mal assurés" d'Angela!.
Par ailleurs, contre toute attente aussi, le "pacte de croissance" de notre futur président réunit désormais nombre de sectateurs, même si tout le monde n'est pas d'accord sur le sens à donner à ce terme de "croissance" qui est effectivement un peu ambigu.
Toutefois, mon propos est tout autre et, pour ce qui me concerne, je cherche pas un instant à imaginer ce que se diront François Hollande et Angela Merkel pour deux raisons dont chacune est suffisante seule.
La première est que je m'en fous complètement car cette rencontre est sans la moindre importance réelle ; ce voyage précipité est, à un tel moment et dans un tel contexte politique dans les deux Etats (élections décisives à venir), aussi diplomatique qu'inutile (excusez la tautologie) !
La seconde raison est que, comme souvent en pareil cas, Angela et Nicolas ne se diront à peu près rien (je reviendrai ensuite à la fin de ce blog sur leur impossible dialogue mais laissons pour le moment ce point).
Chacun sait ou devrait savoir que, dans ce genre de réunion, et surtout si elle est sérieuse, (ce qui n'est pas le cas ici), lorsque les protagonistes majeurs se rencontrent, tout est déjà arrêté et écrit à la virgule près. Les sherpas sont là pour ça ; les déclarations "finales" n'ont de "finale" que l'adjectif et on ferait mieux de les considérer comme "liminaires".
Il en est de même dans toutes les réunions internationales, qu'elles soient à deux, à trois, à sept ou à vingt . En pareil cas, on pourrait assurément faire l'économie du voyage aller-retour du "Air François One" à Berlin, à la vive satisfaction de celui ou sans doute de celle qui sera déjà, à ce moment-là, notre ministre de l'écologie (et peut-être des transports).
Le dialogue qu'on imagine entre Mme Merkel et M. Hollande ne fait irrésistiblement penser à une vieille interrogation de linguistes qui consiste à se demander dans quelle langue ont bien pu se parler Jésus-Christ et Ponce Pilate lorsque ce dernier a conclu leur entretien en se lavant les mains.
Il est, en effet, clair que François Hollande (même si à la différence de son prédécesseur, il connaît tout de même assez d'anglais pour ne pas confondre "weather" et "time"!) n'a pas un anglais qui lui permette d'affronter une discussion diplomatique et financière (je l'ai entendu parler anglais !). Cette circonstance interdit donc l'usage de l'anglais dont Mme Merkel a assurément, elle, une excellente pratique. En revanche, elle ne connaît pas plus le français que François Hollande l'allemand. Il leur est donc impossible d'avoir le dialogue direct que certains imaginent.
Revenons au lavage de mains de Ponce Pilate. Le procurateur romain ne connaissait assurément pas l'araméen qui était la langue de Jésus et ce dernier ne parlait évidemment pas le latin était la langue de Ponce Pilate. Cependant, plus chanceux que la chancelière et le président, ils ont pu toutefois s'entretenir en grec, car cette langue était, en ces lieux et ces temps, la plus répandue et la plus utilisée (bien plus que le latin) dans la zone orientale du bassin méditerranéen ; elle était en outre familière à beaucoup de Romains, connue qu'elle était de l'aristocratie (Jules César avait appris, en même temps, dès l'enfance, le latin et le grec) comme du peuple, car elle était la langue quotidienne de communication dans la communauté servile de Rome.
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