Rassurez-vous je ne suis pas ici le modèle absurde de la manie du titre qui, depuis deux ou trois décennies; (cette mode est venue, je crois, de Libé) est l'une des plaies de la presse française. Je résisterai, de la même façon, à la dénonciation des mauvais traitements que notre pauvre langue française se voit infliger par ceux-là mêmes qui, porteurs, inattendus et indignes, de la parole publique qu'on les croirait chargés de défendre, en font, au contraire, un si mauvais usage (j'entendais, ce matin encore, l'un de ces crétins confondre "paradoxe" et "paradigme", alors que la nullité même de son propos aurait dû l'éloigner du recours à l'un et l'autre de ces termes).
Je fais bien entendu ici allusion, par ce titre, aux mariages de la carpe et du lapin, aussi insolites que nombreux.
Entre de multiples exemples et de façon très différente, j'ai traité l'un d'entre eux avec le commentaire que j'ai fait de la soirée électorale du 6 janvier 2012, où, pendant deux heures d'horloge, on nous a évoqué "l'insupportable suspense" concernant l'issue d'un scrutin que tout le monde connaissait déjà depuis longtemps. D'un autre point de vue, il y a, dans nos lois électorales, le mariage inattendu entre une carpe (nos journalistes étaient, deux heures durant, aussi muets que cet animal sur les résultats d'un scrutin qu'ils connaissaient, par ailleurs, depuis longtemps) et un lapin qui, en la circonstance, était l'argument, parfaitement stupide et inattendu (quoiqu'on ne le tire pas d'un chapeau), que révéler les estimations de résultats faites à partir des bureaux fermant à 18 heures risquait d'influencer les résultats des bureaux qui ne fermaient qu'à 20 heures.
Quoique je sois très sceptique sur ce point (car je ne vois guère d'électeurs assez stupides pour attendre de connaître les estimations de 18 heures afin d'en changer le cours final par leur seul vote entre 18 et 20 heures), force est d'admettre que si ces estimations peuvent avoir une influence sur le vote, qu'en est-il alors des centaines de sondages qu'on a faits et publiés entre le début de la campagne électorale et le 5 mai 2012? La différence tient évidemment à ce que la presse comme les instituts de sondages constituent un secteur économique qu'il est impérieux de ménager, sans se préoccuper réellement de l'influence qu'il peut avoir et moins encore des conditions fort discutables dans lesquelles s'exerce son industrie.
Second mariage de carpe et du lapin, certes relié par un fil ténu au précédent.
Il se trouve que, pour des raisons dont le détail importe peu ici, j'écoute beaucoup plus la radio que je ne le faisais auparavant ; sur le poste miniature dont j'use, RMC, Europe et France-Info étant très proches, je tends à zapper très souvent afin de tenter de mon mieux d'échapper aux publicités (ce qui est bien difficile) comme aux âneries qui sont y débitées, sans parler, sur France-Info, de la répétition infinie des mêmes zones discours.
Une des radios les plus curieuses est RMC-BFM dans laquelle se trouve mariés la carpe de BusinessFM et le lapin de Radio-Monte-Carlo. Je crois que cette curieuse union a été décidée par Alain Weil qui a acheté, il y a quelques années, Radio-Monte-Carlo qui passait pour la radio des bignoles et qui était en perdition ; il en est résulté une alliance des plus bizarres entre une radio populaire et une télé que feu Georges Marchais aurait définie comme celle du grand capital.
Pire encore, on a marié une carpe radiophonique et une portée de lapins. Le premier d'entre eux est l'auto-exaltation permanente de la radio en cause où les intervenants de la station ne cessent d'en vanter les mérites (je ne me suis jamais amusé à compter, sur une demi-heure, combien de fois revient cette auto-exaltation, mais il vaudrait la peine de le faire pour une approche scientifique !). Le second lapin est la répétition incessante du nom et de la qualité des intervenants, le record étant détenu, naturellement et de très loin, par Jean-Jacques Bourdin, ancien journaliste sportif, ce qui est tout un symbole on va le voir. Le troisième lapin est l'évocation permanente de tous les lieux où est censée être écoutée cette radio, en particulier au plan de la météorologie. Il s'agit d'éviter le reproche de parisianisme qui caractérise souvent notre météorologie nationale; on cite donc toujours, lors des bulletins, et à de multiples reprises, les températures où le climat de lieux inconnus tapis au fond des plus lointaines de nos provinces, le but étant naturellement de caresser dans le sens du poil les ennemis bien français du monopole universel de Paris.
Mais le mariage de la carpe et du lapin le plus curieux à RMC-BFM est celui de la carpe sportive (je fais ce choix métaphorique pour avoir souvent entendu des discours des sportifs qui auraient été mieux inspirés de montrer muets comme elle dans bon nombre de leurs déclarations) et du lapin politique (le politique ne peut être que bavard!) . L'exprime et le symbolise un slogan bizarre sans cesse répété ("RMC , la chaîne de l'info donc du sport" ).
Ce choix aurait été, semble-t-il, celui d'Alain Weil qui, ayant commencé modestement dans les radios libres, a fini aujourd'hui dans le Top cent des fortunes françaises, ce qui est assurément un joli parcours sportif dans la communication. RMC se flatte, au moins cent fois par jour, d'être à la fois la radio de l'information politique et du sport, avec à ses micros quelques carpes sportives qui seraient mieux dans un aquarium que dans un studio de radio. Une des gloires de RMC est de celle de posséder ce qu'on y appelle sa "Dream Team", formée de has beens sportifs ( d'ailleurs désormais plus branchée dans les paris sportifs que dans le sport lui-même) qui réunit quelques belles figures de "l'intelligentsia sportive". Mais je m'arrête ici, crainte de me voir à nouveau traîner en justice pour diffamation, même si j'ai eu la sagesse et la prudence de citer personne
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