Je résiste, depuis des jours et des jours devant le
discours euphorique sur me Mali tenu par
les autorités et la presse françaises sur Mali, couronné "in fine" comme on dit désormais à
tout propos, par le triomphe proconsulaire de F. Hollande, à l'envie tenace de
reprendre la série des billets que j'avais consacrés au Mali sous le titre «
Honni soit qui Mali pense ». Faute d'avoir le courage de la rechercher les
références, j'ai usé ici d'un commode et paresseux N° x + 1 !
Je ne voulais surtout pas le faire pour me flatter
d'avoir prévu le cours ultérieur des événements maliens, tant il était évident,
quand on connaît, tant soit peu et même de loin, l'histoire des peuples que la
colonisation a bizarrement réunis dans cet Etat, comme celle des relations qui
ont été les leurs au cours de l'histoire antérieure et aussi celle de la
politique qui y a été menée depuis l'indépendance.
François Hollande, dans sa dernière et encore
largement triomphale, visite dans ce pays a été bien inspiré de se rendre à
Bamako plutôt qu'à Kidal ; s'il a été accueilli dans la capitale du Mali par
une foule enthousiaste, à laquelle on avait pris soin de distribuer des
drapeaux tricolores et des T-shirts à l'effigie présidentielle de rigueur et
s'il a pu enfin, après des jours d'épreuves et de déconvenues syriennes, faire
un discours triomphaliste, il en était tout autrement, au même moment, à Kidal
où sa visite dans la capitale n'a pas été du tout saluée dans les mêmes termes
et avec le même enthousiasme.
On pouvait aisément le prévoir, vu que le climat
politique malien n'a cessé de se détériorer depuis l'élection d'IBK, conduisant
même à des affrontements violents dont on a donné diverses explications, mais
dont l'important est surtout qu'ils aient pu avoir lieu. Quand on voit en outre
le patronyme même de celui qui a été chargé de la réconciliation entre le Nord
et Sud, de façon spécifique et ciblée, on constate qu'il n'est en rien tamashek,
ce qui aurait été sage (il s'appelle Maïga !) et je n'ai pas vu, autour d'IBK,
beaucoup de personnalités porteurs de la coiffure traditionnelle du Nord dont
étaient, en revanche, pourvus, pour le grand plaisir des photographes, les
représentants du Nord lors de la conférence de Ouagadougou. Le pittoresque de
la tenue des hommes bleus fait toujours recette dans la presse comme au cinéma.
Il
est intéressant de voir que dans les projets immédiats, Ibrahim Boubacar Keita,
on distingue deux volets majeurs fort différents : l'un consiste dans la
formation de 500 imams en coopération avec le Maroc ; l'autre le sempiternel et
mythique développement du Nord qui, depuis un demi-siècle a des allures de déjà
vu. "L'urgence absolue dans le Nord, c'est le désenclavement."
tonitrue IBK ! Un de ses proches précise "Signer un accord de paix sans permettre
au Nord d'être relié au Sud ne servirait à rien. Pour deux raisons : le
développement économique ne sera pas possible sans ces routes, et c'est le seul
moyen de mettre fin aux trafics entre Kidal, Gao et l'Algérie".
Ce dernier argument est quelque peu fallacieux pour deux raisons au moins ;
d'une part cette route pourrait aussi bien, au contraire, les favoriser ;
d'autre part, une partie de ce trafic (pour la drogue surtout) se fait par voie
aérienne comme l'a naguère montré l'affaire du boeing dans le désert ! Le
désenclavement du Nord est toutefois une nécessité reconnue par l'Union
européenne (UE) et surtout financée en partie par elle ; l'UE veut relancer la
construction d'un autre tronçon stratégique Niono-Tombouctou (500 kilomètres
!). Les 160 millions d'euros octroyés par l'UE ont permis le démarrage du
projet en janvier 2012, mais la guerre l'a interrompu aussitôt.
Attendons de voir si ces projets routiers ne seront pas, comme souvent un
peu partout en Afrique
confiés aux "moins disants" chinois, ce qui obligera à refaire ces routes dans cinq ou dix ans au
plus, durée de vie maximale des routes construites en Afrique par les Chinois,
alors que les routes "normales" peuvent durer, en moyenne, une
cinquantaine d'années.
On nous ressort, une fois de plus, la vieille tarte
à la crème du développement du Nord-Mali : "Demain, on développera gratis!".
On l'a entendu cent fois depuis une bonne trentaine d'années avec les résultats
qu'on peut y constater. Je ne rappellerai ici qu'un des plus beaux éléphants
blancs de cette politique qui a consisté dans un effort, certes louable, de
créer, au Nord, des centres de protection maternelle et infantile et des
dispensaires, mais en y envoyant des infirmiers du Sud qui ne parlaient naturellement
que le bambara (pardon le bamanankan!), alors que les femmes qui venaient y
conduire leurs enfants et s'y faire soigner ne parlaient évidemment que le
tamashek et repartaient aussitôt car, en outre, leur culture les empêchait de se
faire soigner par des hommes! Dois-je préciser que tous ces constats ont été
faits après coup naturellement !
Il est évident que l'opposition entre le Nord et Sud
c'est-à-dire entre les "peaux rouges" du Nord et "noires"
du Sud ne sera pas levé par quelques déclarations ou aménagements
ethno-politiques ; elle demeurera, dans la mesure où elle dure depuis des
millénaires et où la haine entre ces deux peuples est quasiment inscrite dans
les gênes ; les populations du Nord, qui venaient autrefois razzier leurs
esclaves dans le Sud, se sentent désormais spoliés, en tout, par les populations
noires méridionales.
Loin de moi l'idée de dire, en aucune façon, que les
choses sont simples et faciles à régler ; bien au contraire, je juge la situation
ingérable sauf à évoluer vers une forme de fédéralisme dont ne veulent, pour
des raisons différente ni Bamako ni Paris. Il n'empêche que, même si la France
ne pouvait guère échapper à une intervention sollicitée, elle aurait dû la
rendre aussi brève et aussi limitée que possible, alors qu'on n'a cessé
d'intervenir et qu'on a commence déjà à dire qu'on ne laissera pas seulement au
Mali le millier de soldats qu'on avait annoncé, tandis que, tant du côté de la
Libye que du Niger, les djihadistes se réservent toutes les possibilités d'intervenir
dès qu'une partie de nos troupes aura tourné les talons, les forces de l'ONU
étant là plus pour la décoration (quand ce n'est pas pour le pillage) que pour
un véritable maintien de l'ordre.
Comme je l'ai dit et répété sans grand mérite, la
France est très loin d'être sortie de l'auberge sahélienne en dépit des
rodomontades de nos ministres qui feraient bien de se montrer plus discrets
dans l'avenir, quelles que soient leurs intentions.
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