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lundi 23 septembre 2013

Honni soit qui Mali pense (N° x + 1)


Je résiste, depuis des jours et des jours devant le discours euphorique sur me Mali  tenu par les autorités et la presse françaises sur Mali, couronné "in fine" comme on dit désormais à tout propos, par le triomphe proconsulaire de F. Hollande, à l'envie tenace de reprendre la série des billets que j'avais consacrés au Mali sous le titre « Honni soit qui Mali pense ». Faute d'avoir le courage de la rechercher les références, j'ai usé ici d'un commode et paresseux N° x + 1 !

Je ne voulais surtout pas le faire pour me flatter d'avoir prévu le cours ultérieur des événements maliens, tant il était évident, quand on connaît, tant soit peu et même de loin, l'histoire des peuples que la colonisation a bizarrement réunis dans cet Etat, comme celle des relations qui ont été les leurs au cours de l'histoire antérieure et aussi celle de la politique qui y a été menée depuis l'indépendance.

François Hollande, dans sa dernière et encore largement triomphale, visite dans ce pays a été bien inspiré de se rendre à Bamako plutôt qu'à Kidal ; s'il a été accueilli dans la capitale du Mali par une foule enthousiaste, à laquelle on avait pris soin de distribuer des drapeaux tricolores et des T-shirts à l'effigie présidentielle de rigueur et s'il a pu enfin, après des jours d'épreuves et de déconvenues syriennes, faire un discours triomphaliste, il en était tout autrement, au même moment, à Kidal où sa visite dans la capitale n'a pas été du tout saluée dans les mêmes termes et avec le même enthousiasme.

On pouvait aisément le prévoir, vu que le climat politique malien n'a cessé de se détériorer depuis l'élection d'IBK, conduisant même à des affrontements violents dont on a donné diverses explications, mais dont l'important est surtout qu'ils aient pu avoir lieu. Quand on voit en outre le patronyme même de celui qui a été chargé de la réconciliation entre le Nord et Sud, de façon spécifique et ciblée, on constate qu'il n'est en rien tamashek, ce qui aurait été sage (il s'appelle Maïga !) et je n'ai pas vu, autour d'IBK, beaucoup de personnalités porteurs de la coiffure traditionnelle du Nord dont étaient, en revanche, pourvus, pour le grand plaisir des photographes, les représentants du Nord lors de la conférence de Ouagadougou. Le pittoresque de la tenue des hommes bleus fait toujours recette dans la presse comme au cinéma.

Il est intéressant de voir que dans les projets immédiats, Ibrahim Boubacar Keita, on distingue deux volets majeurs fort différents : l'un consiste dans la formation de 500 imams en coopération avec le Maroc ; l'autre le sempiternel et mythique développement du Nord qui, depuis un demi-siècle a des allures de déjà vu. "L'urgence absolue dans le Nord, c'est le désenclavement." tonitrue IBK ! Un de ses proches précise  "Signer un accord de paix sans permettre au Nord d'être relié au Sud ne servirait à rien. Pour deux raisons : le développement économique ne sera pas possible sans ces routes, et c'est le seul moyen de mettre fin aux trafics entre Kidal, Gao et l'Algérie".

Ce dernier argument est quelque peu fallacieux pour deux raisons au moins ; d'une part cette route pourrait aussi bien, au contraire, les favoriser ; d'autre part, une partie de ce trafic (pour la drogue surtout) se fait par voie aérienne comme l'a naguère montré l'affaire du boeing dans le désert ! Le désenclavement du Nord est toutefois une nécessité reconnue par l'Union européenne (UE) et surtout financée en partie par elle ; l'UE veut relancer la construction d'un autre tronçon stratégique Niono-Tombouctou (500 kilomètres !). Les 160 millions d'euros octroyés par l'UE ont permis le démarrage du projet en janvier 2012, mais la guerre l'a interrompu aussitôt.

Attendons de voir si ces projets routiers ne seront pas, comme souvent un peu partout en Afrique confiés aux "moins disants" chinois, ce qui obligera à  refaire ces routes dans cinq ou dix ans au plus, durée de vie maximale des routes construites en Afrique par les Chinois, alors que les routes "normales" peuvent durer, en moyenne, une cinquantaine d'années.

On nous ressort, une fois de plus, la vieille tarte à la crème du développement du Nord-Mali : "Demain, on développera gratis!". On l'a entendu cent fois depuis une bonne trentaine d'années avec les résultats qu'on peut y constater. Je ne rappellerai ici qu'un des plus beaux éléphants blancs de cette politique qui a consisté dans un effort, certes louable, de créer, au Nord, des centres de protection maternelle et infantile et des dispensaires, mais en y envoyant des infirmiers du Sud qui ne parlaient naturellement que le bambara (pardon le bamanankan!), alors que les femmes qui venaient y conduire leurs enfants et s'y faire soigner ne parlaient évidemment que le tamashek et repartaient aussitôt car, en outre, leur culture les empêchait de se faire soigner par des hommes! Dois-je préciser que tous ces constats ont été faits après coup naturellement !

Il est évident que l'opposition entre le Nord et Sud c'est-à-dire entre les "peaux rouges" du Nord et "noires" du Sud ne sera pas levé par quelques déclarations ou aménagements ethno-politiques ; elle demeurera, dans la mesure où elle dure depuis des millénaires et où la haine entre ces deux peuples est quasiment inscrite dans les gênes ; les populations du Nord, qui venaient autrefois razzier leurs esclaves dans le Sud, se sentent désormais spoliés, en tout, par les populations noires méridionales.

Loin de moi l'idée de dire, en aucune façon, que les choses sont simples et faciles à régler ; bien au contraire, je juge la situation ingérable sauf à évoluer vers une forme de fédéralisme dont ne veulent, pour des raisons différente ni Bamako ni Paris. Il n'empêche que, même si la France ne pouvait guère échapper à une intervention sollicitée, elle aurait dû la rendre aussi brève et aussi limitée que possible, alors qu'on n'a cessé d'intervenir et qu'on a commence déjà à dire qu'on ne laissera pas seulement au Mali le millier de soldats qu'on avait annoncé, tandis que, tant du côté de la Libye que du Niger, les djihadistes se réservent toutes les possibilités d'intervenir dès qu'une partie de nos troupes aura tourné les talons, les forces de l'ONU étant là plus pour la décoration (quand ce n'est pas pour le pillage) que pour un véritable maintien de l'ordre.

Comme je l'ai dit et répété sans grand mérite, la France est très loin d'être sortie de l'auberge sahélienne en dépit des rodomontades de nos ministres qui feraient bien de se montrer plus discrets dans l'avenir, quelles que soient leurs intentions.

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