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vendredi 6 septembre 2013

De Damas et Carthage : de la Syrie à l'antisémitisme


Hier matin, 5 octobre 2013, sur Europe, vers 8 heures 40, j'écoutais d'une oreille distraite la prétendue revue de presse de Natacha Polony où, celle-ci; dans un souci légitime et méritoire, se préoccupe de raconter un peu autre chose que ce qu'on a déjà entendu dix fois dans la journée dans tous les médias audivisuels, dont la chaîne de radio-bignole où elle officie.

Bien entendu, il était question de la Syrie et Natacha Polony, qui se voulut autrefois professeur de lettres (elle passa l'agrégation de lettres modernes avant de démissionner de ses fonctions - au terme du délai de rigueur j'espère - pour adopter une profession plus agréable à ses yeux), y a fait un discours que j'ai jugé assez confus (j'ai pris le train en marche) sur les Romains, qui avaient fabriqué leur verbe "punio" (= punir) à partir du nom de leurs ennemis jurés, les Carthaginois, dont la tradition romaine dénonçait la "fides punica", la (mauvaise) foi punique alors que la "fides romana" n'était sans doute pas bien meilleure.

Ce désir d'élever le niveau culturel des auditeurs d'Europe est parfaitement légitime, encore que la tâche soit rude, et il semble une des préoccupations majeures de Natacha Polony. Quoique ses prestations soient sans doute parmi les meilleurs de notre paysage audiovisuel et si ignorants que soient ses auditeurs, elle aurait du s'informer un peu davantage et surtout mieux car, sauf erreur de ma part, le latin figure toujours au programme de l'agrégation de lettres modernes, si c'est souvent sous la forme d'une simple épreuve d'initiation.

L' étymologie proposée par Natacha est jolie mais elle est malheureusement totalement fausse ; elle aurait pu toutefois la rendre plus vraisemblable si elle avait rattaché le verbe latin "punire" pour son étymon à "poena" (= la peine, le châtiment) plutôt que d'aller chercher du côté de l'adjectif "punique" car le nom latin ancien des Carthaginois est "Poeni" (= Carthaginois/Phéniciens), ces populations étant réputées à l'origine être des émigrants venus auparavant, selon Hérodote, de la mer Rouge.

Les deux termes "poena" et "Poeni", en dépit des apparences, n'ont aucun rapport, sauf peut-être si l'on remonte très au-delà de la limite de mes propres connaissances. "Poena" (=le châtiment) vient du grec "poinè" ( je ne sais pas comment on accède à l'alphabet grec!) qui a le même sens et qui désigne le "prix du sang" alors que "Poenus" vient du grec "phoinix", les Carthaginois passant pour être à l'origine, comme on l'a vu, des Phéniciens.

Cela m'amène donc à une justification de mon titre de "Damas à Carthage" qui est, bien entendu, un double anachronisme, puisque, évidemment, aux époques reculées qu'on évoque ici ces deux villes n'existaient pas encore. Sur le rivage oriental de la Méditerranée, la Syrie était toute proche de la Phénicie (en gros le Liban actuel) et des émigrants de cette région sont venus s'installer au Maghreb me fournissant aimablement, du même coup, le titre de ce billet.

Dès lors la "fides punica" que dénonçaient les Romains n'est peut-être que la mauvaise foi des Phéniciens dont doivent être issue une partie des Syriens actuels. Cela m'amène à une dernière réflexion que je me fais souvent et parfois avec un certain amusement quand j'entends parler, en particulier du côté du monde arabe, des Palestiniens et des Maghrébins, de "l'antisémitisme"dont la cible exclusive seraient les Juifs. On oublie ou plutôt on ignore toujours que l'arabe comme l'hébreu sont des langues sémitiques et les Palestiniens, comme les Juifs sont eux-mêmes des Sémites.

Comme, dans le cas des prétendues étymologies latines de Madame Polony, il serait bon, de temps en temps, de remettre les pendules à l'heure et de dire ce qu'on cache ou qu'on ignore (comme pour Jacques Vergès dans la série de ma dizaine de précédents billets dans ce même blog!).

 

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