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vendredi 20 septembre 2013

Pléthore et gabegie administratives françaises.

On ne cesse, sempiternellement, de débattre et de s'interroger sur les coûts faramineux de la pléthorique administration française que l'on attribue à des causes diverses que, depuis quelques années, la Cour des Comptes, qui a enfin ouvert les yeux et la bouche, souligne dans la plupart de ces rapports.

J'observais encore une fois, en ce matin du 19 septembre 2013, que nos commentateurs politiques ignorent, pour une bonne partie, le fonctionnement des organismes dont ils parlent. J'entendais ainsi, je ne sais qui, affirmer qu'un rapport de la Cour des Comptes mettait en évidence des dysfonctionnements innombrables auxquelles elle ne proposait d'apporter ni sanction, ni remède. C'est malheureusement vrai mais cela correspond très exactement au curieux fonctionnement de notre Cour des Comptes, si vigilante et si clairvoyante désormais, surtout depuis la présidence de Philippe Seguin, mais qui n'a pas pour fonction de sanctionner et moins encore de réformer, mais simplement de constater.

Les sanctions, s'il y en avait, devraient être prises par la Cour de discipline budgétaire qui est certes en liaison avec la Cour des comptes, mais qui n'intervient que pour sanctionner éventuellement les coupables de dysfonctionnements frauduleux et non simplement inutiles ou stupides. La Cour des Comptes examine les comptes mais ne juge pas les coupables et se prononce moins encore sur "l'opportunité"; elle constate mais ne va en rien plus loin ; ses volumineux rapports, parfaitement informés et fort détaillés, n'ont pour seul effet que de fournir matière à la presse pour des articles dont les journalistes n'ont pas à se fatiguer à chercher eux-mêmes le sujet et la matière.
Par un juste retour des choses, la Cour des comptes, peut-être par malice, vient de calculer ce que coûte à l'État la niche fiscale des journalistes qui bénéficient d'un abattement sur le revenu de 7.650 € dont ils ne parlent guère ! Ce privilège fait perdre à l'État 60 millions par an. Quoique l'expression de niches fiscales soit particulièrement adéquate, quand il s'agit de nos journalistes qui sont les chiens fidèles et complaisants de tous les gouvernements successifs, ils deviennent féroces et des plus dangereux si l'on se risque à y toucher. A tenter de le faire, le pauvre Juppé y a laissé son poste de Premier Ministre, réalisant contre lui, pour une fois, l'union sacrée de toute la presse, de gauche comme de droite.

Il n'y a pas lieu de démontrer la pléthore et la gabegie administratives françaises. Toutes les statistiques les démontrent. On peut les illustrer avec le seul exemple de l'enseignement primaire et secondaire français. Les récentes études montrent, en effet, que si l'on compare, pour des populations d'élèves à peu près équivalentes dans les trois Etats, le coût de cet enseignement en France en Angleterre et en Allemagne, on observe que les Français dépensent 30 milliards par an de plus que les deux autres Etats évoqués pour des systèmes d'enseignement à peu près identiques et avec même, dans le cas de l'Allemagne, des rémunérations des enseignants en cause qui sont nettement supérieures. Le pire de tout est que les résultats, jugés par le niveau des élèves, sont plus mauvais en France !

Il est donc probable que le système lui-même est mauvais et que c'est l'infrastructure elle-même qui coûte très cher avec une foule d'enseignants qui n'enseignent pas (ceux qui ne sont pas "devant les élèves" comme disait Claude Allègre qui voulait, à juste titre et non sans bon sens, "dégraisser le mammouth"), soit parce qu'ils sont mis à la disposition d'une foule d'institutions extrascolaires "laïques" ou prétendument "éducative" souvent proches les Loges (Fédération des oeuvres laïques, UFOLEP, UFOVAL, FOL, MGEN, MAIF, etc.), soit parce que ils exercent des activités syndicales à temps complet ou partiel, soit pour d'autres raisons qui, hors des classes, leur fournissent des sinécures au sens étymologique du terme.

En réalité, la situation de l'éducation nationale est probablement assez spécifique mais marginale ; on sait que, surtout depuis les prétendues "décentralisations", ce sont surtout les multiplications d'emplois, doubles, triples voire quadruples, qu'entraîne notre millefeuille administratif qui sont à l'origine du personnel pléthorique et donc des coûts exorbitants du fonctionnement de notre administration. Selon les sources, le coefficient multiplicateur du nombre des fonctionnaires de l'administration territoriale varie sensiblement, mais tout le monde s'accorde à dire que, dans les deux dernières décennies, il a été très considérable, des communes aux conseils régionaux en passant par les "collectivités de communes" et les conseils généraux. Des quantités de fonctionnaires font la même chose à chacun des étages de ce building administrative ou de ce millefeuille, à votre goût, selon la métaphore choisie, Toutefois, il est un élément dont on rend pas compte suffisamment et dont on ne prend conscience que lorsqu'on est confronté à lui de façon directe.

On sait les difficultés qu'il y a en France à créer une entreprise, alors que, dans la plupart des Etats modernes (aux États-Unis comme en Allemagne), il suffit de quelques jours, voire de quelques heures pour le faire. En France, selon le récent témoignage d'un de mes amis, au bout de six mois de steeple-chase administratif, il n'a pas encore atteint la ligne d'arrivée et grande est donc la tentation de renoncer à son projet car tout indique que, même à ce terme, on est très loin d'être sorti de l'auberge administrative et fiscale.

Il m'a été donné récemment de devoir changer le siège social et le bureau d'une modeste association que je présidais. Quoique l'internet m'ait évité de devoir courir les bureaux, j'ai passé une journée entière, d'une part à recueillir les informations, d'autre part à réunir et à remplir les DIX-SEPT pages indispensables.

Je devrais dire, pour être dans le coup "à RENSEIGNER les fiches". Cet attentat à la langue française me met en rage. On renseigne une PERSONNE et non une FICHE qu'on remplit. Ne peut-on attendre, voire exiger, de l'administration française une connaissance minimale de notre langue nationale (article 2 de notre constitution !)? De même, le mot "mail" qu'on trouve dans tous les documents administratifs n'est pas français et seul le mot "courriel" (que nous ont légué nos cousins québécois) est autorisé dans le vocabulaire administratif officiel.

Revenons à notre maquis administratif ! Il faut faire DEUX dossiers car, en fait, la procédure de changement de bureau fait l'objet d'une demande spécifique ; elle n'est pas inscrite, en effet, dans le formulaire principal qui concerne tous les autres changements : le siège social, création, le changement d'intitulé ou dissolution. En outre, on vous demande un dossier extravagant avec en particulier un "historique" ; je plains les grandes et vieilles associations comme l'Alliance israélite ou même l'Alliance française qui furent créées dans les années 1880 donc bien avant la fameuse loi de 1901 et qui devraient fournir leurs premiers statuts nécessairement antérieurs à cette loi.

Pour vous la faire courte, comme toujours, je vous dirai qu'on vous demande l'original des statuts et l'original du référé récépissé de la préfecture (que vous ne pouvez manifestement fournir qu'une fois!) et deux ou trois autre pièces. Bref en tout avec l'enveloppe timbrée indispensable dix-sept feuilles !

Il est certain que cette extravagante complexification de l'administration explique le grand nombre de nos fonctionnaires qui doivent traiter ces dossiers ; on sait toutefois que, dans nombre d'administrations, le maintien d'une telle complexité et la résistance à l'usage de l'Internet ont été très fortes. La raison majeure était et demeurez, sans qu'on dise le plus souvent, la sacro-sainte préservation de l'emploi. Ce fut en particulier le cas pour les fameuses feuilles de soins de la Sécurité sociale !

Il en résulte une complication administrative et fiscale (c'est sans doute dans ce domaine qu'on atteint les records en la matière) phénoménale qui entraîne naturellement non seulement un alourdissement et un ralentissement de toutes les procédures mais justifie l'existence d'un personnel pléthorique pour traiter de tels dossiers.

Une assez longue et diverses expérience hors de France me conduit à penser que nous ne sommes dépassés dans ce domaine que par certains Etats issus de nos anciennes colonies, africaines en particulier ; ils ont réussi en effet à rendre les procédures françaises plus complexes et plus longues encore, en y ajoutant le piment de leurs cultures spécifiques. Ce fut, mais peut-être l'est-ce aussi dans d'autres pays que je ne connais pas, le cas de Madagascar où, à la pesanteur et à la complexité administratives françaises, s'est ajouté de façon savoureuse la tortueuse lenteur de l'héritage malayo-polynésien.

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