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samedi 7 septembre 2013

G 20 : le Bonhomme Sounga de l'Élysée.

Le titre de ce billet est étrange, je le reconnais, mais j'avais, dès le départ, la ferme intention de le précéder d'une explication, car il m'a été inspiré par la vision, en direct s'il vous plait, de la conférence de presse du président François Hollande après le sommet du G20 à Saint-Pétersbourg.

Je dois dire, à ma décharge, que je n'ai pas fait exprès de me mettre devant cette émission ; je n'y suis arrivé que hasard, alors que j'espérais voir l'un des quarts de finale de l'Open de tennis américain. Faute de grives….

Cette conférence de presse où les journalistes semblaient être, pour l'essentiel, des Français, m'a confirmé dans deux opinions auxquelles je me tiens avec beaucoup de constance :

La première est que les journalistes français de l'audiovisuel sont d'une complaisance qui confine le plus souvent à la servilité. Je résumerai volontiers cela dans une formule que j'ai dû utiliser déjà quelque part : ils ne sont même pas aux ordres ... puisqu'il n'y a pas besoin de leur en donner et qu'ils les préviennent toujours et partout. J'illustrerai dans la suite ce propos par un exemple, à l'occasion même de cette conférence de presse.

La seconde opinion est que notre président François Hollande est un homme à qui il n'est pas facile de faire exprimer une opinion quelque peu tranchée. Je ne crois pas être très original en ayant fait ce constat, mais je pense que trente années de parti socialiste et la réputation qu'il s'est acquise dans les congrès par son talent reconnu pour les synthèses confirment ce trait de son caractère.

Lors de cette conférence de presse que j'ai prise en route, au moment où il parlait de l'intervention éventuelle en Syrie, il m'a fait irrésistiblement penser un personnage de la tradition populaire de l'île Maurice, que l'on nomme là-bas, en créole, le "Bonhomme Sounga". Ce "Bonhomme Sounga", est, au fond, notre "marchand de sable" .Lorsqu'on essaye d'endormir un enfant le soir et qu'il fait quelques difficultés à s'endormir, on lui annonce la venue du "Bonhomme Sounga". Au moment où il a enfin trouvé le sommeil, en fermant précautionneusement la porte de sa chambre, on annonce à la cantonade : "Bonhomme Sounga ine passé"  ; c'est-à-dire, en français, le "Bonhomme Sounga est passé", il ou elle dort !

Comme il fallait bien que j'explique ce nom assurément inconnu de tous les lecteurs peu familiers de la tradition de l'île Maurice, j'ai eu la prudence de vérifier dans Google et j'ai été ahuri d'y trouver au moins deux textes faisant référence au "Bonhomme Sounga" qui d'ailleurs donnent, l'un et l'autre, une version différente de ce que j'en sais moi-même et que j'ai souvent eu l'occasion de vérifier auprès de locuteurs mauriciens. Le "Bonhomme Sounga" apparaît dans deux livres comme un personnage menaçant alors que la nuance de menace est, en général, très discrète. L'un des textes est extrait d'un ouvrage paru sous le titre Made in Mauritius ; il est d'Amal Semtohul et j'ai eu la stupeur de constater qu'il avait été publié dans la collection "Continents noirs de la NRF chez Gallimard" (ce qui est pour le moins étrange, s'agissant de l'Ile Maurice !) et dans lequel le bonhomme Sounga n'a pas du tout la figure que je lui connais dans ce que je sais de la tradition mauricienne que j'évoque. Dans une autre référence, moins illustre, le "Bonhomme Sounga" a aussi un aspect beaucoup plus effrayant et là, curieusement, on fait venir le nom de Sounga du wolof (ce qui est une manie un peu fâcheuse dans l'étymologie mauricienne), tout en le mentionnant parmi les figures de la fête du Goon, ce qui est un peu contradictoire avec l'origine sénégalaise, puisque cette tradition est évidemment d'origine indienne. Passons sur ces détails car je me garderai d'ouvrir une controverse ici sur pareil sujet.

La puissance dormitive du "Bonhomme Sounga" de l'Élysée est assurément bien supérieure à celle de notre "marchand de sable" voire du "Bonhomme Sounga" des petits Mauriciens. Je vous résume en quelques lignes un bon quart d'heure d'argumentation de François Hollande ; il a démontré l'impérieuse nécessité d'attendre le rapport des experts de l'ONU, dont il ne doute pas un instant qu'il corrobore les conclusions des services d'information français, tout précisant au passage mais vraiment au passage (car apparemment personne n'a entendu la chose sauf moi) que le but de cette enquête, non seulement n'est pas de déterminer qui avait envoyé ce gaz sarin, mais surtout qu'on n'en parlerait pas de cette responsabilité, puisqu'il est interdit aux experts envoyés sur place d'avancer quelque hypothèse que ce soit sur ce sujet.

Je le savais personnellement depuis le début de l'affaire, mais je n'ai pratiquement jamais entendu les journalistes (et Dieu sait qu'ils ont parlé et écrit sur le sujet) faire mention de cette interdiction dont je vous livre ci-dessous le texte estrait de la "lettre de mission".
"Le mandat des inspecteurs est d'évaluer s'il y a eu utilisation d'armes chimiques ou non, mais pas de déterminer qui en est responsable."

Bien entendu la Syrie d'Assad n'a donné son accord à l'ONU pour la visite des experts, qu'après que cette condition, qui vide la mission de tout contenu et de toute portée, ait été acceptée.

J'entendais ce matin encore au journal de 9 heures sur France Culture (et non une de nos radios-bignoles) dire que l'intervention militaire n'aurait lieu que si la mission de l'ONU faisait enfin apparaître que l'envoi des gaz a bien été fait par Bachar el Assad. Quelle réponse peut-on attendre à une question qu'il est FORMELLEMENT interdit de poser ?

À moins qu'ils n'aient tous et toutes été totalement endormis, voire anesthésiés par le discours du président François Sounga, comment aucun journaliste (à chaque main levée j'attendais la question évidente) n'a songé un instant à lui poser cette question, auquel il aurait été fort embarrassé de répondre autrement que par la vérité, qu'il avait lui-même évoqué d'un mot, démontrant par là même qu'il ne s'agissait là que d'un artifice pour différer indéfiniment la réponse à la seule question essentielle qui, comme dans l'affaire Dreyfus, « ne devait pas être posée » !

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