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lundi 9 septembre 2013

Much ado about nothing ou "Alors, on ne retient plus ici?"

Le titre anglais de Beaucoup de bruit pour rien joint à l'exotisme linguistique la rare capacité de pouvoir s'adapter à une foule de sujets, tant l'information dont on nous abreuve sans cesse est d'une consternante nullité quand elle n'est pas totalement fausse.

Je reproduis ci-dessous des extraits d'un article paru dans Les Echos (7/09/13) pris un peu au hasard (les articles sont tous les mêmes, issus de la même AFP) sur la question de la relation entre l'Union européenne, les États-Unis et la Syrie, sans avoir eu de raison particulière de faire ce choix. Je ne reproduirai d'ailleurs que les extraits ce texte qui me paraissent intéressant dans la perspective qui est ici la mienne, en y adjoignant, entre crochets, comme c'est la règle pour des ajouts à un texte, les numéros des notes que je propose, après avoir mis en gras (de mon fait donc) mes remarques sur chacun des points ainsi signalés. Ces notes seront numérotées de 1 à 10 pour plus de clarté :

"Les pays de l’Union européenne se sont entendus samedi sur le fait que le monde « ne peut rester les bras croisés » [ 1 ] et qu’une réaction claire et forte[ 2 ] est nécessaire pour empêcher de nouveaux bombardements[ 3 ] à l’arme chimique en Syrie, a déclaré Catherine Ashton.
Réunis à Vilnius, les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Huit sont aussi convenus que les informations à leur disposition semblent clairement indiquer [ 4 ] que les autorités syriennes sont responsables de l’attaque chimique commise le 21 août dans les environs de Damas |...] « (Le gouvernement syrien) est le seul à posséder des armements chimiques et les moyens de les utiliser dans une quantité suffisante [ 5 ]», a-t-elle dit.
Les Vingt-Huit ne sont toutefois pas allés jusqu’à soutenir le principe d’une intervention militaire[ 6 ] contre le régime de Bachar al Assad, prônée par la France et le président américain Barack Obama. [...]
Selon Catherine Ashton, les ministres européens des Affaires étrangères se sont félicités de l’engagement de François Hollande d’attendre le rapport des experts de l’Onu avant toute initiative [ 7 ] sur la Syrie. Ce rapport est attendu aux alentours de la mi-septembre. [ 8 ]. [   ]
Pour les Etats-Unis, cependant, pas question d’attendre impérativement la publication du rapport pour frapper Damas[ 9 ], a indiqué samedi un responsable américain, en marge de la visite de John Kerry en Europe. Au cours d’une réunion avec les 28 ministres des Affaires étrangères [ 9 ] [...] le chef de la diplomatie américaine a « également dit clairement que les Etats-Unis n’avaient pas décidé d’attendre » ce rapport pour éventuellement agir [ 10 ], a précisé ce diplomate " (Extraits de Les Echos).

Note 1. "Le monde ne peut rester les bras croisés". Diable ! Fort bien, décroisons donc les bras, mais comme les choeurs d'opéra ou, dans une version plus moderne, Michaël Jackson,chantons "En avant ! Marchons !" tout en restant sur place ! J'ai, dans un billet précédent et par là même prémonitoire, attiré l'attention sur une confusion de prépositions souvent faite par nos journalistes, peu familiers apparemment avec la langue française, et qui confondent "prêt à" et "près de"! Il me semblait, en effet, que si Français et Américains se disaient "prêts à intervenir" en Syrie, ils ne me paraissaient pas en état d'être "près de le faire". Je constate que j'ai eu raison sur le plan géopolitique comme grammatical.

Note 2. Je ne sais pas si, décroiser les bras conduit toujours à croiser les jambes et s'il y a là une "réaction claire et forte"?

Note 3. "Bombardements à l'arme chimique" nous dit-on ; il est clair que le choix et l'emploi du terme "bombardements" vise, en réalité, à désigner d'avance comme l'auteur de l'utilisation de cette arme chimique Bachar el Assad, car il est évident que ses opposants ne disposant pas de forces aériennes, ils ne peuvent pas procéder à des bombardements au sens courant de ce terme. Il y a donc là une prise de position sur la responsabilité dont on aimerait avoir les preuves, puisque, selon d'autres sources, l'origine de ces armes chimiques pourrait être autre. Les terroristes japonais du métro qui utilisèrent le gaz sarin n'avaient pas d'avions ni de bombes!

Note 4. Il y a là une curiosité stylistique ; "semble clairement indiquer" est en effet une formulation contradictoire dans les termes qui se veut un compromis ou un amalgame, sémantiquement douteux, entre "semble indiquer" qui marque un doute fort qu'exprime le verbe "semble" et "indique clairement" qui traduit, en revanche, une quasi certitude. "Semble clairement indiquer" est donc évidemment impossible car illogique !

Note 5. Affirmer que le gouvernement syrien est le seul à posséder des armes chimiques est évidemment faux. Il y en a des tonnes partout dans le monde. Une information circule partout, même si la presse française, aux ordres ou ignorante, nous la cache soigneusement. L'Arabie Saoudite, qui combat le régime syrien et qui dispose de vastes stocks d'armes chimiques, en aurait donné aux rebelles qu'elle soutient ; ceux-ci soit par maladresse, soit par perversité, les auraient utilisées contre des populations. Le gaz sarin ne cible guère ses victimes ! Je note à cet égard qu'il y a, quant au nombre même des victimes, plus qu'une incertitude puisque selon les sources, il varie beaucoup ; selon la Croix-Rouge, il y en aurait eu environ 150, alors que selon les sources proches de la France et des États-Unis, il y en aurait 1500 ; cet écart de 1 à 10 semble considérable.

Note 6. L'Europe fut et demeure latine. Festina lente (= Hâte toi lentement) ; les 28 qui veulent une "réaction claire et forte" "ne sont pas allés" (jolie litote !) "jusqu'à soutenir le principe d'une intervention militaire". "Ne se sont pas résolus à se résigner à aller" eût encore mieux traduit l'enthousiasme belliqueux de l'UE ! En quoi pourrait bien consister "la réaction claire et forte" annoncée ? Cela peut aller des sourcils foncés jusqu'à la moue de réprobation !

Note 7 . François Hollande s'est engagé, après coup, à attendre le rapport des experts de l'ONU avant toute initiative ; on le croyait "près de" mais il n'est pas encore éventuellement "prêt à" (cf. supra !).

Note 8. Le rapport est attendu aux "alentours de la mi-septembre". Les experts étant revenus déjà depuis plusieurs jours et ne pouvant nous dire que ce nous savons déjà tous (l'usage du gaz), il serait bon de leur donner, de toute urgence, un secrétariat actif et dynamique, afin que ce rapport soit rédigé au plus vite. Tous ces propos font apparaître que, comme je soulignais dans un précédent blog, personne, dans la presse nationale, ne semble connaître les termes précis de la mission confiée aux experts de l'ONU. Il est clair (cette condition avait été mise à la signature de l'autorisation de l'expertise par la Syrie) qu'il leur est rigoureusement interdit de mentionner dans ce rapport quelque responsabilité de qui que ce soit dans cette affaire. De qui se moque-t-on?

Notes 9 et 10. In cauda venenum ! "Pour les Etats-Unis, cependant, pas question d’attendre impérativement la publication du rapport pour frapper Damas", [.9.] [...] Mais le chef de la diplomatie américaine a « également dit clairement que les Etats-Unis n’avaient pas décidé d’attendre » ce rapport pour éventuellement agir,[ 10] a précisé ce diplomate. Il faudrait tout de même savoir car dans de telles affaires, on ne peut dire tout et son contraire. Que faut-il comprendre : "Il n'est pas question d'attendre' ou "il n'est pas question de ne pas attendre ?

Obama me fait penser à ce personnage marseillais qui, aux prises avec un malabar à qu'il a un peu imprudemment proposé de "sortir", s'attarde sur le seuil en demandant à la cantonade : "Alors, on ne retient plus ici ?".

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