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vendredi 31 août 2012

Le marronnier de la formation des maîtres (2)

"Enseigner : un métier qui s'apprend". Le grand gourou

Si, par le plus grand des hasards, vous ne connaissez pas Philippe Meirieu, cette lacune peut être aisément comblée par la consultation de son site ou de tous ceux où il figure et dont il ne manque pas de mentionner les adresses par des liens. Autre chance pour vous, certaines sources d’information sont agrémentées d’une photo, car, si étonnante que soit la chose, l’homme paraît aussi satisfait de son image que de sa pensée. Louons le Seigneur, mes frères et soeurs, car il vous sera même peut-être accordé, parfois, d’avoir le privilège d'y entendre la voix du Maître !

Soyons modernes et savants dans cette approche, car l’homme l’impose.

Un peu de sémiologie de l’image. Il arborait, le 20 avril 2008 chez Moatti dans un "Ripostes", une curieuse chemise rouge sang (éclatant rappel de ses convictions originelles de gauche encore présentes avant qu'il vire au vert, l'année suivante, en passant du PS à Europe Ecologie), mais avec cravate. Un directeur de CNDP ou d’IUFM, même honoraire, doit garder de la tenue. Il faut donner confiance au client. Chevelure et moustache blanches bien entendu, rinçage bleuté, lunettes, tout signifie de façon éclatante le pédago ! Instituteur monté en graine, il se lança vite dans les sciences de l’éducation et la pédagogie, domaines propres à abriter et/ou à générer les impostures éducatives.

Je dois à la vérité des faits une rectification; en effet, depuis qu’il a troqué le PS pour Europe Ecologie en vue des régionales (avec une tête de liste que l’ingratitude du PS ne lui a jamais offerte)  et qu’il a abandonné le pédagogisme pour la politique et délaissé le sauvetage des élèves pour celui de la planète, Philippe Meirieu, en habile communicant, a supprimé  de son appareil sémiologique la moustache (photo de février 2010) qui auparavant était la sienne depuis près de 40 ans. Elle faisait désormais un peu trop "pédago" ou même "instruisou" pour les nouvelles destinées auxquelles il aspire et ne pouvait rivaliser avec celle de José Bové.

La soutenance-éclair d’une thèse (d’Etat, s’il vous plaît, directement et sans "tri-cycle", car  l’homme, s'il n’est pas modeste est pressé), en sciences de l’éducation, naturellement. Revenons en 1983 et le voilà docteur d'Etat ; il a 34 ans, ce qui, vu sa carrière antérieure, apparaît quasi fulgurant, du moins dans les disciplines universitaires normales, et cela d’autant que, selon ses termes, ses « engagements militants et professionnels » ont déjà été multiples. Quel homme !

Curieusement pour quelqu'un qui ne nous cache rien (pour ne pas dire qui étale tout !), le titre et les références de cette thèse demeurent non précisés. Il faut consulter l’un de ses hagiographes patentés pour apprendre qu’ayant passé son CAP d’instituteur en 1974, il a soutenu une thèse d’Etat dès 1983 sur le thème, sinon le sujet suivant : "Apprendre à apprendre". De la bouche même du Docteur Meirieu, on apprend que cette somme était « un énorme pavé de près de 1000 pages » (ce qui est, somme toute, très banal et n'a rien d'excessif pour une thèse d’Etat), mais surtout qu’elle a exigé de son auteur "dix ans de travail acharné et solitaire" (dixit Ph. Meirieu). Là, il se prend un peu les pieds, sinon dans le tapis, du moins dans la chronologie, car si on compte bien 1983 - 10 = 1973. Ce détail prouve qu’il a commencé sa thèse d’Etat avant même d’être instituteur titulaire ! Quel homme (encore !). Il faut éviter de mettre du sucre sur le miel, comme disait ma bonne grand’mère!

Si la tenue et l’apparence ne changent guère selon les photos, on dispose, en revanche, de deux versions majeures du portrait. La première est, pourrait-on dire, socratique. Un demi-sourire laisse entendre qu’on est allé au bout des choses et qu’on en est revenu. Toutefois, la version officielle, celle du site que notre héros s’est résigné à créer, à la demande générale, est celle du penseur. Le « Penseur » de Rodin, on s'en souvient, appuie sa tête sur son poing droit et regarde le sol ; il ne positive donc pas. Le penseur selon Meirieu (sujet et objet !), tient le précieux think tank, qui lui sert de tête, de sa main gauche (faut-il y voir un signe de son orientation politique majeure, pour un temps au moins?), l’index doctoral est levé (et non le majeur « fuckeur », ne nous y trompons pas !), le pouce étant délicatement allongé sous le menton. Le regard bleu est fixé, non pas sur la ligne de même couleur des Vosges, mais sur l’horizon pédagogique qu’il ne cesse de scruter pour alimenter une réflexion que rien ne suspend jamais.

Philippe Meirieu incarne de façon parfaite tout le mal qu’ont fait à notre école les sciences de l’éducation ; lors du « Ripostes » que j'ai évoqué, la charmante Natacha Polony lui a rappelé, mais avec bien trop de discrétion à mon sens, qu’il a traîné, quinze ans durant, Rue de Grenelle, même s’il paraît l’avoir totalement oublié ; il ne saurait donc fuir des responsabilités qui sont incontestablement les siennes.

Claude Allègre s’est souvent moqué, non sans humour et pertinence, des sciences de l’éducation et de leur jargon. Il aimait à rappeler que le ballon des cours de gym d'antan. est, dans ce nouvel idiome, le « référentiel bondissant ». Il est donc stupéfiant que, d’abord comme conseiller spécial de Lionel Jospin, puis comme ministre, il ait donné à Philippe Meirieu la place qui fut la sienne. Il est vrai qu’Allègre ne s’intéressait vraiment qu’à l’enseignement supérieur et à la recherche, alors que Meirieu n’est jamais sorti des sciences de l’éducation, dont la maxime suprême est que l’on enseigne bien que ce que l’on ne sait pas.

Philippe Meirieu, qui, depuis un quart de siècle, s’est fait de la pédagogie un superbe fromage où il s’est longtemps installé, avant de continuer à en vivre, même après l’avoir quitté, a tenté de rendre à la fromagerie, fût-ce par métaphore, une partie de ce qu’il lui doit, en suggérant, certains s’en souviennent peut-être, de régler les problèmes de la carte scolaire grâce au camembert.
 

A suivre.

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