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dimanche 26 août 2012

Les contes drolatiques de France-Télévision (dernier épisode)

Je commencerai volontiers ce post par une devinette : "Quelle différence y a-t-il entre le ministère français de l'éducation nationale et le groupe France-Télévision ? Vous devinez déjà je pense que la réponse est « Aucune », même si vous ne savez pas encore pourquoi!  Je vais donc devoir vous le dire : l'une et l'autre de ces belles institutions françaises ignorent à la fois leur mode de fonctionnement réel (comme le ministre Allègre l'avait, en son temps, fait remarquer avec son fameux "dégraissage du mammouth") et, pire encore, le nombre exact de personnes qu'elles emploient.
Naguère encore l'éducation nationale, à défaut de chiffres précis, avait une référence illustre et parlante puisqu'on disait que le nombre de personnes relevant du 110 de la rue de Grenelle équivalait aux effectifs de l'Armée Rouge (sans les choeurs sans doute...). Comme il n'y a plus d'Union soviétique, cette référence commode a malheureusement disparu.

Il est clair aussi; et les événements les plus récents le démontrent parfaitement, que le législateur est dans l'incapacité de mettre un terme à cette situation, en raison, comme encore le disent si joliment les textes officiels (dont le rapport de la Cour des comptes déjà cité) « des fortes particularités qui caractérisent chacune des sociétés" du groupe. Peut-on confesser plus ingénument et plus joliment son impuissance?

Rappel des faits (le gras est de moi) :
"France Télévisions est un groupe audiovisuel français, dont le capital est exclusivement détenu par l'État français. Constitué à partir du rapprochement, sous une présidence commune, des chaînes télévisées publiques France 2 (ex-Antenne 2) et France 3 (ex-France Régions 3), il comprend notamment, France 5 (ex-La Cinquième) depuis le 2 août 2000, RFO (Réseau France Outre-mer) depuis le 9 juillet 2004, France Ô (ex RFO Sat) depuis le 25 février 2005 et France 4 (ex-Festival) depuis le 31 mars 2005. Ces sociétés nationales de programmes de télévision (et de radiodiffusion dans le cas de RFO), sont des filiales détenues en totalité par France Télévisions SA . En 2007, le périmètre économique du groupe comprend environ quarante sociétés et emploie près de 11 000 personnes".

J'ai mis en gras les prudents "modalisateurs", tout à fait étranges quand il s'agit de données aussi précises que le NOMBRE des sociétés du groupe ou les EFFECTFS de leurs personnels.

Pour faire court (c'est la loi du présent genre), je résume les données qui circulent ici ou là, les effectifs de France Télévision oscillent entre 10 500 et 19 900, le nombre des sociétés qui appartiennent à ce groupe allant, selon les sources, de 30 à 63 (le rapport entre les chiffres étant le même dans les deux cas).

Je vois que vous ne me croyez pas et force m'est donc de vous infliger une démonstration que j'accompagnerai, pour égayer un peu l'aridité du propos, de quelques formules d'explication qui seront insérées dans les textes cités entre crochets et en italiques comme c'est la règle.

Je commencerai par les sociétés ; il est évident que cet aspect est premier puisque le si l'on ne sait pas exactement quelles sont les sociétés qui composent ce groupe, il devient difficile d'en effet de calculer avec précision les effectifs totaux.
Le document que j'ai cité ci-dessus précise joliment (je ne peux résister au plaisir de répéter la formule) qu'« en 2007, le périmètre [notion géométrique qui s'accommode mal du flou de la suite] économique du groupe comprend environ [souligné par moi du fait de ma stupeur] 40 sociétés et emploie près de [souligné par moi toujours du fait de ma stupeur]11 000 personnes ».

Comment ne pas apprécier le flou artistique des termes comme des données ? L'imprécision des effectifs du groupe tient tout bonnement à ce qu'on ignore jusqu'à la composition même du groupe dont le périmètre est clairement mal défini et en outre élastique ce qui en complique le mesurage.

Prenons le problème par un autre bout : "Sur l’ensemble des sociétés intégrées globalement aux comptes 2006 du groupe France Télévisions : dix-sept ont leur siège 7 esplanade Henry de France (dont France 2, France 3 et France 4), six ont leur siège sur d'autres sites à Paris, cinq ont leur siège dans les Hauts-de-Seine (dont France 5, à Issy-les-Moulineaux et RFO à Malakoff), deux ont leur siège en Nouvelle-Calédonie."
Simplifions les chose : 17 + 6 + 5+ 2 = 30 alors que, quelques lignes auparavant, on nous annonce que le groupe comprend, on l'a vu, environ 40 sociétés. Qui aurait l'idée de dire que 30 équivaut à "environ 40"? En réalité, mais selon d'autres sources, il y aurait 63 sociétés qui seraient, plus ou moins rattachées, au groupe en cause. De 30 ( le chiffre le plus officiel) à 63, la marge est considérable, mais en jouant sur la disparité des rattachements et des statuts, on peut jongler à loisir  avec les effectifs et les coûts!.

Toutes ces zones de flous me paraissent destinées surtout à masquer des réalités comme surtout cette surabondance de personnel grâce à des opérations comptables qui masquent que France télévision est un gouffre financier. Paradoxalement, le précédent gouvernement a essayé de combler ces déficits en supprimant la publicité télévisuelle avant 20 heures! La mesure était techniquement originale, car on réduit rarement un déficit en diminuant les ressources! Le but réel était évidemment non pas de réduire le déficit de France-Télévision, mais de faire le bonheur des chaînes privées, amies du pouvoir, comme TF1 ou M6. Un accroissement de leurs profits publicitaires (tempéré toutefois par la crise) a été la conséquence de cette réforme sur laquelle on ne sait plus trop si l'actuel gouvernement va ou non revenir, étant donné les positions différentes prises par divers ministres sur cette question.

En réalité, dans les causes profondes d'une telle situation, il y a surtout, si je puis dire sans salir ce beau mot, la "culture d'entreprise"; chaque société agrégée, au fil du temps, à ce groupe entend maintenir les privilèges qu'elle s'était donnés, tout en tentant d'annexer ceux qu'on voudrait obtenir à l'imitation des autres ;  il en résulte que les conventions collectives sont différentes d'une société à l'autre, sans parler des conventions de branche. De ce fait, les salariés de France2, France3 et RFO n'ont pas les mêmes conditions de travail, d'emploi et de rémunération que ceux de France5 ou France 4, chacun voulant les avantages de l'autre sans bien sûr renoncer aux siens propres.

Mais le plus beau est la conclusion de ce panorama qui, comme toujours témoigne, de la plus grande prudence dans le constat de l'impuissance qu'on trouvait déjà dans le rapport de la Cour des comptes :
"Dès lors que le législateur [je suis tenté d'ajouter ici, selon la formule consacrée, "dans sa grande sagesse"] se prononçait clairement pour la constitution d'un groupe public de télévision et dotait France Télévisions de la personnalité morale et de pouvoirs étendus de direction sur les sociétés du groupe, l’éventualité d’une négociation sociale se situant au niveau du groupe, et non plus au niveau de chacune des sociétés le composant, devait être envisagée [c'est en effet le bon sens]. À l’heure actuelle, cette question n’a pas reçu de réponse concrète. Elle se heurte aux fortes particularités qui caractérisent chacune des sociétés |"Ah qu'en termes galants ces choses-là sont dites!"]. Le risque d’un alignement systématique des dispositions sur les plus coûteuses d’entre elles demeure suffisamment important pour que cette question soit traitée avec une grande prudence.".

Ou comme le disait, bien mieux, le bon Monsieur Seguin : "Si le service public entend faire de la qualité de son information une marque de fabrique, il faut qu’il se mette d’urgence en mesure de la démontrer. Je ne peux que répéter à cet égard ce que j’évoquais au début de mon propos : avec une télévision financée exclusivement sur fonds publics, la qualité ne pourra être ni présumée, ni laissée à l’appréciation des seuls pairs. Elle devrait résulter d’objectifs clairs, affichés vis-à-vis du public, et être justifiée par des éléments probants. France Télévisions doit se faire à l’idée d’une exigence accrue de la part du Parlement et des instances supérieures de contrôle.".

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