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jeudi 30 janvier 2014

Dieudonné et la théorie du genre

Je vous jure que ce titre étrange ne doit rien à une volonté perverse de ma part mais relève du hasard pur et simple et, en ce 30 janvier 2013, des deux sujets qui préoccupent toute notre presse écrite et audiovisuelle depuis deux jours.
Il s'agit à la fois du magot en liquide retrouvé par la police chez Dieudonné M’Bala M’Bala (on a parlé de 650.000 €, mais je préfère, de beaucoup, le chiffre de 666.666 € qui a été mentionné sur l’une de nos chaînes d'information en continu, par une présentatrice, peut-être bègue hélas, car un tel nombre est à lui seul tout un programme maléfique) et de la théorie du genre que des esprits pervers s'efforceraient d'introduire en douce dans nos maternelles et nos écoles primaires.
 Je passerai très vite sur le pactole planqué sous le matelas de Monsieur M’bala car, mis à part la précision inquiétante des 666.666 €, je ne vois pas bien pourquoi, quand tout le monde fraude sur les recettes de spectacles, on pourrait empêcher un honnête commerçant (fût-il antisémite) de faire du black, comme tout le monde, ce qui dans son cas particulier est quasiment inévitable !
 Je consacrerai donc plutôt la seconde partie de ce billet à la « théorie du genre », dont on nous abreuve depuis 24 heures et dont Monsieur le ministre de l'éducation nationale s'est lui-même ouvert sur tous les médias, en s'abstenant toutefois de donner, sur ce point, quelques précisions qui auraient été bien utiles et même, je pense, indispensables. Sans prétendre me substituer à Monsieur Vincent Peillon, j'essayerai donc d'éclairer quelque peu la lanterne de nos journalistes et, par là même, de l'happy few qui fréquente ce blog.
 Je suis d'autant plus enclin à éclairer quelques lanternes qu'il existe un très beau livre, peu connu, d’Ivan Illich (il me semble que Le Seuil devrait le rééditer s'il n'a pas déjà songé à faire) qui s'intitule précisément Le genre vernaculaire et dont la traduction est parue chez ce même éditeur en 1983. Le titre même de cet ouvrage appelle deux éclaircissements qui portent, le premier sur le nom, le second sur l'adjectif.
 Le mouvement qu'on observe autour de la notion même de genre n'est pas pour m’étonner, car je constate, depuis une bonne dizaine d'années, que le mot « sexe » que l'on doit juger équivoque voire obscène, tend à disparaître du lexique officiel de l'éducation. Je ne la citerai pas ici dans son détail mais j'ai même vu une étude sur un bazar dénommé IFADEM. Il s’agit  de l’Initiative francophone pour la formation des maîtres qui prétend apporter une aide à l'école du Sud par les NTIC, coûteux projet, grotesque quand on voit l’état de cette pauvre école du Sud ! (allez donc voir le site ifadem.org !) Figurait dans ce site une enquête faite en Haïti où l’on ne séparait pas les femmes et les hommes (les enseignants interrogés) sur la base du « sexe » mais sur celle du genre ! Cette étude, émanant d’un prétendu chercheur de l’Est de la France, était financée par la francophonie et une simple approche du texte montrait déjà l'étendue de l'ignorance de l'expert français venu en Haïti à cette fin.
 On constate d'ailleurs que les divers organismes internationaux tendent quasi systématiquement à rejeter la notion de sexe au profit de celle de « genre », ces deux termes étant à leurs yeux synonymes mais le  second étant sans doute à leurs yeux plus décent. C'est dire l'étendue des ignorances dans ces milieux internationaux et , pire encore, chez leurs « experts » surtout avides de voyages, de per diem et de contrats juteux !
 L'examen rapide de l'adjectif « vernaculaire » conduit d'ailleurs aux mêmes conclusions. Pendant très longtemps, on a utilisé, en Afrique en particulier, le mot « vernaculaire » (à peu près au sens que lui donne Ivan Illich à quelques nuances près) pour désigner les langues locales en usage dans un groupe ethnique, en particulier pour les distinguer des langues dites « véhiculaires » qui servent à communiquer entre locuteurs appartenant à des groupes ethniques différents et donc de « vernaculaires » divers. Cette distinction assez juste et commode permettait une description convenable des situations linguistiques de l'Afrique qui faut-il le rappeler abrite des milliers de langues, la plupart des Africains étant par nécessité polyglottes!
 Le problème est venu de ce que, un beau jour, un fonctionnaire de l'Unesco précisément, un peu moins ignorant et inculte que les autres, a découvert, sans doute dans son vieux Gaffiot, que le mot « vernaculus » était, en latin, utilisé pour désigner « l'esclave né dans la maison ». Horreur, car le bougre ne savait évidemment pas que ce terme n'est pas réservé aux ! Le mot « vernaculaire » a donc été aussitôt banni du vocabulaire officiel de l'Unesco et dans les officines qui en dépendent, sans qu’on sache trop d’ailleurs par quoi le remplacer. 
Fort heureusement pour Ivan Illich son beau livre ne s'intitule pas « le sexe vernaculaire », ce qui est d'ailleurs impossible vu les idées qu’on y trouve. Si le mot vernaculaire a été banni des lexiques officiels internationaux depuis deux bonnes décennies, le terme sexe était toujours présent ; fort heureusement depuis deux décennie, l'apparition de son prétendu synonyme  « genre », que dans leur ignorance, ces fonctionnaires croyaient de même sens, a permis d'écarter des documents officiels, ce vocable obscène.
 Comment faut-il comprendre le titre du livre d’Illich, point essentiel ici ? Je serai évidemment bref sur cette question ;  je me limiterai à la définition qu'il donne du « genre », même si je ne suis pas tout à fait d'accord avec lui sur cette question. Les sociétés pré-capitalistes dit-il « sont fondées sur le genre », les sociétés capitalistes sur le sexe. Le genre, concret dans les comportements et abstrait dans la pensée, permet que la famille et la maisonnée subsistent dans une répartition des tâches accomplies, en leur sein, par l'homme et la femme dont les rôles ne sont pas interchangeables.
 Il est d'ailleurs intéressant de constater (ce qui me ramène à mon point précédent) que l'école et plus généralement l'instruction conduisent à des formules de modifications, voire de disparition, du parler vernaculaire au profit de langues véhiculaires ou même étrangères. Et on retrouve là le sens originel de « vernaculaire » que je signalais précédemment (« Quidquid domi nascitur » = tout ce qui nait ou est produit à la maison). Le genre est donc vernaculaire en ce sens que, même s'il ne se limite pas à l'usage domestique, il est en effet le produit d'une culture spécifique d'un ensemble de traits et de comportements culturels que les enfants acquièrent par l'imitation de ceux en usage dans les groupes auxquels ils appartiennent (famille, pairs, société). Il en résulte qu’il  est aisé (et classique) de montrer que, dans certains groupes humains, on trouver des femmes qui ont des comportements à nos yeux masculins comme, ailleurs,  des hommes qui ont des mœurs pour nous féminines.
 Ce que l'on désigne habituellement du nom de « théorie du genre » est tout autre chose. Il s’agit une théorie sociologique, récente et très discutée, née dans les années 90, qui met en avant l'idée que le genre et l'orientation sexuelle ne sont pas déterminés (Aïe !  Voilà que je me démasque et qu’en affreux mâle dominant, je fais que le masculin l’emporte sur le féminin !) exclusivement par le sexe, mais srtou  par l'environnement socioculturel et donc, pour partie, par l’éducation ! C'est déjà la fameuse formule de Madame Sartre selon laquelle "on ne naît pas femme, on le devient".
On aura donc déjà deviné naturellement que les féministes ont fait leurs choux gras de cette « queer theory », pourtant quelque peu en perte de vitesse. Il suffit, pour s’en convaincre et le prouver, de relever simplement les prénoms des théoricien(ne)s majeures de cette école (Anne, Eve, Gloria, Judith, etc.).
 Dans la manœuvre mise en œuvre dans les écoles parisiennes (indice sociologique intéressant), on distingue d’ailleurs un élément de forte  contradiction puisque, dans la revendication actuelle, se rejoignent, semble-t-il, féministes et adversaires du mariage pour tous, ce qui ne les réunit clairement  que dans l’ignorance et l’opportunisme!

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