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lundi 30 décembre 2013

La quenelle et le fruit sec

Je vous vois déjà, chère lectrices et impétueux lecteur, vous interroger à la fois sur le sujet de ce billet et la légitimité de mon intervention. 

Pour ce qui est de la « quenelle » aucun doute en ce qui me concerne, je suis lyonnais et, comme tel, spécialiste patenté de cette préparation culinaire, bien plus que n'importe quel footballeur, médiocre has been, fût-il lié à Dieudonné M’Bala M’Bala puisqu'il faut l'appeler par son nom.
Je me demande encore, en commençant à rédiger ce billet, ce qui peut bien me pousser à intervenir dans une affaire si dérisoire et si stupide, si ce n'est le médiatique déferlement des âneries depuis 48 heures.

J'entendais samedi la sénateure (ou la sénatrice, je préfère le second terme)  Chantal Jouanno, ex championne de karaté ou de je ne sais quel sport oriental, déclarer que cette quenelle était inspirée du salut nazi ? Voilà ce qui montre à la fois qu’elle n'a jamais vu le salut nazi et pas davantage une quenelle qui ne se porte pas sur le haut du bras droit. Réglons d’emblée ce point historico-culinaire mineur !

Dans la « quenelle » afro-belge, Dieudonné (dont le papa est ewondo et la maman belge) le rôle essentiel est tenu par le bras gauche, alors que, dans le salut nazi, c'est le bras droit qui officie essentiellement et uniquement et dans un tout autre geste. Cette interprétation est donc parfaitement stupide et infondée, ce qui n'a rien d'étonnant vu ce que l'on entend depuis le match en cause.

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase de mon indignation est l'audition sur Europe 1, au « grand débat », dimanche soir vers 19h30, d'une discussion réunissant des spécialistes de Dieudonné et de la « quenelle » dans laquelle j'ai entendu (et je n'invente rien sinon ce serait pas drôle) avancer que Jean-Marie Le Pen avait un enfant dont le parrain était Dieudonné M’Bala M’Bala. C'est en fait, bien entendu, l'inverse et c'est Jean-Marie Le Pen qui est le parrain de la troisième fille de Dieudonné, ce qui est à la fois plus logique et plus vraisemblable. Cependant cette fausse assertion, absurde de toute évidence, a rencontré l'approbation unanime de ces prétendus spécialistes réunis pour la circonstance et aucun d'entre eux n'a émit le moindre doute à ce propos. C'est dire une fois plus la qualité de l'information même si un tel détail est évidemment dérisoire.

Pour en finir avec l'origine du geste en cause, il pourrait plus vraisemblablement s'agir de la reprise d'une attitude du Docteur Folamour, nostalgique du nazisme qui, dans le film de Kubrick, de sa main gauche empêche son bras droit de se lever pour effectuer le salut nazi, dans une ultime tentative pour se défendre d'exécuter un geste si naturel pour lui. M’Bala M’Bala n’est pas homme à s’embarrasser d’un petit plagiat !

Que vient donc faire la quenelle dans cette affaire ? Les amateurs de ce salut n’ont qu’à se reporter au Trésor de la langue française, dictionnaire dont ils peuvent ne pas être familiers et y apprendre un détail sans doute propre à les réconforter dans leurs hypothèses germanophiles. En effet, l'origine vraisemblable du mot « quenelle » en français, où il est attesté depuis le milieu du XVIIIe siècle, est… l'allemand « knödel » qui désigne « un aliment en forme de boulettes ou de petits cylindres à base de viande, d'abats ou de poisson finement hachés, incorporés à une pâte de farine ou de mie de pain». Le seul apport de M’Bala M’Bala dans cette affairer serait donc le fruit sec qu’il constitue lui-même!

La principale caractéristique de Dieudonné M’Bala M’Bala est que Wikipédia lui consacre quasiment une bonne trentaine de pages dont 250 notes, ce qui me paraît être un record pour cet ouvrage.
Ce que je juge étonnant est que, sur le plan politique, l’antisémite Dieudonné, qui se situait plutôt à gauche et étaitvdéjà noir au début des années 90, a connu ses principaux et désormais seuls succès en s'associant, dans un duo assez réussi, plusieurs quelques années durant, avec Elie Seymoun c'est-à-dire avec un juif. Il fera également dans la suite une brève tentative en 2000 avec Gad El Maleh qui est depuis devenu une de ses cibles dans ses productions actuelles.

Dans le duo Dieudonné-Seymoun, il est clair, vu la suite de leurs carrières respectives, que l'imagination et la vis comica se situaient du côté d’Elie et que les deux hommes se sont séparés, non pour des questions idéologiques ou politiques mais sur la question de la répartition de leurs profits, sans doute dans la mesure où Dieudonné devait sentir qu'il n'était pas tout à fait à la hauteur de son partenaire pour ce qui concerne l'humour et le succès.

C'est à mon avis le moment-clé de l’histoire personnelle de Dieudonné car, à partir du moment où ils se séparent en 1997, le parcours de Monsieur M’Bala M’Bala devient extrêmement sinueux, pour ne pas dire totalement chaotique. C'est alors en effet qu'il s'essaye au cinéma avec un insuccès égal, liant de façon assez absurde, aux yeux des historiens du moins, la question de la traite des Noirs à la responsabilité des juifs. On voit la trace de cette évolution absurde puisque, en 1997, il s'engagera même dans la lutte contre Marie-France Stirbois, candidate du Front National à, Dreux ; il participe en 1998 aux législatives à une liste de gauche ! Nouvelle mutation, à partir de 2000 : il prétend alors incarner une troisième gauche « verte » ; n'ayant pas pu réunir les 500 parrainages qui lui auraient permis d’être candidat à la présidentielle, il se présente aux législatives à Sarcelles, recueillant triomphalement 2 % des suffrages.

Autant dire que Monsieur M’Bala M’Bala fait et dit n'importe quoi, parcourant en tous sens et en zigzags l’Hexagone comme le paysage politique ! Il en est de même pour ses amitiés comme pour ses « collaborations ». Avec Alain Soral qui qualifiait M’Bala M’Bala non sans pertinence, « d'inculte et pas drôle » il se réconcilie et il œuvre avec son frère ennemi. En 2008, il invite le négationniste Robert Faurisson et l’amène sur scène lors de ses spectacles ; il le fait applaudir, l'ayant déguisé en déporté juif ; il sera condamné pour cela, au terme de plus de trois ans de procédure, sans être toutefois frappé d'inéligibilité, ce qui lui permet d'annoncer la création d'une liste« antisioniste », casserole qui déclenche à nouveau une campagne de presse qui est le véritable but recherché.

M’Bala M’Bala montre tout autant d’éclectisme hors de France, mais avec plus de succès semble-t-il, du moins pour ce qui concerne les profits. Cela vaut, dans ses relations avec Carlos (alors en prison et qui qu'il l’assure de son soutien et de son vote … symbolique) mais aussi avec Chavez qu'il rencontre en 2006 à Téhéran où il se rend régulièrement à des fins diverses mais rentables. Il reconnaît lui-même recevoir de l'Iran un budget qui lui permet de réaliser des films ; en 2011, il rend visite à Kadhafi qu'il soupçonne d'être manipulé par le lobby juif !

On constate aisément par tout cela que, depuis ses échecs comme humoriste  et sa séparation d’avec Elie Seymoun), Monsieur M’Bala M’Bala est désespérément à la recherche d'autres sources de succès, tant sur le plan politique qu'électoral, s’alliant tour à tour avec ses anciens ennemis jurés ou se brouillant avec ses anciens amis au fil de ses relations internationales et de ses visées électorales.

Notre ministre de l'intérieur réfléchit à interdire ses spectacle, alors que, curieusement, notre justice a toujours traité, jusqu'à présent, de façon un peu étrangement indulgente, ce prétendu humoriste. En effet, si Monsieur M’Bala M’Bala a déjà été à de nombreuses reprises condamné à des peines d'amende (qu'il n'aurait d'ailleurs jamais payées murmure-t-on) pour « provocation à la discrimination à la haine ou à la violence raciale religieuse », il est stupéfiant de constater que la justice ne lui a jamais infligé la moindre peine entraînant son inéligibilité. Ce serait pourtant là une mesure simple, efficace et surtout logique, plus que sa censure, puisqu'il paraît clair que désormais Dieudonné, ayant sagement renoncé à faire rire, concentre ses efforts sur une carrière politique qu’il a déjà esquissée avec un insuccès qui ne paraît pas l'avoir découragé.

À mes yeux, le principal mystère reste donc le fait, que, en dépit de ses multiples condamnations pour des raisons graves, le personnage n'a jamais été frappé d'inéligibilité, la seule mesure prise sur ce plan l’étant par les électeurs qui le créditent généralement de scores entre 1 et 2 % ce qui indique sans ambage son influence réelle.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

La quenelle ?
Le mot "queue" s'y impose mais la consistance de la vraie quenelle met les choses à leur place.
Bref, un salut nazi qui bande mou...