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mercredi 4 décembre 2013

PISA pour tout le monde !

Notre manie de la notation et du classement est telle, en France, que nous classons tout, des hôpitaux aux universités en passant par le degré d'intégration des villes ! Lorsque nous ne classons pas nous-mêmes, les autres s'en chargent à notre place, les Chinois pour les universités du monde et l'OCDE pour les systèmes éducatifs avec le fameux classement PISA.

Depuis hier et la publication de ce classement, le menu de l'information est unique, comme le souligne mon titre, c'est "PISA" pour tout le monde !

Ne parlons pas des médias audiovisuels à qui il a si opportunément fourni leur ain quotidien en un jour d'étiage médiatique ( on ne va pas quand même s'occuper de l'Ukraine, de la Thaïlande ou de la Centrafrique dans les chaumières françaises !). Des radios et télés jusqu'à l'Assemblée nationale, il n'est bruit que du classement PISA et de la dégringolade, pourtant largement prévisible, de la France dans ce classement. PISA a même fait sortir de leur trou désormais commun, Jean-Louis Borloo et François Bayrou qui sont au moins d'accord sur la nécessité absolue d'agir en la matière. Il est dommage que notre François le Champi n'ait pas eu plus tôt conscience d'une telle urgence dans le passé, car, rappelons-le, il a tout de même été l'un de nos ministres de l'éducation nationale les plus inactifs.

Ce classement PISA, dont les modalités sont d'ailleurs discutables, réunit, de façon peu rigoureuse, des systèmes éducatifs socialement très différents. Les asiates, qui tiennent les premiers rangs, ont des conceptions et des modalités de fonctionnement qui sont fort éloignées des nôtres. Dans certains pays, on a été obligé d'interdire les cours particuliers pour les élèves au-delà de 23 heures et il y a une boutade japonaise qui dit que dans les écoles du Japon, il n'y a pas de mauvais élèves car ils se sont déjà tous suicidés !

Personnellement je n'apporte guère d'attention réelle à ce classement auquel je ne crois pas, mais qui a tout de même l'intérêt (et l'émotion qu'il suscite le prouve) de tempérer un peu notre arrogance qui s'exerce à propos de l'école comme dans les autres domaines où nous inclinons toujours à nous juger les meilleurs ! Le point important est si nous sommes dans le milieu de ce palmarès mondial (25ème sur 65 je crois), nous sommes en fait dans les bons derniers des pays qui ont notre niveau de développement. Consolation : nous sommes très loin devant la Somalie qui ferme la marche !

Ce qui m'amuse le plus dans cette affaire est, une fois de plus, la malice du hasard puisque, en ce moment même, au détriment de la régularité de mon blog, je suis en train de réunir en un livre sur le thème de l'école (comme je viens de le faire pour l'université et le CNRS chez l'Harmattan) les billets que j'ai pu écrire dans mes différents blogs depuis quelques années. Je m'amuse donc beaucoup à voir que les mêmes thèmes qu'on agite depuis une bonne vingtaine d'années (la formation des maîtres, les rythmes scolaires, le ratio profs-élèves, les programmes, l'échec scolaire, les "fondamentaux", l'illettrisme, etc.) sont repris, à nouveau à propos de l'enquête PISA et que les ministres en charge de ce secteur (Monsieur Peillon et Madame Pau-Langevin) prennent soudain conscience de l'existence de ces questions dont ils semblent découvrir l'importance et l'urgence ; ils nous promettent dès lors solennellement qu'ils vont s'en occuper imminemment sous peu ! On croit rêver, surtout dans le cas du ministre, dont il semble évident qu'il va quitter la rue de Grenelle pour Bruxelles et Strasbourg, ce qui n'est pas un mauvais calcul de sa part vu la situation dans laquelle il se trouve.

La fameuse enquête PISA fait aussi apparaître que nous sommes mal placés pour les acquis scolaires généraux, ce qui n'est pas trop grave (nous le savions puisque 20% au moins des enfants ne savent pas lire en fin de primaire mais, après tout, l'école sert précisément à porter remède à un tel problème), mais que les inégalités sociales, en particulier pour ce qui concerne les élèves issus de l'immigration, se sont considérablement accrues, ce qui n'a rien d'étonnant puisqu'on n'en tient aucun compte, l'école de la République devant être la même pour tous, fût-ce au prix de l'inefficacité.
 
C'est vrai en particulier pour des élèves qui ne parlent pas le français et à qui on se préoccupe en aucune façon de l'enseigner de façon spécifique (enseigner EN français n'est pas enseigner LE français); ce qui entraîne inévitablement de graves conséquences, parfaitement prévisibles. Quel peut être à votre avis le comportement d'un enfant de six ans qui ne parle pas le français et qu'on place dans une classe où, durant toute la semaine, on va s'efforcer d'abord, la première année, de lui apprendre à lire et à écrire une langue qu'il ne parle pas et, dans la suite, de lui infliger, en permanence, des cours d'histoire, de géographie, de sciences, et même d'arithmétique dans cette même langue qu'il ne parle et ne comprend pas? Au mieux il est frotté au français ordinaire de la rue, mais non pas à ce que l'on appelle maintenant le "français de scolarisation", qui ne présente avec la variété ordinaire voire populaire de cette langue que des rapports relativement lointains.

Une telle situation amène fatalement à des comportements dont on peut aisément esquisser une brève typologie. Le premier est celui de l'indifférence et de la surdité volontaires. L'enfant cesse de s'intéresser à ce qui se passe autour de lui et il sera très rapidement ce qu'on nomme désormais un « décrocheur ». Le deuxième comportement est celui de l'agressivité qui comporte différentes modalités : l'élève, selon les cas, peut mettre le feu à la classe ou tourner son agressivité contre son bourreau ; il peut alors insulter le maître ou planter un couteau dans le ventre de l'institutrice. La dernière catégorie assurément la plus réduite est celle d'élèves, très doués d'abord pour l'apprentissage des langues, et pour l'école ensuite, qui vont réussir à se sortir d'une telle situation et progresser, souvent brillamment, dans le cursus scolaire.

On pourrait comparer l'éducation scolaire à l'apprentissage de la natation. Si l'on prend  cent enfants de trois ans et qu'on les jette tous dans une piscine. soixante-dix vont probablement se noyer immédiatement, vingt vont réussir à barboter puisqu'à un point d'appui qui leur permettra de sortir de l'eau ; une dizaine regagneront le bord en nageotant et deviendront probablement d'excellents nageurs dans la suite. Est-ce toutefois là une bonne méthode pour apprendre à nager aux enfants?
J'ai écouté ou lu depuis hier une quantité de discours, tous plus volontaristes et ineptes les uns que les autres, mais je n'ai entendu nulle part la vérité d'évidence qui est que, en particulier, pour les enfants de l'immigration qui ne parlent pas le français, il serait sage de le leur apprendre réellement et efficacement de façon spécifique, comme cela se fait dans les pays où leur intégration est réussie, avant de les mettre dans le bain de l'enseignement commun à tous. Et qu'on ne vienne pas ici me parler  des CEFISEM et des CLIN qui sont de vastes blagues et que je connais dans leur inepte détail !

J'ai entendu des sottises dans la bouche d'une personne qui est en grande responsabilité, mais que je nomme pas pour ne pas être mis en examen pour diffamation ! Elle voyait dans la "mixité sociale des écoles de quartier" le gage de la réussite. MDR ! Confier des responsabilités à quelqu'un qui peut tenir de pareils propos est assurément un gage d'échec total, présent et à venir, pour notre école.
On continue à enseigner les mêmes choses, avec les mêmes programmes (plutôt accrus), selon les mêmes méthodes au PUBLIC scolaire actuel qu'aux élèves d'il y a 50 ans, avant la massification de l'enseignement et les apports considérables d'élèves issus de l'immigration qui sont naturellement bien plus nombreux dans la population scolaire que les immigrants (français ou non) ne le sont dans la population générale, car dans les familles de ces milieux, les enfants sont infiniment plus nombreux que dans les familles des Français "de souche" ; ce détail démographique capital semble avoir totalement échappé à nos responsables qui ne doivent guère aller dans les écoles, ce en quoi ils ont bien raison.

Bref je sors rasséréné de cet examen rapide de la réception française des données du PISA car les textes que je réunis dans le livre que je suis en train de préparer n'ont pas pris une ride depuis l'époque, pas si lointaine d'ailleurs, où je les ai écrits.

Il faut donc, après ce billet, que je retourne travailler sérieusement.

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