J'espère que cette accumulation initiale de 13 ne conduira pas à faire à ce livre, dont j'écris aujourd'hui les dernières pages, un sort trop malheureux. Il me faut néanmoins, un jour ou l'autre, mettre un terme à cette divagation sur notre école, mais j’aurais pu mieux choisir la date.
Je suis d'autant plus contraint à conclure que j'ai vu, il y a deux jours, sur France 5, une émission que j'ai déjà évoquée dans un billet précédent à propos de Madame Moisan, directrice, au ministère de l'éducation nationale, de la prévision et de la prospective (Vaste programme – du moins en ce moment -comme avait dit autrefois le Général, certes sur un autre sujet mais, au fond, pas si éloigné que ça, comme on le verra dans la suite). Elle voisinait dans cette émission avec une rectrice en retraite, le président de quelque association parisienne de parents d'élèves, et un jeune homme qui, au bout de huit années de galère, avait rendu son tablier de professeur de ZEP. Comme souvent dans ce genre d'émission, les propos étaient très parisiens (Calvi veut éviter les frais de déplacement) et, en outre, le pauvre professeur de collège qui connaissait assurément le terrain mieux que les autres, en était réduit, le plus souvent, à faire de la figuration, en particulier du fait de la faconde de Madame Moisan.
Celle-ci, de formation mathématique comme on pouvait le supposer, nous a beaucoup parlé statistique, ce qu'imposait à la fois sa fonction et l'occasion qui avait conduit à réunir ces quatre personnes et qui était évidemment les résultats du PISA. Comme souvent les propos échangés (en dépit de l’absence de l’inévitable Christophe Barbier qui me fait fuir à tout coup) étaient sans grand intérêt. Le seul point qui ait véritablement retenu mon attention, même si ce ne fut guère le cas pour les autres participants, fut une remarque adjacente de Madame Moisan, signalant, au passage et sans s’y attacher, que la chute brutale des résultats scolaires français, du moins en croire les statistiques, se situait vers 1995.
Je ne suis en rien spécialiste de l'histoire de l'éducation et moins encore statisticien et je livre telle quelle une hypothèse en laissant le soin à des spécialistes le soin de la confirmer ou de la réfuter
J’ai en effet été frappé moins par le fait que le début de la chute des résultats scolaires français se situe en 1995 que par l’observation que 1995 se situe en gros une vingtaine d'années après la mise en œuvre de la politique dite du « regroupement familial » par Giscard d'Estaing durant sa présidence. Je me borne ici à quelques remarques sommaires.
Jusqu’à 1960, le taux de natalité de la population immigrée est inférieur à celui des Français, parfois largement. L'immigration féminine est alors rare et la population immigrée est surtout formée, en grande partie, de travailleurs qui sont des hommes isolés dont les familles restent au pays. La situation commence à changer en 1970. Dès 1971, on note 71.000 naissances de mère étrangère pour moins de 3,2 millions d'étrangers.
À partir de 1974, les choses changent radicalement avec la fin de l'immigration de travailleurs masculins isolés ; ce sont surtout dès lors des femmes (et des enfants) qui immigrent au titre du regroupement familial qu’organise le décret d’avril 1976. Ce changement amène un rythme soutenu de naissances au sein de l'immigration, malgré la stagnation et même parfois le recul du nombre des étrangers, surtout dû désormais aux naturalisations.
Pour résumer, depuis les années 1990, on observe une augmentation continuelle de l'immigration familiale en France et l’incidence de ce changement démographique a des incidences majeures sur l’école. Revenons un peu en arrière sur une remarque j'ai fait à plusieurs reprises dans mes blogs
La raison majeure de la dégradation des résultats de notre système éducatif me paraît tenir à deux facteurs essentiels.
D'une part, le changement considérable du public scolaire à la fois sous l'effet de la massification antérieure et sous celui de la nouvelle politique d'immigration à partir de 1975 00dont la principale caractéristique était le regroupement familial.
D'autre part, l'absence de modification des programmes et des objectifs de l'école, alors que le public scolaire a été radicalement modifié, ce qui aurait dû amener une réflexion sur l'adaptation des objectifs scolaires à cette nouvelle population, au moins durant les premières périodes de sa scolarisation.
Même si c'est un point de détail, j'ai tout de même été stupéfait d'entendre l'une de ces spécialistes (je ne sais plus si c'est l'ex rectrice ou la directrice des statistiques) qu'il y a 30 ans, donc vers 1995, les enfants français n'étaient pas tous scolarisés. ! Je vous jure qu’elle a dit ça ! Dans la bouche d’une si haute autorité éducative, une telle affirmation me paraît tout de même relever d’une stupéfiante ignorance ou d’une nullité crasse en calcul mental, les deux pouvant bien sûr coexister
En tout cas, je n'ai nulle part entendu dire par aucun expert, ni en éducation ni en démographie ou en statistique, que la politique de regroupement familial avait été un facteur très important dans la dégradation de l’état de notre système scolaire et donc qu’il fallait, de toute évidence, en tenir compte et en tirer les conséquences. C'est en effet le regroupement familial qui a fait que, même si les migrants adultes continuent à former dans la population générale un pourcentage relativement modeste et qui se réduit du fait des naturalisations, il en a été tout autrement dans les populations scolarisables et ou scolarisées, en particulier pour ce qui est de l’intégration culturelle et linguistique des nouveaux arrivants ou des enfants nés dans des familles non francophones (mixtes ou non)..
Pour un témoin comme moi qui a habité Marseille durant plusieurs années, cette remarque est évidente, puisque j'y ai vu, durant toute cette période, des mères de famille maghrébines, comoriennes (Marseille est sans doute la ville comorienne la plus importante) ou africaines, tenant par la main ou traînant dans leur jupes ou leurs boubous, une demi-douzaine de marmots, ce qui n'est guère le cas des mères de famille « françaises de souche » comme dit l'autre. De ce fait, assez logiquement l'incidence majeure de ce facteur n'a cessé de croître entre (pour fixer les dates d'une façon arbitraire) 1975 et 1995, les faits majeurs apparaissant dans les statistiques de la réussite scolaire à partir de cette dernière date, selon Madame Moisan, témoin des plus autorisés par sa fonction de DEPP).
Je ne reviens pas sur les problèmes que pose la scolarisation d'enfants qui ne parlent pas le français dans un système scolaire qui n'est pas fait pour eux et où l’on persiste à croire, dur comme fer, (naïvement ou sottement comme vous voudrez) qu'enseigner enfrançais équivaut à enseigner le français !
Qu'on n’aille pas m’objecter que les CLIN ; les ZEP ou, ici ou là, les pitreries de cet acabit, poursuivent cet objectif et répondent de façon efficace à ces besoins évidents. Il s'agit là, comme autrefois dans les CEFISEM, de dispositifs qui ont toutes les allures de paysages à la Potemkine ! Il suffit de voir ce qui se passe dans les pays qui ont fait vraiment le choix de mettre en place des dispositifs spécifiques pour les enfants de la migration qui ne parlent pas la langue du pays, pour constater que c'est évidemment la seule solution, mais que c'est précisément celle qu'on se refuse, en France, à mettre en œuvre et même à envisager.
Je suis d'autant plus convaincu de la pertinence de ce point de vue que j'ai vécu de nombreuses années à la Réunion, où le problème a été longtemps le même, du fait que la plupart des enfants qui entraient à l'école parlaient le créole réunionnais et non le français. Je m’y suis heurté, durant toutes ces années, à la résistance farouche des autorités administratives éducatives locales comme à celle de la plupart des enseignants, de français surtout. Les choses ne sont pas réglées actuellement et il suffit pour s'en convaincre de regarder les statistiques de l'échec scolaire qui doivent être familières à Madame Moisan et devraient lui donner à réfléchir!
Je me garderai, au terme de ce parcours, de formuler des conclusions et de suggérer des propositions dont on peut espérer que la plupart des responsables sont parfaitement conscients, même s'ils se refusent tous farouchement à les mettre en œuvre. Il en sera de même sans doute de la « Refondation du système éducatif » par la majorité de gauche actuellement au pouvoir. La ferait-elle d’ailleurs, contre la volonté de ses électeurs et de la plupart des enseignants, que le gouvernement de droite qui lui succédera vraisemblablement s'emploierait aussitôt à remettre en place les bonnes vieilles structures de notre système éducatif qui ont si sûrement et si heureusement fait leurs preuves avec Jules Ferry !
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