La réforme de "l'histégé" en terminale envisagée
par Luc Chatel en décembre 2009 avait fait le buzz et la une des médias. Comme on pouvait le prévoir, cette réforme a suscité une
réaction et une pétition des professeurs d’histoire, car ce sont eux surtout
qui ont pris la tête du mouvement, dans la mesure où ils fréquentent bien plus
les médias audiovisuels que leurs obscurs collègues géographes ; ils ont donc
pensé, avec bon sens, qu’ils seraient mieux et plus vite entendus. Les
promoteurs de l’idée sont Azéma, Kaspi, Stora et Tulard, invités quasi
permanents de nos chaînes, de France-Culture aux niaiseries historisantes de
Stéphane Bern.
J’ai cru comprendre que « l’idée », si l’on peut appeler ça
une idée, est de réduire d’une heure, entre la première et la terminale de la
filière S (l’élite ), les enseignements d’histoire et de géographie, en
supprimant, du même coup, le caractère obligatoire de ces matières en terminale
; elles seront en option avec un horaire réduit pour les élèves de terminale
qui le souhaiteront, mais on alourdira leur horaire en première avec une
épreuve de contrôle définitive en fin d’année. Cela participe, comme toujours
de façon sournoise, du rétablissement subreptice de la première partie du bac
qu’on a supprimée dans le passé. J’ai déjà évoqué ce point et je n’y reviens
pas.
On reconnaît là une loi permanente de l’évolution de
l’administration française qui finit toujours par rétablir ce qu’elle a
précédemment supprimé, comme elle supprime, après un certain temps, ce dont
elle avait proclamé, à grand son de trompe, l’absolue nécessité de création.
Ces cas sont ceux des IUFM (pour l’éducation nationale) et de la DGCID (pour le
ministère des affaires étrangères). Comme disait ma bonne grand’mère
"Faire et défaire c’est toujours travailler".
Tout cela appelle trois remarques, outre celle que je viens
de formuler et qui concerne le fonctionnement général de nos administrations.
La première tient au mouvement clairement corporatiste de
nos plus éminents historiens. Tout le monde se plaint tout le temps que les
programmes scolaires sont trop chargés, mais, dès qu’on touche au programme
d’une discipline quelconque, en l’allégeant ou en le modifiant à peine, on voit
aussitôt se dresser la corporation concernée, qu’il s’agisse du latin, de
l’histoire ou de la gymnastique !
Deuxième observation : Ce genre de réaction n'est que
l’application spécifique d’une loi plus générale, inscrite au tréfonds de notre
identité nationale actuellement en débat : « Toutes les réformes sont toujours
souhaitées par tout citoyen français, sauf celles qui le concernent et le
touchent directement et personnellement en quoi que ce soit ». La réforme en
somme, c’est toujours pour les autres !
Troisième point. Cette affaire montre, une fois de plus,
combien nos ministres sont mal conseillés. Personne ne s’avise, en effet, parmi
eux de dire que « l’histoire et la géographie » ou, dans le jargon
professionnel, « listégé », constituent une étrange spécialité hybride,
purement française donc inscrite, par là-même, dans notre identité nationale à
défaut de l’être dans nos gènes. Nul autre pays ne songe à rapprocher deux
spécialités si totalement différentes et si parfaitement étrangères l'une à
l'autre. Bien des formes de géographie spécialisée, de la géographie physique
(glaciaire par exemple) à la géographie économique sont plus proches de
sciences comme la géologie ou l’économie qui ne sont nullement présentes dans
les facultés de lettres et de sciences humaines, où est enseignée l’histoire.
Je ne vais pas faire ici l’histoire du « concept », mais si
la rue de Grenelle avait eu la bonne idée de me consulter, j’aurais,
stratégiquement, conseillé de séparer d’abord les deux disciplines, à la fois
pour diviser l’opposition corporatiste (vieille tactique toujours efficace) et
pour régler une question pédagogique bien réelle, tant ces deux disciplines
sont différentes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire