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dimanche 31 octobre 2010

« Poubelle la vie » ou « les mystères de Marseille ».

Vu hier soir, sur France3, une série policière intitulée « Enquêtes réservées ». Sur le sujet, rien à dire ; c'est le cocktail français classique sur la recette américaine classique : 50 % de guerre des polices, 20 % d'un méli-mélo familial et sentimental, 20 % de pseudo-police scientifique minable (on se borne à mettre en barboteuses et en bottes les enquêteuses) et enfin, l’essentiel, 10 % de propagande touristique pour la ville de Marseille. Le tout est tourné sans aucun moyen, comme tous les feuilletons français, ni figurants ni décors autres que la mer ; par ladrerie, on y a même remplacé le siège de la police marseillaise, « l'évêché », prudemment blotti contre la Major, par une villa des hauteurs (celle du général Aoun ou celle de Tapie ?), dominant la mer. Ce choix va entraîner un flot de demandes de mutation de la part de policiers aussi septentrionaux que naïfs !

Ce qui est amusant, en la circonstance, est que cette vue idyllique et radieuse de Marseille est proposée à la France, au moment même où des dizaines de tonnes d'ordures encombrent et surtout empuantissent, depuis deux ou trois semaines, les rues de la ville. Marseille est devenu un immense « murodrome » (terrain de courses pour rats), audacieuse innovation lexicale de ma part, à ne pas confondre toutefois avec un « mirodrome » (le seul terme authentiquement francophone pour « peep-show ») où ne se produisent que des souris ! C'est ce qui m'a conduit à faire ce mauvais jeu de mots dont je pense livrer ici la 129e édition, "Poubelle la ville », avec un « à peu près » « Plus belle la vie » titre du second feuilleton qui fait la gloire actuelle de Marseille. À croire que la municipalité subventionne désormais France-Télévision pour faire sa publicité par les feuilletons télévisés.

Mais venons-en à mon propos central qui peut s'intituler « Les mystères de Marseille », après « Les mystères de Paris »,. Car on ne vous dit pas tout sur les événements sociaux qui se déroulent dans cette belle ville et qui, s’ils sont actuellement souvent évoqués, ne sont, en revanche, jamais véritablement expliqués car ils sont très loin d'y constituer des nouveautés et font, au contraire, partie du folklore social et économique local.

Prenons le cas des éboueurs, dont les grèves périodiques, raniment la vieille rivalité entre Naples et Marseille en matière de drogue comme d’ordures. On peut voir sur internet une vidéo où un éboueur marseillais explique jovialement pourquoi, pendant leurs grèves, on ne retient aux grévistes qu’un seul jour de salaire sur trois journées d'arrêt de travail: un jour, c’est le chauffeur du camion qui est le seul gréviste; les autres ne le sont pas mais ne peuvent naturellement pas travailler; le lendemain sont en grève ceux qui ramassent les poubelles; le jour suivant, c’est le responsable du secteur, et ainsi de suite!

On y évoque aussi le système provençal du nettoyage urbain, bien connu à Marseille comme à Aix-en-Provence. On le nomme localement le « fini-parti » ; pas d’horaire fixe et contrôlé, même si la durée du travail quotidien est, en principe, de 7 heures 30 ; chacun part quand il a fini la tâche qui lui est, en principe, assignée. Le système ne favorise pas, on s’en doute, le fignolage. On s’arrange, entre soi, pour terminer le ramassage vers 12 ou 13 heures . On peut ainsi, selon les cas, faire la sieste ou aller à son deuxième petit boulot, au noir bien sûr.

Le cas du personnel du port de Marseille est encore plus susceptible de provoquer la stupeur admirative des non- Marseillais. La Chambre de commerce locale, en désespoir de cause, a récemment publié, dans la presse parisienne, sous forme d'une blague d'offre d'emploi, la rémunération et les conditions de travail des dockers marseillais. La présentation était drôle ; il s'agissait d'une proposition d'embauche (4000 € par mois pour 18 heures de travail par semaine) mais elle avait l'inconvénient de faire croire justement qu'il s'agissait d'une plaisanterie, alors que ce n'est que le pure et simple réalité. La CGT a donc eu beau jeu de protester, en disant que le salaire mensuel MOYEN d'un docker marseillais n'est que de 2500 €. La CGT jouait ici sur les mots puisque le personnel que visait la pseudo offre d'emploi était les 36 « portiqueurs » du port, dont la grève suffisait à bloquer l'ensemble de l'activité portuaire (cf. plus haut, le système des éboueurs, qui est aussi, par ailleurs, celui des « cantinières » marseillaises, en grève depuis des samaines, mais seulement, à l’heure des repas, c’est-à-dire seulement UNE HEURE PAR JOUR !

En fait, un « portiqueur » perçoit effectvement 4500 € bruts par mois pour 18 heures de travail hebdomadaire. Ajoutons à ces détails que leur grève était motivée au départ, non par le texte sur les retraites, mais par la réforme portuaire. Les dits portiqueurs en avaient toutefois profité pour demander, au passage, 500 € mensuels d'augmentation et le passage de 18 heures à 12:heures de travail hebdomadaire !

Ajoutons pour la question de la pénibilité du travail que, contrairement à ce qu'on peut penser, ces braves gens ne transportent pas les containers sur leur dos et que le maniement d’une grue ou d'un portique s'apparente assez à la manipulation d’une PlayStation. Ce métier de dockers est en outre si mal payé et si pénible que l’une des vieilles exigences de cette corporation est que les recrutements y soient prioritairement sinon exclusivement réservés aux enfants de dockers ! Cela dit, ça paye, puisque le gouvernement Fillon, en pleine crise, a pris, il y a une dizaine de jours, une disposition DEROGATOIRE pour maintenir le régime spécial de la retraite à 55 ans (10.000 actifs pour 20.000 retraités!)

On se plaint du manque d'emplois à Marseille, mais de tels exemples font comprendre pourquoi ils sont évidemment très convoités.

Postscriptum : dernières nouvelles du front des ordures marseillaises : les éboueurs demandent à être payés en heures supplémentaires pour effectuer le travail de nuit afin d’accélérer le ramassage des ordures. Une suggestion : ne plus ramasser les ordures de jour mais la nuit...en heures sup.!

2 commentaires:

Expat a dit…

Cher Usbek,
voilà un billet fort instructif.
Je me demande pourquoi un metteur en scène ne saute pas sur cette réalité que vous décrivez si bien pour en faire une série télévisée. Quoique là on entrerait plus dans le genre documentaire que fiction. Mais juste pour ceux qui connaissent.
A l'étranger, sauf peut-être en Italie, ça devrait faire un tabac en tant que fiction tellement ça parait incroyable. C'est digne d'un Mel Brooks.

Anonyme a dit…

bonsoir Usbeck
Moi j'ai trés mauvais esprit, tout le monde le sait
a qui profitent ces deux crimes , l'un sanitaire, l'autre économique?
Et qui se répètent
Et même si pour noyer le poisson on a cité les éboueurs de Lille ou Limoge (je ne sais plus)
Peut être qu'une marina au large serait plus rentable
Peut être que torpiller Gaudin à coup de poubelles....
La marina ça doit séduire depuis longtemps
Sacrifici, prime à l'arrachage d'une association de préretraîtés