Complaisance et servilité sont les maîtres-mots de la presse française .
Cette situation, si différente de celle de la presse anglo-saxonne, mériterait sans doute une étude plus étendue et plus sérieuse, car les causes sont vraisemblablement multiples. L'une d'entre elles tient sans doute à sa structure financière et à l'importance de la publicité qui fait que aucun des clients de quelque organe de presse que ce soit ne saurait être l'objet de la moindre critique. La publicité est véritablement, à cet égard, le cancer de la presse, tant écrite qu'audiovisuelle et, là aussi, des études sérieuses seraient à conduire car il me semble que le coût global de la publicité est très supérieur à ce qu'elle peut apporter sur le plan de l'activité commerciale. Sans compter, parmi communicateurs et publicitaires, le nombre de crétins pompeux, le pif bourré à la cocaïne, qu'elle conduit entretenir et qui, pour certains, encombrent, en outre, les antennes et écrans.
Ce n'est toutefois pas mon propos ; il tient plutôt à des faits précis et récents qui démontrent, une fois de plus, la complaisance et même la servilité de la plupart de nos journalistes.
Le premier est la fameuse affaire du "vrai travail". Depuis que Nicolas Sarkozy a publiquement et solennellement déclaré n'avoir jamais prononcé ces termes, tous les écrans ont été soudain encombrés, en boucle, de films qui nous présentaient, sous forme d'un pittoresque diptyque par justaposition des images, d'une part la déclaration de Nicolas Sarkozy elle-même où il évoquait le 1er mai et le "vrai travail" et d'autre part, dans la seconde partie du diptyque, l'affirmation selon laquelle il osait prétendre qu'il n'avait jamais prononcé cette expression.
Aujourd'hui on pourrait remplacer ce diptyque par un triptyque, en ajoutant à ses dénégations sur la véracité de cette information, ses plus récentes déclarations selon lesquelles il reconnaît que cette formulation était inopportune. Comment une déclaration qui n'a jamais été faite pourrait-elle être inopportune?
Naturellement personne, dans une interview sur cette question, n'a signalé ni son mensonge ni sa contradiction. Je suppose, en revanche, que, dès sa défaite consommée, les journalistes en cause vont retrouver toute leur alacrité !
Deuxième lâcheté et complaisance sur la question du chômage qui continue, chez nous, son bonhomme de chemin puisque, pour les jeunes et les seniors, il augmente régulièrement, depuis un an, d'un pour cent par an.
Les stratèges en communication de l'Élysée continuent, à cet égard, à recommander un pauvre argument, déjà répété cent fois, qui consiste dans la comparaison avec l'Espagne où le chômage aurait augmenté de 150 ou 200 % (peu importe ici le pourcentage).
Cet argument est répété à l'infini, mais naturellement aucun des journalistes auxquels il est opposé ne souligne une évidence. Si le chômage a augmenté dans de telles proportions en Espagne, de façon certes bien supérieure à son accroissement en France, mais également en Italie ou au Royaume-Uni (on évite naturellement de parler de l'Allemagne), c'est aussi tout simplement et surtout en raison de la structure très particulière de l'emploi espagnol.
Jusqu'à une date récente les travailleurs espagnols se refusaient absolument à travailler dans les champs et les vergers de l'Andalousie où il fallait faire venir des ouvriers maghrébins. Les Espagnols étaient employés, essentiellement et de la façon la plus massive, dans la construction. L'effondrement brutal du total du marché immobilier espagnol a évidemment mis au chômage un énorme pourcentage de travailleurs nationaux. La différence de pourcentage de chômeurs entre la France et l'Espagne ne tient donc en rien, comme tentent nous en persuader les "experts" élyséens, à l'excellente qualité de la politique de l'emploi en France (j'entendais encore ce matin cette sottise), mais tout simplement à l'énorme différence entre la structure et la nature du marché du travail dans les deux pays. Si lamentable que soit la situation de l'emploi en France, elle n'a toutefois pas connu le désastre, soudain et total, qui a frappé l'Espagne où le marché immobilier et par conséquent l'activité de construction ont disparu avec la plus grande brutalité.
Nos journalistes sont-ils ignorants ou serviles ? Je pense assez volontiers qu'ils sont les deux en même temps. Ils se comportent, assez sottement, vis-à-vis de ceux qu'ils ont pour fonction d'interviewer, sans même se rendre compte que leurs interlocuteurs sont précisément en position inférieure de demandeurs, soit pour faire leur propre publicité ou celle de leur parti s'il s'agit d'hommes politiques, soit pour vendre leurs livres, ce qui est le cas de la plupart des prétendus "experts" qu'on présente dans nos radios ou dans nos télévisions.
2 commentaires:
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Un nouveau billet à la fois précis et percutant sur les compromissions et les petits arrangements entre amis: politiques ou économistes et médias, experts incontournables et médias, publicistes et médias etc...
Alors comment l'évaluer "intéressant" ou "passionnant"?
Disons simplement qu'entre tous les billets d'humeur de la presse quotidienne, c'est par une pertinence impertinente que se signale la plume d'Usbek
E.C.
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