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jeudi 8 mai 2014

De Mariani à Snowden


Dans un « tweet », vivement critiqué par la gauche, mercredi 7 mai, le vice-président de l'UMP, Thierry Mariani, affirme que l'enlèvement de deux cent cinquante jeunes Nigérianes par Boko Haram, qui menace de les vendre comme « esclaves », doit déculpabiliser l'Occident quant à l'esclavage. En voici le texte : « L'enlèvement par la secte Boko Haram rappelle que l'Afrique n'a pas attendu l'Occident pour pratiquer l'esclavage # Déculpabilisation». Devant le tollé, dans un communiqué, Thierry Mariani précise, ce qui devrait sembler évident à quiconque connaît, si peu que ce soit, l’histoire de l’esclavage africain :  « Ma réaction sur Twitter est simplement le rappel d'une vérité historique. En effet, l'esclavage en Afrique est une pratique qui remonte bien avant l'arrivée des Occidentaux. ».

Alors que j'étais fermement décidé à me mettre en vacances de mon blog pour ce 8 mai, voici que, comme souvent, l'actualité me poursuit jusqu'au fond de ma thébaïde et me provoque sur un terrain que je connais bien !

L'affaire de l’enlèvement des collégiennes nigérianes, quoique quasi banale dans cet Etat, a provoqué, après des semaines de silence de nos médias auxquelles ont mis un terme les provocations d’un dirigeant de la secte manifestement bourré de cannabis, un flot de sottises qui me semble encore pire que ce qu'on peut entendre d'habitude. Il est vrai que j'ai eu la faiblesse, ce matin d’entendre sinon d'écouter RMC, la radio des « bignoles » où le « Président Maillot » (… président de je ne sais quoi après sa funeste aventure de Nouvelles Frontières) et la marchande à la sauvette qui n'est là que pour faire la promotion de son commerce de cigarette électronique, se soient disputés l'honneur de dire la plus grosse bêtise sur l'affaire, le tout pour 250 euros par séance (plus les frais !).

J’avais auparavant entendu notre ministre de la défense, Monsieur Le Drian qui (le pauvre, on venait juste, le jour même, de lui déquiller un légionnaire au Nord Mali !) avait eu la sagesse de se montrer plus discret sur la nature et le caractère de l'intervention que nous envisageons dans ce pays, dont on semble oublier quelquefois la surface (près de deux fois la France)  et la population (170 millions de Nigérians à la louche !). La seule chance de ce malheureux pays, aux immenses richesses naturelles dont les profits quittent le pays, est qu'il a un président qui s'appelle Goodluck (= « bonne chance » en anglais pour ceux qui ne sont pas familiers de cette langue) qui envisage avec beaucoup d'optimisme sa prochaine réélection. L’Etat regroupe pour son malheur des Haoussas (musulmans) et des Yorubas (Chrétiens : catholiques, évangélistes, etc.) qui ne s’entendent guère, les premiers ayant instauré la charia dans leurs zones. De là des conflits qui tournent souvent aux massacrPour en revenir au « tweet » de M. Mariani, il a déclenché une fureur de toute la gauche qui tient surtout à ce que les Français, s’ils ignorent la géographie ne connaissent pas davantage l'histoire. Je pense que la réaction de Monsieur Mariani (que je ne connais pas et pour lequel je n'ai pas la moindre sympathie par ailleurs) a été suscitée par les débats qui, il y a quelque temps encore, ont marqué la « repentance »  de l'esclavage colonial français. La moindre connaissance de l'histoire de l'esclavage montre pourtant, et sur ce point Monsieur Mariani a parfaitement raison, que l'esclavage existait en Afrique bien avant que le premier européen y mette le pied, qu'il y ait été longtemps avant organisé et « industrialisé » en quelque sorte par les Arabes. Lorsque les Européens sont arrivés bien plus tard encore, ils n'ont eu qu'à s'inscrire, avec la complicité des Africains, dans ce système commercial qui existait et fonctionnait bien avant leur venue.

Il faudrait rajouter que cet esclavage existe encore à l'état de traces dans bon nombre de pays (dont le Mali d'ailleurs) et qu'il n'a été que très récemment supprimé, en principe au moins, dans d'autres Etats comme la Mauritanie ; les émirats moyen-orientaux lui ont donné des formes nouvelles, dont la plus et la plus courante est d'exploiter comme des esclaves les travailleurs venus de l'Asie, en leur retirant leurs passeports pour prévenir toute tentative de fuite. Monsieur Mariani, sur le fond, a donc parfaitement raison.

Venons-en maintenant à mon étrange titre ; la transition est facile puisque, on l’a vu récemment, un des dirigeants de cette secte affirmait qu'on avait enlevé ces 250 élèves pour les donner comme épouses à certains de ses sbires ou pour les vendre comme esclaves.  À titre indicatif, pour ceux mes lecteurs qui seraient intéressés, le tarif s'établit entre 10 et 15 dollars par tête ! Il y a probablement là un des modes d'alimentation du circuit international  de la prostitution nigériane, tant en Amérique du Nord qu'en Europe car ce circuit est extrêmement actif.

La stupidité en la circonstance est de s’imaginer s'imaginait que les 200 ou 220 jeunes filles (entre 10 et 15 ans) sont réunies en colonie de vacances quelque part au Nigéria ; les intervenants de nos radios et télés sont assez stupides pour imaginer qu'il est impossible de les garder quelque part ensemble, ne serait-ce que pour des problèmes d'alimentation, surtout en eau, la saison sèche ayant commencé là-bas ; les propos qu'on entend sur nos médias sont en général totalement inconsidérés, quand ils ne sont pas parfaitement stupides. Notre ministre de la défense a la sagesse et la prudence de ne pas s'avancer sur ce terrain. Il laisse entendre que l’intervention française serait surtout celle de nos services secrets et de leurs grandes oreilles qui sont en mesure de surprendre les conversations téléphoniques des portables des dirigeants ou des intermédiaires de Boko Haram. Cela ne peut pas conduire à grand-chose vu les conditions locales, mais cela permet, une fois de plus, les rodomontades ministérielles et des simulacres d'interventions.

Curieusement, ce rôle de nos services secrets dans les écoutes et les interceptions de communications est souligné, au moment même où est venue sur le tapis, avec l’affaire Qosmos, l'idée saugrenue de moraliser notre industrie de pointe en ce domaine, alors que c'est une des rares domaines technologique modernes, dans lesquelles nous avons pourtant quelques résultats et qui est inscrit dans les programmes d'avenir que l’Etat promeut, soutient et finance.

Mais je suis déjà bien long et j'en parlerai une autre fois.

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