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vendredi 16 mai 2014

Écotaxe, écoredevance ou éco-redevance ?


Le 19 novembre 2013 a été mise en place, à l’Assemblée nationale par la Conférence des présidents, une mission d'information sur « l'écotaxe » poids lourds qui fut à l'origine d'un certain nombre de troubles l'ordre public, dont les plus notables ont été la destruction des portiques par les « bonnets rouges » bretons.

Cette affaire a peu à peu conduit à découvrir son étrange organisation et surtout cette mystérieuse société internationale Écomouv (derrière laquelle était entre autres le groupe italien Benetton) qui s’était vue attribuer ce marché et surtout offrir des conditions léonines, dignes de nos anciens fermiers généraux, pour la perception de ces écotaxes. Ils bénéficiaient sur ces recettes d’un pourcentage de près de 20 %, ce qui était jugé, par tous les experts, tout à fait exorbitant. Un voile pudique a été désormais jeté sur cette affaire. Comme souvent, on a préféré tout reprendre en créant, comme on dit aujourd'hui, un « think tank » constitué par une « mission d'information ». Cette commission s'est donnée pour rapporteur-président (le cumul de ces fonctions s’explique par le refus de l’UMP d’assumer la fonction présidentielle) le 4 décembre 2013, le député PS Monsieur Jean-Paul Chanteguet, dont le patronyme est, en lui-même, tout un programme optimiste sur les résultats des travaux de cette commission !

J'ai essayé de me renseigner quelque peu sur le fonctionnement  des commissions parlementaires et en particulier sur leur coût (essentiel en ce moment et, comme on va le voir, vu leurs résultats !) ; c'est un point que tous les documents que j'ai pu consulter jugent sans doute inconvenant et ne mentionnent même pas, puisque je n'ai rien trouvé à ce sujet, même si on peut  par ailleurs trouver une infinité de renseignements de tous ordres sur le fonctionnement de ces commissions. Je crois néanmoins que ces instances doivent disposer d’un budget conséquent, puisque non seulement elles peuvent procéder, des mois durant, à toutes les auditions qu'elles souhaitent, mais qu'elles sont même en mesure de se déplacer où elles le désirent, en France comme à l'étranger.
Bref, comme d'habitude, quand on aime on ne compte pas ! Si l’on ne sait pas le coût de cette mission, on est en revanche informé dans le plus grand détail sur les auditions auxquelles elle a procédé, dont un certain nombre ont d'ailleurs été ouvertes à la presse, les autres ne l’étant pas sans qu’on voie bien pourquoi.

J'observe à lire ce calendrier des auditions que l'une des dernières, sans doute la principale, (audition qui n'était pas ouverte à la presse !) a été celle de Madame Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui a été entendue le 30 avril 2014 à 11h30. Je reviendrai sur ce point.

Le rapport de la mission d'information sur « l’écotaxe poids lourds », numéro 1937, a été déposé le 14 mai 2014 par Monsieur Jean-Paul Chanteguet. Je vous épargne le détail des treize mesures qui permettraient d'aménager un système jugé  "indispensable au développement des infrastructures de transport" (et surtout en raison des contraintes léonines du contrat signé sous Sarkozy !), et dans lequel "l'État est massivement engagé". La principale de ces mesure est, de façon inattendue, d'ordre … lexical.

Suite au constat que l'abandon de l'écotaxe n'est pas « envisageable », on s'est borné à en changer le nom, proposant de la renommer « éco redevance poids lourds » (Il va falloir absolument régler le problème essentiel du trait d’union !). La commission juge que, de cette façon on « légitime le dispositif » en lui donnant enfin « une dénomination conforme à ses fondements » ( Sens SVP ? ?? !!! ???). La principale erreur du premier état du projet tient à ce mauvais choix lexical. L’absence de problème en Italie ou en Allemagne s’explique de toute évidence par ce détail, en revanche capital chez nous !

Le raisonnement paraît un peu étrange mais ce changement lexical, sur lequel insiste beaucoup le texte du rapport, est le principal argument. C’est le seul en tout cas qui a fait l’unanimité et n’a pas donné lieu, semble-t-il, à des affrontements assez vifs entre la commission et son président-rapporteur et Madame Royal qui avait suggéré, pour le reste, d'autres solutions, dont la contribution des sociétés autoroutières et la possibilité de taxer les camions étrangers traversant le territoire français.

Les réactions de Monsieur Jean-Paul Chanteguet ont été très vives sur ces points ; elles peuvent se résumer dans l’une de ses très rudes formules « Le sentiment que j'ai eu est que Madame la ministre ne connaissait pas le dossier et ignorait la réglementation européenne ». Bigre ! Bonjour l'ambiance ! Mieux valait en effet ne pas inviter la presse pour la clôture !

La querelle ne s'est pas interrompue pour autant, puisque si la mission et son président-rapporteur partent du principe que « l'éco redevance » va être appliquée, Ségolène Royal demeure d'un avis contraire, comme elle l'a encore déclaré dans sa récente et tonitruante interview à Paris-Match.
Somme toute, les six mois de réflexion de la commission ont accouché d'une souris lexicale ; on serait tenté de conclure « comme souvent » ; toutefois puisque c’est aujourd’hui la « journée de l’optimisme », considérons que ce « think tank » n’est qu’un « thin tank » dont la minceur même fait que le contenu ne peut être que modeste !

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