Un conseil : ne commencez pas votre semaine en écoutant les radios du matin ! Sur toutes les chaînes, en cette matinée du lundi 22 novembre 2010, l'information que nous distillent à l’envi toutes les radios est l'affaire dite désormais dite de Karachi, vieille de près de dix ans et depuis longtemps à peu près triviale. Néanmoins, grand concours d'erreurs et de sottises comme d'habitude.
La première et la plus évidente est l'usage généralisé des allusions aux « rétro-commissions » qui, nous dit-on, auraient, faute d’être payées, provoqué l'attentat de Karachi, en 2002. On ne voit pourtant guère pourquoi les méchants Pakistanais auraient fait sauter le bus transportant les ingénieurs français de l’armement parce que les partis politiques français n'étaient plus financés par des « rétro- commissions » versées, en fait, par des Pakistanais eux-mêmes , sur les « commissions » (qui n’avaient rien de « rétro ») que la France versait ou aurait dû verser au Pakistan. On confond donc allègrement (et, par là, on induit en erreur les pauvres auditeurs français) les » commissions » que la France devait verser au Pakistan qui lui avait acheté des navires avec les « rétro-commissions » que les Pakistanais eux-mêmes devaient reverser sur ces commissions aux Français et qui servaient, en principe du moins, à financer divers hommes et/ou partis politiques français.
Les rétro-commissions elles-mêmes n’ont donc rigoureusement rien à voir dans cette affaire d'attentat; ce sont évidemment les seules commissions qui sont en cause. Si la pratique des commissions est courante dans le domaine et de fait relativement innocente puisqu’elle était même reconnue et tolérée, celle des rétro-commissions, purement franco-française, est des plus scandaleuses et devrait entraîner les plus lourdes sanctions contre les bénéficiaires, car il s’agit d’un vol pur et simple prémédité au plus haut niveau au détriment de l’Etat français !
On nous embrouille aussi sur les dates, en nous disant que c'est Chirac qui a supprimé les commissions en 1995 (sans préciser de façon plus nette la date exacte), suite à son conflit avec Édouard Balladur à l'occasion de la présidentielle de 1995. On se souvient que ce dernier, dont la campagne était conduite par Nicolas Sarkozy, avait obtenu plus de 18 % des voix, sans pouvoir toutefois battre Chirac lors de ce premier tour. Lorsque Chirac devient président l’affaire electorale est donc close et Balladur donc Sarkozy ne sont plus dans la course. C'est Juppé qui est alors Premier Ministre pour deux ans. Si effectivement Chirac s'en prend alors aux fameuses commissions, ce n'est donc pas pour empêcher Balladur de financer sa campagne électorale puisqu'elle est déjà fâcheusement terminée pour lui. Je ne sais donc pas à quelle date exacte les commissions ont été supprimées ou ont cessé d'être versées à l'initiative de Chirac, mais, en tout cas, si c'est, sur l'année 1995, ce ne peut être que durant le deuxième semestre puisque, dans le début de cette même année,c'était encore Mitterrand qui était président de la république.
Dernier aspect. Même si les « retro-commissions » n'ont rien à voir dans tout cela ; il serait cependant fort intéressant de savoir à combien elles s'élevaient, qui les a perçues et ce qu’elles sont devenues. Il faut observer, en outre en effet, que six ans se sont déroulées avant l'attentat de Karachi, ce qui est un peu long, même si l’on peut noter que ce sont des ingénieurs français de l’armement qui étaient visés. Toutefois, dans le climat et dans la situation du Pakistan, il est assez difficile d'y voir clair et, en l'état actuel de ce que nous savons, il est probable mais non établi que l'attentat est directement lié au non-paiement des commissions.
Ce qui est sûr en tout cas c’est qu'il y a là DEUX affaires très clairement distinctes, alors qu’on les réunit dans un salmigondis d'informations, peut-etre moins innocent qu’on pourrait le croire.
La première est l'interruption (à un stade n'est pas davantage précisé, même s’il est essentiel) du paiement des commissions promises aux Pakistanais.
La seconde qui est la question des rétro-commissions qui est un problème politique français purement interne, car, bien entendu, une telle procédure est, dès l’origine et dans le principe, tout à fait scandaleuse et devrait attirer sur les bénéficiaires avérés les plus lourdes sanctions !
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1 commentaire:
Mon cher Usbek, je vous retrouve, fringant et piaffant.
Votre billet était indispensable pour la compréhension du problème du racket+commissions des U-Boat bradés.
J'ai déjà rencontré deux fois, professionnellement, des cas "d'assistance à la résolution de mes problèmes administratifs" dans des contextes tels qu'ils démontraient que la pratique était "normale" et que la Haute Administration était mouillée jusqu'à l'os. Mais devoir de réserve oblige ....
J'ai eu un collègue travaillant dans l'aéronautique et dont une des occupations était de gérer LE carnet des bonnes adresses à utiliser pour le confort des bons clients. Moi-même, j'ai réussi à échapper aux accompagnements des visites "touristiques" de clients du golfe persique et de la péninsule d'à côté. Mais cette "petite" corruption n'est qu'une amusette convenue et pratiquée dans le monde entier .....
Portez-vous bien
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