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samedi 14 juillet 2012

Les Universités françaises les meilleures du monde ?

Dans le climat général d'amnésie, se souvient-on encore de la conférence de presse de Nicolas Sarkozy qui, si ses promesses s'étaient réalisées, aurait bien mérité son titre de Président-Magicien ? Le Président y déclarait sans rire qu'avec les 11 milliards du "grand emprunt", la France aurait les meilleures universités du monde. J'en avais fait un blog et l'un de mes fidèles lecteurs m'avait envoyé le commentaire suivant que je ne prendrai même pas la peine d'actualiser tant les chiffres sont significatifs.
"Pour bien m'assurer qu'il divaguait quelque peu [nous avons frôlé là le procès en diffamation], je suis allé voir, sur leurs sites Internet, ce qu'il en était des universités de Californie, Stanford en particulier, et de celle d'Harvard :.
Stanford : 18.000 étudiants (je pense que Sarko entend par « taille critique » des universités de plus de 50 000 étudiants) ;  budget consolidé :3,7 milliards de dollars pour 2009-2010 (dont 53% pour les salaires; mais il en reste pas mal pour tout le reste); en 2007-2008, Stanford a "levé", comme disent les spécialistes, 785 millions de dollars apportés par 72.217  donateurs.
Université de Californie à San Diego : 27.500 étudiants ;  budget : 2,4 milliards de dollars  dont, en 2007, 714 millions affectés à la recherche.
Harvard : 25.000 étudiants, 2497 professeurs ; dotation : 34,7 milliards de dollars en 2007 qui génèrent 560 millions d'intérêts par an. Il est vrai que les  frais d’inscription se situent entre 22.000 et 50.000 dollars.
[...]
Pour chacun des dix campus d'élite prévus en France [car les 75 universités françaises ne seront pas concernées !], si elles se partagent équitablement les 11 milliards et les capitalisent, sans en faire quoi que ce soit d’autre, les intérêts générés ne dépasseront pas 40 millions d'euros. »
Quand on songe au battage qu'on a fait à propos de cette loi, dite Pécresse, sur l'autonomie des universités qui serait le grand succès du mandat de Nicolas Sarkozy, on ne peut s'empêcher de se demander quel jugement il faut porter sur le reste !

On le constate d'ailleurs dès maintenant quand on voit la situation financière de la plupart des universités françaises, y compris celles qui sont censées avoir été les lauréates et les bénéficiaires majeures de cette loi.

Comme le soulignait mon commentateur, on met toujours en avant les 11 milliards d'euros d'entendre, sans préciser que ce dont disposent les universités pour mettre en place cette fabuleuse réforme, n'est constitué que par les intérêts, soit, comme le souligne le texte cité, une quarantaine de millions d'euros. Ajoutons que lorsqu'on voit par qui et comment ont été faits les choix des universités qui doivent en être les bénéficiaires, on ne peut que s'interroger, même si cette démarche n'est pas vraiment nécessaire quand on examine de plus près les conditions de cette répartition (on peut bien sûr faire une lecture POLITIQUE de toute cette affaire!).

Il est certain que ces erreurs reposent, pour une bonne part, sur l'ignorance à la fois du fonctionnement réel du système français mais surtout de l'université des États-Unis qui a manifestement servi de modèle. Il y a trois ans une université d'État de l'Illinois, Champaign, a ainsi levé 1 milliard de dollars auprès de ses "alumni" c'est-à-dire de ses anciens étudiants (en latin "nourissons"). Cette circonstance est un détail capital, car, aux États-Unis, il existe un très grand attachement à l'université d'où l'on est originaire, sentiment qui n'existe absolument pas en France. On le trouve éventuellement pour certaines grandes écoles, mais jamais pour l'université. En revanche, toute grande université américaine organise chaque année une journée de fêtes, sportives en particulier, où se réunit une bonne partie des anciens étudiants de l'établissement. Elle se marque par des festivités et, faut-il le dire aussi, souvent, par des collectes de fonds.

Rien de tel en France et le système des fondations sottement mis en place est totalement inadapté ; à ma connaissance, aucune des fondations universitaires françaises ne s'est vue véritablement alimentée par ses anciens étudiants ; la seule exception serait la Fondation HEC ce qui confirme ma remarque car HEC n'est pas une université mais une grande école.

Cette loi sur la prétendue autonomie des universités est donc une erreur et surtout une vaste blague ; elle a permis à la fois de gonfler, mais en apparence seulement, les budgets des universités en y adjoignant les crédits permettant de payer le personnel (bien entendu pré-affectés et incompressibles), mais surtout de satisfaire les voeux absurdes des présidents d'université ce qui a permis de se les gagner et ainsi de faire passer le texte.

Mieux encore l'ignorance crasse de ceux qui l'ont rédigé est telle qu'ils n'ont apparemment pas songé que, dans les frais de personnel qui étaient désormais gérés par l'université, il aurait fallu inclure des augmentations quasi automatiques qui tiennent aux changements d'échelon et aux promotions des enseignants. De ce fait non seulement ces crédits sont incompressibles, mais ils ne permettent pas, en général, de faire face aux dépenses qui, statutairement, augmentent inévitablement chaque année pour les raisons que je viens d'évoquer.

Autre bévue ou ignorance majeures des auteurs de cette loi : l'obsession qu'ils ont eue de la prise en compte du fameux classement de Shanghai qui non seulement est très discutable mais qui a été très mal compris. On a fait preuve d'une véritable obsession quant au nombre d'étudiants, alors que les meilleurs établissements du monde ont rarement plus de 25.000 étudiants (cf. supra)! Pour prendre un exemple précis et actuel qui est celui des universités d'Aix-Marseille. On a réuni les trois universités en une seule dont le nombre d'étudiants va probablement dépasser les 50 ou 60 000 à la rentrée 2012, sans que cela ait le moindre sens, puisque se trouve maintenue, en même temps, l'existence, à Marseille, de trois facultés de sciences (Saint-Charles, Saint Jérôme et Luminy). Il y là une absurdité politico-historique qui est d'abord et surtout un gouffre financier. Par ailleurs comme toujours, on s'est borné à ajouter une assiette sur la pile, en augmentant inévitablement par là les frais de fonctionnement qui se trouvent par ailleurs alourdis et rendus plus coûteux par des circulations internes supplémentaires, chacun entendant bien garder son pré carré.

Tout cela est absurde ; le pire est toutefois peut-être, dans cette loi, la satisfaction aberrante des revendications égoïstes de la conférence des présidents d'université ; tous voulaient, d'abord et surtout, le droit d'exercer un second mandat, ce qui ne fera inévitablement augmenter encore le clientélisme, d'autant qu'on leur a donné aussi, du même coup, la maîtrise quasi totale des recrutements!

Cette loi est l'une des choses les plus absurdes qu'on pouvait imaginer et l'on va sans doute devoir réformer, une fois de plus. Mais comme disait ma bonne grand-mère : " Faire et défaire, c'est toujours travailler !".

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