" La mystique républicaine, c’était quand on mourait pour la République, la politique républicaine, c’est à présent qu’on en vit.". La formule de Péguy (dans Notre jeunesse) est, comme bien d'autres, percutante. Au risque de me "brouiller avec la République", comme dit Prusias dans le Nicomède du Père Corneille, je rappellerai aussi un autre mot de Péguy qu'on applique parfois, par extension, au socialisme et à Jaurès avec lequel il romp des lances vers 1905 : « Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains » (Victor-Marie, comte Hugo).
Pour citer un autre témoin beaucoup moins illustre, je me souviens qu'Antoine Pinay (le père du nouveau franc) observait, non sans justesse, qu'autrefois on ne s'enrichissait pas dans la politique. Ce devraient être toujours le cas (mais on ne vérifie guère l'évolution des patrimoines), du moins si l'on en croit les déclarations de nos hommes politiques ; leurs indemnités officielles, même en cas de cumul (nous ne sommes plus au temps de Lecanuet qui fut, un moment, le recordman de France en la matière) ne peuvent plus désormais dépasser, pour les indemnités légales proprement dites, le seuil de 50 % au-dessus de l'indemnité parlementaire ; souvent elles ne sont que la partie émergée de l'iceberg des rémunérations ou mieux des profits des politiques. Je ne pense pas tant ici aux avantages en nature, modestes en somme, comme la carte de libre circulation SNCF ou les prêts à taux très réduits mais plutôt aux sommes, non imposables, qui sont allouées, en principe, pour l'exercice de la fonction et sur l'usage desquelles on ne se montre pas trop regardant. À cet égard il semble qu'il vaille mieux être député à Strasbourg qu'à l'assemblée nationale, même si par ailleurs la fonction de maire, qui accompagne souvent celle de député, peut ouvrir la source à bien d'autres rémunérations de natures extrêmement diverses.
À cet égard, les gestes symboliques du Président de la République et des ministres sont sans doute une bonne chose, au moins sur le plan de la communication et des principes, même si les incidences budgétaires seront, sans aucun doute, très modestes. En effet, c'est ailleurs qu'il faudrait porter le fer, me semble-t-il, car le train de vie d'État supporte des charges qui, pour être moins importantes et visibles, sont infiniment plus nombreuses et, par là même, infiniment plus coûteuses.
Je me souviens des confidences d'un ami qui, au hasard de quelque remaniement, était devenu modeste conseiller dans je ne sais quel cabinet ministériel ; nouveau dans la fonction, il avait été stupéfait du changement intervenu soudain, de ce fait, dans sa vie quotidienne. Il s'agissait moins en fait de revenu proprement dit (les crédits qui sont alloués à un ministre pour les compléments de rémunération des membres de son cabinet sont distribuées de façon extrêmement diverse et certains ministres ont toujours été connus pour s'en réserver l'usage quasi exclusif, suivez mon regard du côté de la rue de Valois !) que de ce qu'on pourrait appeler des avantages quotidiens. Ils vont du non-paiement des contraventions (et donc de la possibilité de stationner à Paris à peu près n'importe où) à des accueils luxueux et gratuits dans tous les déplacements en province ou à l'étranger (logements en préfecture ou à l'ambassade, voiture à disposition, etc.). Je dois ajouter que, si grand qu'ait été, au départ, son émerveillement, il a très rapidement pris l'habitude de la chose et au bout de quelques semaines il la trouvait normale voire parfois même un peu insuffisante.
Si la réduction du traitement des hauts personnages de l'État est une bonne chose (qu'on vienne pas me chicaner sur le mot traitement), l'entretien sur un pied extravagant (2 millions d'euros par an à la louche) des anciens Présidents de la République (de plus en plus nombreux) est une folie à laquelle il faudrait le plus rapidement possible mettre un terme, la mort ne semblant plus s'en charger, en prenant tout simplement exemple sur les autres Etats ou un tel traitement n'est nullement réservé aux personnalités de cette nature. On ne peut, en effet, sur ce point, espérer les voir se comporter comme un De Gaulle !
Comme dit la sagesse populaire : " Il n'y a pas de petites économies" ; comme les petites économies que l'on pourrait faire en la matière sont infiniment plus nombreuses que les grosses auxquelles on a bien du mal à se résoudre, elles amèneraient, à terme et par leur masse même, des économies budgétaires infiniment plus importantes, selon le même principe qui conduit à faire payer les riches plutôt que les pauvres car ces derniers sont de très loin les plus nombreux.
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