Depuis le bon docteur Sigmund, on sait à quel point les lapsus peuvent être révélateurs de faits ou de pensées qu'on souhaiterait tant cacher que la première occasion est bonne pour les faire apparaître au grand jour dans nos propos.
Comme si les fêtes qui approchent étaient une période favorable à ces petits cadeaux que les interviewés font aux journalistes qui les interrogent, on a eu droit, ces derniers temps, à vrai concert de lapsus, tous plus réussis les uns que les autres.
La farandole freudienne a commencé avec la fellation/inflation de Rachida Dati ; elle a continué avec quelques autres lapsus, moins hilarants comme ceux de Luc Chatel ou de Brice Hortefeux, et s'est poursuivie, en beauté, avec celui, penultième pour le moment, de cette pauvre Christine Lagarde. Arrivant chez Denisot pour causer budget et croissance, elle était tellement fixée sur le refus absolu d’admettre la moindre augmentation ou création d’impôts, que, dès la première phrase de son intervention, elle s’est plantée, annonçant avec force : « l’économie française recommencera à créer des impôts ».alors qu'elle voulait, bien entendu, dire « créer des emplois ».
Comme notre président ne pouvait demeurer en reste, il est entré dans la danse, d’une façon qui me semble plus intéressante, mais qui est passée inaperçue.
Evoquant la crise politique en Côte d'Ivoire, N. Sarkozy a déclaré, vendredi 17 décembre 2010 : « Laurent Gbagbo et son épouse ont leur destin entre leurs mains. Si lundi, ils n’ont pas quitté leur poste... ». Sensible à l’étrangeté du propos ou prévenu (oreillette ou geste d’un conseiller), le président a eu alors un long moment d’interruption dans le cours de son propos (qui, me semble-t-il, a été COUPE dans des passages ultérieurs de cette scène dans les télévisions) ; il s’est corrigé alors en passant, sans autre forme de procès, au singulier (« son poste ») et en limitant, à L. Bagbo, seul cette fois, l’injonction impérative d’abandonner la présidence usurpée.
Si l'on en revient au bon docteur Sigmund, le propos de Nicolas Sarkozy n'était pourtant pas si inexact qu'on pourrait le penser, puisque, à en croire beaucoup de témoignages autorisés, Simone Bagbo, qui était au départ, en dépit de son passé politique de gauche (comme son PS de mari) et même marxiste, une simple épouse a pris de plus en plus d’influence et, par là même, d'importance dans la vie politique de la Côte d'Ivoire. Elle s’est en même temps rapproché des églises évangélistes dont on sait l’importance en Afrique et qui, en Côte d’Ivoire même, compie des centaines de milliers de fidèles, ce qui donne encore plus de poids politique et social à « Maman Simone » qui en est la bienfaitrice.
En même qu’augmentait son rôle politique, beaucoup de rumeurs se sont propagées au sujet d’affaires dont elle s’occuperait, ce qui pourrait donner à penser, selon certaines hypothèses, que son récent voyage en Suisse pourrait avoir d’autres motifs que sa santé. On a beaucoup évoqué aussi le rôle qu’elle aurait pu jouer dans la disparition mystérieuse du journaliste Kieffer en 2004. Comme l’on ne prête qu’aux riches, on a également imaginé un scénario à la Kirchner dans lequel « Maman Simone » pourrait succéder à Laurent. Le lapsus présidentiel, certes aussitôt corrigé, pourrait donc peut-être ne pas en être un, au fond, à regarder les choses de plus près et sous un autre angle.
Le paradoxe est que le soutien, fort et sans réserve, affiché par la plupart des Etats du Nord (sauf la Russie) comme du Sud, et en particulier par la France en faveur du président élu Ouattara, est l’argument le plus fort que L. Gbagbo peut invoquer, sur le plan intérieur, contre son rival élu qui apparaît de ce fait "à la solde de l'étranger". En effet, le fonds de commerce politique de Gbagbo est le nationalisme dont l’une des formes est l'ivoirité qui a été invoquée, un moment, pour tenter de rendre inéligible Ouattara, accusé de ne pas être un vrai Ivoirien. De ce fait, le soutien des troupes de l'ONU comme celui, fort heureusement plus discret, de la France est aussi un argument dont ne manquent pas d'user Laurent et ses séides qui en exigent désormais le départ de ces troupes.
Certes on peut invoquer en faveur de Ouattara les résultats des élections, mais on sait bien qu'en France même, là où ont voté des Ivoiriens émigrés, comme dans le Nord de la Côte d'Ivoire, les élections présidentielles ne se sont pas toujours déroulées dans la plus parfaite régularité. Bien entendu, cela n'autorisait pas pour autant Laurent Gbagbo à faire disparaître des résultats électoraux une bonne partie des voix qui, en pays baoulé ou dans le Nord s’étaient portées sur son adversaire.
Il est à craindre que la vingtaine de morts déjà causés par les événements des derniers jours ne soient pas les derniers, à moins que l'armée qui est, semble-t-il, partagée entre les deux présidents, même si les hauts cadres sont pro-Gbagbo, ne se décide à prendre elle-même le pouvoir qui est évidemment a portée de sa main. Un putsch militaire est rarement une solution heureuse pour une crise politique ; ce pourrait pourtant être le cas en la circonstance pour éviter un bain de sang, à condition toutefois que les troupes françaises aient la sagesse de ne céder à aucune provocation et à rester, dans toute la mesure du possible, loin des zones possibles de conflits.
« Cedat toga armis » peut-on souhaiter, à l’inverse d’une formule connue !
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