Une fois encore, la Côte d’Ivoire ne suffisant pas, la France s'est mise avec l’affaire libyenne, dans un mauvais pas dont elle ne saura plus comment sortir.
Moustapha Abdeljalil, le président du mouvement révolutionnaire libyen, désormais dit « Conseil National de Transition », (même si l’on ne sait pas trop vers quoi s’opère la dite transition ni même si elle s’opère réellement) a été longuement reçu à Paris ce mercredi. BHL, le nouveau conseiller expert es-Libye, se dit en contact avec notre président et laisse entendre qu’il a suggéré le principe de cette réception, après avoir pris part à de récentes réunions antérieures, nocturnes et secrètes. A-t-on profité de la visite d’Alain Juppé en Tunisie pour tenir cette dernière réunion, officielle cette fois ? On n’ose le croire ! On espère que BHl a conseillé de ne pas trop évoquer au cours de la conversation avec Moustapha Abdeljalil la précédente visite officielle libyenne à Paris, tellement plus médiatisée, amicale et fastueuse.
Tout cela est logique puisque nous avons été les premiers à reconnaître le CNT, non sans imprudence et précipitation (déjà BHL !) ; nous n’avons guère été suivis dans cette voie que par le Qatar et, depuis peu, par l'Italie qui, dans cette affaire, est sans doute tenaillée par quelques remords concernant son comportement d’autrefois en Cyrénaïque.
La délégation du CNT a expliqué que ses armes, encore insuffisantes, ont été achetées avec de « l'argent libyen » ou fournies par des « amis » sur lesquels on est resté discrets. Obama, qui persiste dans l’ambiguité sur ce dossier, a annoncé que les Etats-Unis fourniraient 25 millions de dollars d'équipements « non létaux » aux forces du CNT, ce qui, en matière d’armes n’est pas sans mérite.
Faute de pouvoir faire une guerre, fût-elle exclusivement aérienne (nous n'avons déjà plus ni munitions, ni sans doute les moyens de faire voler nos avions de guerre dont l'utilisation est ruineuse pour notre budget militaire) et moins encore une guerre terrestre que la résolution 1973 nous interdit, mais surtout qu'aucun des grands Etats ne tolérerait de notre part, on parle de l’envoi de « conseillers » (comme autrefois au Viêt-Nam ?). On vient toutefois de nous faire savoir, en haut lieu, que cet envoi serait regardé comme une action de guerre terrestre !
Il ne nous reste donc plus guère que l’action psychologique. Elle repose surtout sur des images tournées on ne sait comment par des équipes de photographes et de journalistes. Ils doivent exalter les hauts faits des libérateurs et « l’enlisement » des forces kadhafiennes, mais ils s'abstiennent soigneusement d'approcher de trop près les terrains d'opérations et ne changent guère le menu iconographique. On reste extrêmement discret sur des dommages collatéraux qu'on s’obstinr à nier, comme l’OTAN jeudi 21 avril 2011, mais qu’on est bien forcé d’imaginer, faute de les connaître. Kadhafi n’est d’ailleurs pas assez stupide pour ne pas utiliser les boucliers humains, mais il est assez cruel pour ne pas hésiter un instant à le faire.
Quant aux images des valeureuses forces révolutionnaires, elles ne sont pas sans rappeler celles des troupes « républicaines » de Ouattara en Côte d’Ivoire. Cette armée de libération est pitoyable quand elle n’est pas comique. Je pense ici, du côte de Misrata, au spectacle tout récent de deux ou trois jeunes gens brandissant des pétoires sous l’oeil attendri et vigilant de leur imam qui, nous dit-on, ne les quitte jamais et qui est assis par terre à l’ombre d’un parapluie de dame bleu ciel. Pittoresque !
On nous parle sans cesse de « bombardements intensifs » mais comme Kadhafi n'a plus d'avions il s’agit sans doute de tirs d’artillerie, sans doute légère, à voir les dégâts. Si désolantes que soient ces scènes de guerre, on est très loin des spectacles de ruines et de désolation qu'on a pu connaître au Liban ou à Gaza ! Toutes les images qu'on rapporte des activités des combattants du CNT loin de saper le moral de Kadhafi et de ses partisans doivent au contraire les faire mourir de rire et on devrait s’employer à en empêcher la diffusion locale. En tout cas, les munitions ne doivent pas manquer car on ne cesse, comme souvent dans ces pays, de lâcher, en direction du ciel, des rafales de Kalashnikov. On a même vu, dans un passé récent, que cette pratique pouvait être interprétée par les aviateurs de la coalition en basse altitude comme une agression et non comme une manifestation d’enthousiasme, ce qui a conduit nos aviateurs à lâcher quelques rafales et à tuer ainsi plusieurs de leurs alliés trop démonstratifs !
Il semble clair que les combattants des forces de libération ne se livrent à ces exercices belliqueux que lorsqu'ils sont en présence de journalistes-photographes et qu'ils veulent par là signifier au monde leur volonté et leur capacité de combattre. J’ai vu récemment, dans un tel contexte, une démonstration de tir au mortier. Les servants de la pièce entendaient faire, de façon gratuite, une démonstration, in situ et in vivo, de leur talent à utiliser cette arme. Ils ont donc expédié, devant les caméras, quelques obus sur des objectifs indéterminés, pour le seul plaisir de se servir de leur mortier dont il était clair qu’ils n’avaient qu’une pratique des plus incertaines. Compte tenu du lieu d’où étaient effectués ces tirs, ils n’avaient aucune chance d’atteindre des troupes de Kadhafi, mais, en revanche, les obus ont pu tomber n'importe où, y compris sur des populations civiles, voire des soldats du même camp que les artilleurs ou même, qui sait, sur les deux « photo-reporters » anglo-saxons qui ont été récemment tués dans des circonstances mal déterminées.
Comme disait Napoléon « l'art de la guerre est simple et tout d’exécution » mais encore faut-il un peu savoir ce qu'on y fait !
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2 commentaires:
Cher Usbek,
la résolution 1973, comme c'est souvent le cas pour les résolutions de l'ONU afin que chacun puisse y adhérer sans se déjuger ensuite en jouant sur un problème d'interprétation, est suffisamment vague pour que certains "en toute bonne foi" puisse imaginer envoyer des troupes au sol.
"... tout en excluant le déploiement d'une force d'occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n'importe quelle partie du territoire libyen." dit la résolution.
Donc en considérant qu'une force d'intervention n'est pas une force d'occupation, on peut imaginer une intervention terrestre.
Mais en considérant que quand une force d'intervention progresse, elle occupe nécessairement de façon importante ou non, les territoires conquis en attendant la fin des opérations, on peut penser que la résolution interdit une opération terrestre.
Donc tout est ouvert, même si effectivement on ne semble pas parti pour un déploiement au sol qui seul permettrait de débloquer une situation qui peut durer longtemps sinon et dont au mieux les résultats ne pourraient guère dépasser la partition du pays, à mon avis.
Cher Expat,
Loin de moi l'idée de vendre du poison à un Borgia mais, comme vous le dites très justement comment une force d'intervention peut-elle ne pas être, si peu et si brièvement que ce soit, une "force d'occupation"! Seul un BHL peut nous tirer de ce mauvais pas! Usbek
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