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lundi 14 novembre 2011

Chroniques étasuniennes. N° 1

Vous m’accorderez que je ne vous ai pas infligé le récit de mon récent séjour aux États-Unis ! J'ai en effet passé deux semaines à la Nouvelle-Orléans qui est une ville que j'aime beaucoup pour son charme inimitable et qui est effectivement, avec San Francisco et New York, l’une des seules villes supportables pour un Européen aux États-Unis.

Si j'ajoute que je m'y trouvais au moment d'Halloween (une de mes amies s’y était fort joliment déguisée en écrevisse au court-bouillon… et dans sa marmite s’il vous plait !). J'ai même pu, sans être écrasé ou tué, faire un tour nocturne dans le Quartier français et le Quartier Marigny ! Vous conviendrez donc que j'ai eu beaucoup de mérite à n'en point parler.

Une des choses qui m'a frappé à la télévision étasunienne que j'ai beaucoup regardée, sans y comprendre grand-chose d’ailleurs, car si je lis, professionnellement et sans trop de mal, l'anglo-américain, je ne comprends à peu près rien aux formes orales de cette langue, et sans doute particulièrement en Louisiane. Je me suis donc borné à une approche ethnologique de la télévision américaine qui me paraît tout à fait intéressante, même si je n'entends pas grand-chose à ce qui s'y dit.

Le premier constat (mais je le laisserai de côté car il est de la plus grande banalité) est que les Américains ne s'intéressent à rien d'autre qu'aux États-Unis. Et encore le font-ils avec une prédilection particulière pour la région ou l'état où ils se trouvent. C'est ainsi que la Grèce, étant à l'ordre du jour, on a pu, sur les cartes produites par certaines télés américaines, trouver cet Etat à la place du Portugal et ou inversement, je ne m'en souviens plus. De toute façon, les chances de voir commettre de telles erreurs sont infiniment rares pour la simple et bonne raison qu'on n’y parle jamais (ou à peu près) des affaires européennes et même, plus généralement, du reste du monde... hors États-Unis. Le catalogue des multiples âneries proférées par les divers présidents américains au sujet des zones situées hors de l'Amérique du Nord est trop long et trop abondant pour que je m'y attarde ici.

L’une des choses les plus curieuses que j'ai notées dans mes études anthropologiques de la télévision américaine est la publicité. Nous souffrons beaucoup (et moi le premier) de la présence obsédante de la publicité dans la télévision française, mais nous avons tout lieu de nous réjouir de l’état actuel, car, dans ce domaine comme dans les autres, les États-Unis nous donnent la préfiguration de notre futur qui est bien pire encore. Si nous devons hélas nous attendre à voir imiter les Etats-Unis et donc la publicité envahir encore plus nos écrans qu'elle ne le fait actuellement, il est très curieux de constater que notre propre publicité télévisée est beaucoup plus en avance que celle des Américains, du moins pour ce qui concerne les techniques publicitaires elles-mêmes.

Alors que nous avons une publicité télévisée des plus sophistiquées, au point que, très souvent, devant un spot publicitaire actuel, nous sommes amenés à nous interroger sur l'objet qui lui est assigné et qu'il nous propose (la chose est vraie en particulier pour la publicité automobile), en revanche les Américains en sont restés au bon vieux temps de la « réclame » chère au papa de Mme Élisabeth Badinter (je veux dire par là M. Bleustein-Blanchet qui, dit-on, en fut l'inventeur). A la télé, la publicité américaine, même sur les chaînes nationales qui sont toujours plus ou moins régionalisées, est toujours à la fois locale et archaïque. Le maître-mot en est « SAVE », souvent suivi d’un montant en $ ou d’un pourcentage. A tout propos, on vous promet de vous faire faire des économies, quel que soit l'objet de la publicité en cause.

Par ailleurs, alors que la publicité française use de sophistications et de détours dont l'utilité et l'efficacité ne sont ni apparentes ni démontrées, les Américains vous offrent volontiers, dans la pub, non une pin-up lascive et dénudée, mais la photographie en pied du commerçant ventru qui, dans votre région, vend telle ou telle marque de voiture à prix cassés ou dirige telle ou tel chaîne de supermarchés où vous réaliserez des économies prodigieuses sur vos achats du mois prochain.

Tout cela a un côté vieillot et archaïque qui ne suffit pas toutefois à rendre supportables pareilles réclames. Devons-nous nous attendre au retour de techniques si archaïques où nos publicitaires mal rasés, bourrés de cocaïne jusqu'aux yeux et qui croient géniale la moindre de leurs pénibles élucubrations, finiront-ils par triompher de l’universel modèle américain ?

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