jeudi 22 décembre 2011
Génocide arménien et élections françaises
Il n'est bruit que de l'élection présidentielle mais pour bon nombre de nos élus son intérêt et sa préparation ne leur font pas, pour autant, oublier l'élection législative qui fera suite à l'intronisation du nouveau président de la République. Quand on peut inscrire dans la campagne nationale pour la première la préparation locale de la seconde, les choses en vont encore mieux.
L’assemblée nationale doit se prononcer, ce jeudi 22 décembre 2011, sur une proposition de loi qui prévoit un an de prison et 45.000 euros d'amende en cas de négation d'un génocide reconnu par la loi. Or la loi du 29 janvier 2011 a établi l'existence d'un génocide d'Arméniens par la Turquie opéré entre 1915 et 1917 et ayant provoqué, selon les Arméniens, 1,5 million de morts.
Ce projet de loi est approuvé par le gouvernement puisqu’il a choisi de ne pas le retirer de l’ordre du jour. Mieux le ministre des affaires européennes, Jean Leonetti, concerné au premier chef par le caractère inévitable de la réaction de la Turquie, a expliqué pourquoi, ce mercredi matin, sur diverses ondes nationales : « Aujourd'hui, l'ensemble des peuples doivent être lucides et courageux et regarder leur histoire. Le génocide arménien, ça fait presque 100 ans que ça s'est produit, les responsables sont morts, c'est simplement une reconnaissance d'un fait historique. ».
Il tentait par là de répondre aux propos hostiles au vote d’un tel texte tenus par deux délégations turques, l'une composée d'hommes d'affaires, l'autre de parlementaires, venues à Paris la semaine dernière, sans doute par hasard et qui avaient tenté d'infléchir la position française sur cette proposition de loi.
Relayant cette démarche, dans une « lettre ouverte aux députés de l'Assemblée nationale » publiée dans le Figaro, le Comité de coordination des associations franco-turques de France s’était déclaré « très inquiet par la perspective du vote » de cette proposition de loi dont il dénonçait par ailleurs les « fins électoralistes évidentes », l’intention étant, à ses yeux, d’attirer vers Nicolas Sarkozy les voix des Arméniens de France lors de la présidentielle française.
Rideau de fumée ou réel désaccord, le projet de loi sur le génocide arménien semble diviser la majorité, au point que Gérard Larcher s'y déclare opposé ainsi que quelques autres élus de la majorité. Je ne sais pas quels sont les motifs réels qui animent exactement Gérard Larcher et jusqu’où va son désaccord, car avec nos hommes politiques, les motivations sont souvent fort complexes. En revanche les mobiles des partisans de cette loi sont, eux, parfaitement clairs et même d’une éclatante évidence.
Quoique je n'ai pas entendu mentionner cette circonstance Mme Valérie Boyer, députée du huitième arrondissement de Marseille, a de bonnes raisons de s'attirer les faveurs de la communautaire arménienne de cette ville (elle-même n’est pas marseillaise alors que Jean Léonetti est né à Marseille!).
Forte de 80 000 personnes environ (dix pour cent de la population totale de Marseille et le sixième des Arméniens de France), la communauté arménienne tient une place éminente dans une ville où l’on passe du boulevard Charles Zeytountzian au boulevard Ararat pour gagner l'avenue du 24 avril 1915 (date du début du génocide arménien) où sont nombreux les restaurants arméniens, où l’on peut boire de la bière arménienne Koytak et manger du pasterma (viande de boeuf séchée assaisonnée au paprika. Nombre de personnalités marseillaises sont d’originaire arménienne. Pour prendre l’exemple des milieux universitaires, où pourtant cette communauté n'est pas particulièrement représentée, elle a fourni récemment encore un président d'université ( Aix-Marseille 1) et un doyen de faculté de droit (Aix-Marseille 3). Autres Arméniens célèbres de Marseille : Henri Verneuil (de son véritable nom Achod Malakian, né en Turquie) ou Robert Guédiguian (fils de docker et lui né à Marseille).
Jean Garbis Artin, fondateur de l'ARAM, l'Association pour la recherche et l'archivage de la mémoire arménienne, est la mémoire de cette communauté et en explique l’importance dans cette ville : « Entre septembre 1922 et fin 1927, 50 000 rescapés du génocide débarquent au cap Janet.[…] Sur cent Arméniens débarquant sur le port, quarante resteront à Marseille et s'entasseront dans les camps Victor-Hugo, Mirabeau et Oddo.» Les Arméniens sont donc là depuis longtemps et ont, pour la plupart marqué une volonté farouche de s’intégrer à la vie de la cité ; ils y ont souvent réussi et leur poids y est considérable.
Ce n'est donc évidemment pas un hasard si c’est Mme Valérie Boyer, une élue de Marseille, qui a pris cette initiative et si c’est Jean Leonetti, un Marseillais qui lui a été opposé, car on l’œil à tout dans la « com’ » actuelle. L’initiative sera certainement fort appréciée sur place comme ailleurs car, tout à fait légitimement, la rancoeur des Arméniens de France contre l'État turc est bien loin d'être apaisée.
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3 commentaires:
Mais que faites-vous donc à Riom ou dans les environs de Riom ?
Cher J. Michel
Ce doit être mon double ou mon clone, comme dit l'autre, car, à ma grande honte, je n'ai jamais mis les pieds à Riom.Usbek
Donc honte à vous, mais aussi honte à moi :-) Bonnes fêtes
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