Chose promise chose due. Voici mon blog du 14 avril 2010 qui avait
ce même titre et qui, comme vous le verrez dans la suite, m'a conduit, par le
retour trois ans en arrière auquel j'ai été contraint, à comprendre enfin la
censure dont j'ai fait l'objet de la part de Nouvelobs.com et surtout les
vraies raisons de mon éviction de cet "hébergeur" où mon blog était
souvent parmi les plus lus. Mais pour aujourd'hui restons-en à Katyn.
"Une fois de plus la consternante ignorance et l’incurable
paresse de la plupart de nos journalistes conduit notre presse à présenter
l’accident du Tupolev qui s’est écrasé non loin de Smolensk, comme un banal
accident d’aéronef qui fera sans doute couler moins d’encre et de salive que le
crash du Rio-Paris alimenté, des mois durant, par la controverse technique sur
les sondes Pitot.
A peine a-t-on mentionné, les premiers jours, le nom même de Katyn
; je ne l’ai entendu, plus tard, que très rarement et brièvement évoqué, sans
commentaire particulier ; on le citait comme on aurait mentionné Petaouchnok ou
Volosibirsk ! J’ai cru, une fois de plus tomber de ma chaise, où je vais
désormais m’arrimer soigneusement chaque fois que j’écouterai la radio ou
regarderai la télé.
Un peu d’histoire, la plus sommaire et la plus brève possible, pour les lecteurs français surtout.
Non seulement Katyn, et plus précisément sa forêt, est l’un des
lieux les plus célèbres de la Deuxième Guerre mondiale (je suis trop peu
optimiste pour dire, comme tout le monde, la « Seconde », ce qui impliquerait
qu’il n’y en aura jamais une troisième ; on se souvient que la première, celle
de 14-18 devait déjà être « la der des ders »), mais s’est déroulé, dans cette
forêt, l’un des plus effroyables massacres de l’histoire du monde qui fut aussi
une machination diabolique dont seul l’infâme Beria pouvait avoir l’idée. Il en
est résulté un débat politico-historique sur cette affaire qui a duré un
demi-siècle et qui n’a cessé que lorsque les vrais auteurs de cet épouvantable
crime contre l’humanité sont enfin passés aux aveux et qu’ont été enfin mises
au jour les preuves irréfutables de leur culpabilité.
A la belle époque du Pacte germano-soviétique que signent Hitler
et Staline le 24 août 1939, le 1er septembre 1939, sans déclaration
de guerre, le Reich envahit la Pologne. Mi-septembre, l’URSS l’attaque à son
tour. Sans trop de mal on s’en doute : 250 000 soldats polonais et 10 000 de
leurs officiers sont alors faits prisonniers par les Soviétiques. Plus de
150.000 simples soldats, dont on ne sait que faire, sont relâchés, les autres
captifs étant confiés au NKVD qui en livre une bonne partie aux Allemands. Fin
1939, le NKVD détient encore 40 000 prisonniers de guerre, dont à peu près 8500
officiers et sous-officiers.
Fin février 1940, plus de 15.000 Polonais sont toujours
prisonniers, des policiers mais surtout des officiers dont de nombreux
intellectuels et étudiants qu’on s’efforce, en vain on le devine, de gagner à
la cause soviétique. On les juge, de ce fait « nationalistes et
contre-révolutionnaires » et, le 5 mars 1940, sur proposition de Beria à
Staline, le Politburo signe l’ordre de leur exécution (cette pièce est
désormais disponible !).
Le machiavélisme des bourreaux soviétiques va être poussé à
l’extrême dans l’exécution de ce crime. Les méthodes d’exécution sont
classiques et elles ont été déjà très souvent utilisées par les sbires de
Staline. Les victimes sont transportées par trains entiers sur le lieu désert
choisi où ont été creusées de vastes fosses communes. Chaque condamné est placé
sur le bord de la fosse et on lui tire une balle dans la nuque. Les exécutions,
et c’est là que réside la ruse, sont opérées avec des pistolets et des balles
de fabrication allemande. 20.000 Polonais sont ainsi exécutés au titre de la
décision du Politburo du 5 mars 1940
Paradoxalement ce sont les Allemands qui vont, les premiers,
découvrir les traces de ces massacres de Katyn, dont on a tout fait pour qu’ils
soient eux-mêmes soupçonnés de les avoir commis ! En effet, en juin 1941,
Hitler envahit l’URSS et peu après, dès août 1941, les troupes allemandes
trouvent dans la forêt de Katyn les premiers charniers qui contenaient les
restes de plusieurs centaines d'officiers polonais. La presse nazie exploite
bien entendu largement cette macabre découverte dont l’immensité n’apparaît
toutefois que peu à peu, le nombre des cadavres découverts atteignant 5000 au
milieu de l’année 1943.
Les médias allemands, dont surtout Radio-Berlin, répandent la
nouvelle, attribuant naturellement, et non sans raison, ces massacres aux
Soviétiques, tandis que ces derniers, conformément à leur machiavélique plan de
départ, dénoncent comme allemandes ces atrocités ! Pour faire d’une pierre deux
coups, la propagande allemande, affirme même que ces braves Polonais ont été
exécutés par des Juifs russes, ce qui , vers le milieu de l’année 1943, est
jugé propre à encourager la résistance allemande dont on ne peut plus guère
dissimuler les échecs militaires sur le front de l’Est. Il faut massacrer les
Juifs si l’on ne veut pas être massacrés par eux, répète, à l’envi, la radio
allemande !
Toute cette affaire ne fait alors que commencer et elle constitue
un vrai roman autrement riche, complexe et important que Da Vinci Code
ou Millenium !
Avant même la fin de la guerre, le général Sikorski, qui dirige le
gouvernement polonais en exil à Londres et qui sait sans doute par des
informations venues de Pologne même, à quoi s’en tenir, met en accusation
l’URSS. Le politique prend de plus en plus le pas sur les faits eux-mêmes. Les
Alliés veulent en effet ménager les Soviétiques et ils s’accommodent tout à
fait de la mise en cause des Nazis.
Aucun de nos journalistes français, toujours aussi informés et
savants, ne semble avoir remarqué que c’est la deuxième fois qu’un gouvernement
polonais en exercice trouve la mort dans un accident d’avion. En effet, le 4
juillet 1943, Sikorski, sa fille et d'autres membres du gouvernement polonais
sont tués dans le crash de leur avion, qui vient de décoller de Gibraltar. Le
pilote, un Tchèque, miraculeusement indemne et tout aussi miraculeusement
aussitôt disparu, dira qu'il a inexplicablement perdu le contrôle de l'avion,
un Liberator B-24. Les circonstances de la mort de Sikorski furent donc très
loin d'être éclaircies, les archives de l'enquête britannique devant rester
secrètes jusqu'à 2050 !
L’affaire vient de revenir dans l’actualité avec les révélations
de François Delpla, le 24 août 2008. Selon Delpla, Staline aurait confié que
c’est Churchill, qui, en dépit de ses bonnes relations avec Sikorski, l’avait
fait tuer. La chose pourrait se justifier par les intérêts conjoints des Alliés
et de l’URSS que Sikorski mettait alors en accusation dans les massacres de
Katyn et par la volonté de l’URSS d’installer au plus vite un gouvernement
fantoche en Pologne, manœuvre que Sikorski rendait impossible.
Cette hypothèse se fonde, pour partie, sur le fait que le fameux
Kim Philby se trouvait alors à Gibraltar. On se souvient que cet agent, opérant
au plus haut niveau du MI6 des services secrets britanniques, était, depuis
1934, un agent soviétique. En 1963, il passera en URSS et y vivra 25 ans
entouré d’honneurs avant d’être enterré à Moscou dans le carré d’honneur des
généraux du KGB.
Mais voici qu’entrent en scène, de façon inattendue, dans le
mystère de la mort de Sikorski, la principale victime du crash de Katyn, ce que
F. Despla, qui écrit ce texte en 2008, ne pouvait évidemment imaginer :
« Plus récemment, le Daily Telegraph s’est fendu (le 1er
juillet 2008) d’un article de son correspondant berlinois Harrry de
Quetteville. Il se contente de résumer les divers bruits, après avoir donné les
dernières nouvelles : l’inénarrable président Kaczinsky et son nouveau premier
ministre, Donald Tusk, se sont mis d’accord pour demander l’exhumation du corps
de Sikorski, rendu à la Pologne par la Grande-Bretagne peu après la chute du
régime communiste. Il s’agit notamment d’examiner la large blessure à la tête
qui fut déclarée (avec quelque crédibilité) cause du décès et elle-même causée
par le crash, et de voir si par hasard une balle n’aurait pu faire le travail
juste avant ! »
De commissions d’enquête (dont les concluions demeurent parfois
secrètes) en livre blanc par lequel les Allemands tentent de se disculper,
l’affaire de Katyn s’éternise ; les Alliés persistent à charger les Allemands
pour épargner l’URSS, en se fondant, comme prévu sur l’identification des
balles. L’un des procureurs soviétiques, qui répugne à souscrire aux hypothèses
qu’on entend lui imposer, est assassiné (sans doute par le SMERSH), sa mort est
maquillée en suicide et le corps de Nicolai Zoria ne sera jamais rendu à sa
famille
Mieux encore, l’URSS tente de noyer le poisson en créant, en 1969,
une confusion volontaire entre le massacre des 20.000 Polonais de Katyn et un
autre drame survenu dans un village de Biélorussie quasi homonyme. En effet, en
mars 1943, un peu comme à Oradour-sur-Glane, les nazis ont brûlé vifs, à
Khathyn, 143 personnes. Pour entretenir la confusion, on y construira même un
monument et, en 2005 encore, alors que la vérité sur la forêt de Katyn est
depuis longtemps connue, le Figaro publiera un texte de Poutine sur les
"villages martyrs".
En fait, il faudra attendre la fin de l’URSS, pour que Gorbatchev
dans son désir d’assainir les relations avec la Pologne, reconnaisse enfin que
c’est bien l’URSS qui a commis le massacre de Katyn et présente des excuses
officielles au peuple polonais. Ce n’est toutefois qu’en 1992 qu’Eltsine ouvre
au public certaines archives et remet à Lech Walesa, président de la République
de Pologne, plusieurs documents émanant du comité central, dont l’ordre d’exécution
des officiers polonais.
Cependant, tout n'est pas réglé puisqu’en mars 2005, en réponse à
la demande de la Pologne lors du 65e anniversaire du massacre, la
Russie refuse de remettre les autres documents sur le sujet, toujours classés
secrets. Mieux encore, le procureur général militaire russe clôt la dizaine
d’années d’instruction du dossier par un non-lieu. Le massacre n’est considéré
que comme un simple « crime militaire ». Il ne constitue donc ni un génocide ni
un crime contre l’humanité, ce qui permet de lui accorder le bénéfice de la
prescription puisque 50 ans se sont écoulés depuis les faits.
Je reviendrai demain sur les commentaires de Marc qui sont des plus
intéressants et éclairants".
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