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mardi 29 janvier 2013

Honni soit qui Mali pense (suite mais je ne sais plus le numéro)

L'affaire du Mali a pris décidément, depuis son début, toutes les couleurs et on y  mélange volontiers les genres.

Elle a eu, au départ, des allures de guerre d'indépendance avec les rébellions du Nord (Tamasheq, même si curieusement, je crois n'avoir jamais entendu prononcer ce nom) contre le Sud qui ont commencé dès l'indépendance. Le Mouvement de Libération Nationale de l'Azaouad ou Azawad, le MLNA, dont le nom même est le programme parvenant enfin, après plus d'un demi-siècle de revendications et d'escarmouches, à créer un Etat tamasheq.

Hélas pour lui ou par chance (la suite le dira), les hasards de l'histoire et la fin de Khadafi ont alors mis sur le marché nombre de mercenaires sans emploi, Tamasheq mais aussi Nigériens, Algériens, Mauritaniens ou autres, manipulés, complices ou stipendiés (via les Emirats, les otages et les trafics) de djihadistes de tous poils qui, réfugiés au Nord-Mali, ont peu à peu phagocyté le MLNA ( Ansardine, MUNJAO et AQMI). L'affaire a commencé à tourner alors à la guerre de religion (sans s notez-le car l'Islam africain traditionnel est très tolérant) quand ces derniers ont commencé à couper les mains et les pieds et à détruire les monuments de Tombouctou, témoignages séculaires et vénérés d'un islam africain très spécifique.

L'affaire a viré alors à la querelle de famille avec le tonton français François (ce n'est pas un bégaiement !), menaçant, de loin, de rameuter les troupes de la CEDEAO, dont on a vu naguère la redoutable efficacité en Côte d'Ivoire, pour mettre de l'ordre au Mali tout en affirmant haut et clair qu'il ne participerait pas, directement et sur le terrain, à toutes ces affaires, la France se limitant strictement à un soutien purement logistique.

Toutefois, comme dans toutes les pièces de vaudeville, les portes claquent et les décisions s'envolent. Sous prétexte d'une vague menace à 500 km au Nord de Bamako (plus psychologique que militaire) en quelques heures (cinq nous précise-t-on pour alimenter la "légende dorée" de la Cinquième) François Hollande s'est décidé à intervenir directement et à engager la guerre.

Cette soudaine décision a fait l'admiration de tous, en lui donnant soudain la stature d'un chef de guerre, alors qu'il n'était peut-être que manipulé, conjointement et à des fins diverses, par ses "communiquants" (à la recherche d'un bon coup) et par les militaires français, forts préoccupés de leurs intérêts divers et contradictoires, au moment même de la mise au point du Livre blanc français sur la défense.

Voilà donc que la France, de spectatrice attentive mais lointaine, s'est soudain lancée dans la bataille avec des forces, dérisoires mais considérables vu l'échelle (on est allé jusqu'à parler d'un convoi de 16 véhicules blindés, pas des chars Leclerc rassurez-vous!) fonçant en direction de Gao )! On en tremble ! Et enfin comble du comble, les paras français ont sauté, non pas sur Kolwezi mais sur Tombouctou, ce qui a une autre gueule ! Ils étaient bien une bonne quinzaine dans le ciel et c'était plus la fête au village que le jour le plus long ! Les caméras du Théâtre aux armées étaient là et on n'avait pas oublié, comme partout, les cartons de petits drapeaux tricolores pour le public car ce produit est rare en de tels lieux!

On est ainsi passé de la guerre que nos savants experts aiment à définir comme "asymétrique" à une nouvelle forme de guerre qui est "la guerre sans ennemis". Car bien entendu les djihadistes du Nord (le MLNA, le premier ennemi mais désormais ami, s'étant retiré du coup sur ses terres de Kidal) ne sont pas assez fous pour avoir attendu d'abord, à Gao puis ensuite à Tombouctou, l'arrivée des valeureuses troupes franco-MALIENNES, les Français étant là pour faire l'éventuelle guerre asymétrique et sans ennemis, tandis que les Maliens ne sont clairement présents que pour les photos comme la poignée de Tchadiens arrivés via le Niger. Que journalistes et experts regardent une carte s'ils en ont une, ça peut toujours servir!

Tout cela est, somme toute, assez ridicule ; nous entendons nos journalistes toujours aussi bien informés et experts en géographie dire gravement que les troupes franco-maliennes (ou ce que l'on désigne ainsi) "tiennent la boucle du Niger" (entre Gao et Tombouctou), ignorant sans doute que ces deux villes sont distantes de 300 km environ ce qui rend la densité de soldats et donc la capacité d'intervention terrestre extrêmement réduites pour ne pas dire nulles.

L'affaire tourne même à la farce mercantile quand on apprend, ce matin, (moi du moins) que les États-Unis et le président Obama, qui ne perdent pas le Nord même au Mali, nous avaient préparé la facture de la location de leurs avions gros porteurs moyennant 50 000 € l'heure de vol, ce qui est nettement au-dessus du tarif habituel en la matière. Nous avons une armée de deux ou trois cent mille hommes mais nous sommes totalement incapables de la transporter où que soit ! Jusqu'à présent, nous louions à cette fin les Antonov des Russes qui nous faisaient des tarifs plus intéressants. Au Mali, nous avons eu recours aussi à une grande puissance militaire, mieux équipée que nous... la Belgique ! La prochaine fois il faudra faire un appel d'offres, au moins disant, entre Poutine et Obama !

Nous avons sans doute l'une des meilleures armées du monde (comme pour tout) mais nous sommes incapables de la transporter sur un théâtre d'opérations pour peu qu'il se situe ailleurs qu'en France où elle a fort heureusement peu d'occasions d'intervenir. Une façon de régler le problème serait donc de nous doter, outre la force nucléaire, d'un ennemi intérieur !

Plus sérieusement, il va falloir que je vous recause un peu de la VRAIE situation globale du Mali, car il faudra bien, à un moment ou un autre, commencer à envisager de considérer les choses un peu plus sérieusement (c'est -à-dire à la fois "régalienne" et "pérenne" pour "causer" à la mode) que ne le font nos militaires en retraite et nos journalistes incultes. Comme vous le verrez, le problème n'est pas simple pour ne pas dire insoluble.

 

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