Elle a eu, au
départ, des allures de guerre d'indépendance avec les rébellions du Nord
(Tamasheq, même si curieusement, je crois n'avoir jamais entendu prononcer ce
nom) contre le Sud qui ont commencé dès l'indépendance. Le Mouvement de
Libération Nationale de l'Azaouad ou Azawad, le MLNA, dont le nom même est le
programme parvenant enfin, après plus d'un demi-siècle de revendications et
d'escarmouches, à créer un Etat tamasheq.
Hélas pour lui
ou par chance (la suite le dira), les hasards de l'histoire et la fin de
Khadafi ont alors mis sur le marché nombre de mercenaires sans emploi, Tamasheq
mais aussi Nigériens, Algériens, Mauritaniens ou autres, manipulés, complices ou
stipendiés (via les Emirats, les otages et les trafics) de djihadistes de tous
poils qui, réfugiés au Nord-Mali, ont peu à peu phagocyté le MLNA ( Ansardine, MUNJAO et AQMI). L'affaire a commencé à tourner alors à la guerre
de religion (sans s notez-le car l'Islam africain traditionnel est très tolérant) quand ces
derniers ont commencé à couper les mains et les pieds et à détruire les
monuments de Tombouctou, témoignages séculaires et vénérés d'un islam africain
très spécifique.
L'affaire a viré
alors à la querelle de famille avec le tonton français François (ce n'est pas un
bégaiement !), menaçant, de loin, de rameuter les troupes de la CEDEAO, dont on
a vu naguère la redoutable efficacité en Côte d'Ivoire, pour mettre de l'ordre au
Mali tout en affirmant haut et clair qu'il ne participerait pas, directement et
sur le terrain, à toutes ces affaires, la France se limitant strictement à un
soutien purement logistique.
Toutefois, comme
dans toutes les pièces de vaudeville, les portes claquent et les décisions s'envolent.
Sous prétexte d'une vague menace à 500 km au Nord de Bamako (plus psychologique
que militaire) en quelques heures (cinq nous précise-t-on pour alimenter la "légende dorée" de la Cinquième) François Hollande
s'est décidé à intervenir directement et à engager la guerre.
Cette soudaine
décision a fait l'admiration de tous, en lui donnant soudain la stature d'un chef de
guerre, alors qu'il n'était peut-être que manipulé, conjointement et à des fins diverses, par ses "communiquants"
(à la recherche d'un bon coup) et par les militaires français, forts préoccupés
de leurs intérêts divers et contradictoires, au moment même de la mise au point
du Livre blanc français sur la défense.
Voilà donc que
la France, de spectatrice attentive mais lointaine, s'est soudain lancée dans
la bataille avec des forces, dérisoires mais considérables vu l'échelle (on est
allé jusqu'à parler d'un convoi de 16 véhicules blindés, pas des chars Leclerc
rassurez-vous!) fonçant en direction de Gao )! On en tremble ! Et enfin comble
du comble, les paras français ont sauté, non pas sur Kolwezi mais sur Tombouctou, ce qui a une autre gueule
! Ils étaient bien une bonne quinzaine dans le ciel et c'était plus la fête au village que le
jour le plus long ! Les caméras du Théâtre aux armées étaient là et on n'avait
pas oublié, comme partout, les cartons de petits drapeaux tricolores pour le public car ce produit
est rare en de tels lieux!
On est ainsi passé de la guerre
que nos savants experts aiment à définir comme "asymétrique" à une
nouvelle forme de guerre qui est "la guerre sans ennemis". Car bien
entendu les djihadistes du Nord (le MLNA, le premier ennemi mais désormais ami, s'étant retiré du coup
sur ses terres de Kidal) ne sont pas assez fous pour avoir attendu d'abord, à
Gao puis ensuite à Tombouctou, l'arrivée des valeureuses troupes
franco-MALIENNES, les Français étant là pour faire l'éventuelle guerre
asymétrique et sans ennemis, tandis que les Maliens ne sont clairement présents que
pour les photos comme la poignée de Tchadiens arrivés via le Niger. Que
journalistes et experts regardent une carte s'ils en ont une, ça peut toujours
servir!
Tout cela est, somme toute, assez
ridicule ; nous entendons nos journalistes toujours aussi bien informés et
experts en géographie dire gravement que les troupes franco-maliennes (ou ce
que l'on désigne ainsi) "tiennent la boucle du Niger" (entre Gao et
Tombouctou), ignorant sans doute que ces deux villes sont distantes de 300 km environ
ce qui rend la densité de soldats et donc la capacité d'intervention terrestre extrêmement réduites
pour ne pas dire nulles.
L'affaire tourne même à la farce
mercantile quand on apprend, ce matin, (moi du moins) que les États-Unis et le
président Obama, qui ne perdent pas le Nord même au Mali, nous avaient préparé
la facture de la location de leurs avions gros porteurs moyennant 50 000 €
l'heure de vol, ce qui est nettement au-dessus du tarif habituel en la matière.
Nous avons une armée de deux ou trois cent mille hommes mais nous sommes
totalement incapables de la transporter où que soit ! Jusqu'à présent, nous louions
à cette fin les Antonov des Russes qui nous faisaient des tarifs plus
intéressants. Au Mali, nous avons eu recours aussi à une grande puissance militaire,
mieux équipée que nous... la Belgique ! La prochaine fois il faudra faire un
appel d'offres, au moins disant, entre Poutine et Obama !
Nous avons sans doute l'une des meilleures
armées du monde (comme pour tout) mais nous sommes incapables de la transporter
sur un théâtre d'opérations pour peu qu'il se situe ailleurs qu'en France où
elle a fort heureusement peu d'occasions d'intervenir. Une façon de régler le
problème serait donc de nous doter, outre la force nucléaire, d'un ennemi intérieur !
Plus sérieusement, il va falloir
que je vous recause un peu de la VRAIE situation globale du Mali, car il faudra bien,
à un moment ou un autre, commencer à envisager de considérer les choses un peu
plus sérieusement (c'est -à-dire à la fois "régalienne" et
"pérenne" pour "causer" à la mode) que ne le font nos militaires en retraite et nos
journalistes incultes. Comme vous le verrez, le problème n'est pas simple pour
ne pas dire insoluble.
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