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mercredi 9 janvier 2013

Encore Mayotte...

Par hasard, j'entendais ce matin, sur Europe1, Natacha Polony, habituellement mieux inspirée, dénoncer au passage le néo-colonialisme de la France qui, lors du referendum sur l'indépendance, s'était arrangée pour séparer Mayotte des trois autres îles de l'archipel et garder ainsi une base dans la zone. C'est là une grosse sottise et, pour tenter, sans doute en vain, de la corriger, je reprends ici un de mes anciens textes de la fin du mois de mars 2009, au moment du referendum sur la départementalisation.
 
 
"Referendum à Mayotte : la chéchia et le béret.

L’annonce du referendum sur la départementalistion de Mayotte, qui ne devait avoir lieu qu’en avril, provoque, dans les médias,  une avalanche de sottises assez réjouissante, quand on connaît un tant soit peu la situation locale.

L’ineffable ministricule Yves Jego est transporté par le simple fait de ne pas être accueilli, là-bas, par des injures et des pancartes. Il faut dire qu’il n’a ni tardé ni hésité pour annoncer la couleur, brandissant non pas le drapeau tricolore, mais la bannière du RMI qui émeut bien plus ces braves populations mahoraises

Je le cite (en français et non en shimaore) : « On va dire clairement tout ce qui va changer, tout ce qui va bouleverser la vie des Mahorais", notamment "quand on pourra toucher le RMI à Mayotte ». Voilà qui est parler politique !

Je suis moins sûr de la pertinence de certaines autres de ses déclarations. Ainsi, quand il a déclaré à des agriculteurs locaux, qui lui parlaient de leurs retraites, sans avoir bien compris, semble-t-il, le fonctionnement du système français et qui jugeaient, sans doute, inépuisablement ouverte  la corne d’abondance de la future Mère Patrie : «  Il est scandaleux que, sur un même territoire, à Mayotte ou à La Réunion, il y ait des fonctionnaires de l’Etat qui bénéficient de très gros revenus et qui empochent des primes en plus de leurs retraites et qu’il y ait, par ailleurs, des agriculteurs qui n’aient pas de retraites ». Le remaniement annoncé devient de plus en plus urgent !

Sur la toile circulent, en la circonstance, quelques libelles ou pétitions contre ce referendum, émanant de quelques groupuscules d’illuminés plus ou  moins tiers-mondistes.
 
Le plus pittoresque est le « Collectif des Associations et Amis des Comores », le CAAC, dont la plume et chargée de presse est Stéphanie Dubois de Prisque, dont le patronyme combine délicieusement la simplicité ancillaire de « Dubois » avec le charme distingué de la particule et la désuétude du nom de Prisque.
 
La charmante Stéphanie (je ne l’ai jamais vue, mais comment ne pas être charmante avec un nom pareil ) entonne le couplet classique sur la séparation déchirante de Mayotte des trois autres îles de l’archipel, mais surtout tente de tirer des larmes à ses éventuels lecteurs en évoquant les dangers de la mer auxquels la France expose les pauvres immigrants clandestins. Je la cite : « En tout état de cause, la départementalisation renforcerait l’annexion pure et simple de Mayotte par la France [pourquoi diable ?], une situation humaine des plus dramatiques : de nombreuses familles séparées par la « frontière française » autour de Mayotte, les traversées clandestines sur de frêles embarcations au prix de nombreuses noyades (des milliers de morts depuis l’introduction du visa Balladur-Pasqua en janvier 1995) ».

Rassurons Monsieur Balladur ! Si Stéphanie Dubois de Prisque est assurément une grande amie des Comores, elle me paraît mal les connaître ; elle sous-estime en effet gravement les talents de marins des Comoriens. Pour leurs galawas, dans des conditions normales, la soixantaine de kilomètres qui sépare Anjouan de Mayotte ne pose guère de problèmes.

Le vote de Mayotte contre l’Indépendance et pour la séparation d’avec le reste de l’archipel, je crois l’avoir expliqué dans un post déjà ancien, loin d’être le résultat de manoeuvres de services secrets français, s’est fait contre les souhaits mêmes de la France. La cause du choix des Mahorais est pourtant évidente, à condition toutefois de connaître l’histoire et l’anthropologie de Mayotte, ce qui , clairement, n’est pas le cas de Stéphanie de Prisque et de tous ceux qui parlent de cette affaire. La raison des choix de Mayotte, depuis le vote sur l’indépendance jusqu’à l’actuel referendum, tient à trois éléments dont chacun pourrait être suffisant à soi-seul.

1. La population de Mayotte est différente de celle des trois autres îles ; à 60% environ, il y a 30 ans, mais les choses ont changé vu les immigrations massives venues du reste de l’archipel. La langue spécifique de Mayotte, le shimaore, n’est pas un dialecte comorien. Population et langue mahoraises (de Mayotte en plus clair) sont marquées par l’influence malgache.

2. Durant des siècles, les Mahorais ont vécu sous la coupe (j'allais dire la botte!) des Grands Comoriens de Moroni, le vote sur l’independance, avec un score de 64% de « non », qui n’est pas dû au hasard puisque c’est le pourcentage même de la population non comorienne de l'île, leur a permis enfin de s’affranchir de cette domination de Moroni.

3. La rupture avec les autres îles ouvrait la voie à une marche, plus ou moins longue, vers une départementalisation, dont la Réunion offrait déjà dans la zone le modèle idéal ; on en atteint aujourd’hui le dernier stade avec, au bout, la carotte du RMI et de tous les avantages sociaux offerts par la France pour un tel statut. On a vu que, dans les dernières années, la voisine de Mayotte, Anjouan, a quasiment ouvert les hostilités contre Moroni, pour demander son indépendance et, au delà, une éventuelle départementalisation à la française, sans que nos services secrets y soient pour quoi que ce soit!

Chère Stéphanie de Prisque, les peuples n’auraient-ils plus le droit de disposer d’eux-mêmes, surtout quand il s’agit de se séparer d’oppresseurs ancestraux?

Un épisode comique dans tout cela, mais hélas, une fois de plus, je ne sais pas vous reproduire la photo qui a immortalisé ce grand moment d’histoire. On y voit, en effet, côte-à-côte et coiffés du couvre-chef traditionnel de leur terroir respectif, Abdoulatifou Aly et Jean Lassalle que distinguent certes la chéchia du premier (j’ignore le nom shimaore de cette calotte comorienne ) et le béret basque du second, mais que réunit leur appartenance commune au MODEM. Un exceptionnel moment à tous points de vue. Sur une même photo, deux députés MODEM (espèce fort rare, on le sait) et et les deux coiffures que, je l’espère, nos deux députés échangeront le jour de leur première entrée au Palais-Bourbon, une fois acquis le vote du 29 mars 2009.

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