"Referendum à Mayotte : la chéchia et le béret.
L’annonce du referendum sur la départementalistion de
Mayotte, qui ne devait avoir lieu qu’en avril, provoque, dans les médias, une avalanche de sottises assez réjouissante,
quand on connaît un tant soit peu la situation locale.
L’ineffable ministricule Yves Jego est transporté par le
simple fait de ne pas être accueilli, là-bas, par des injures et des pancartes.
Il faut dire qu’il n’a ni tardé ni hésité pour annoncer la couleur, brandissant
non pas le drapeau tricolore, mais la bannière du RMI qui émeut bien plus ces
braves populations mahoraises
Je le cite (en français et non en shimaore) : « On va
dire clairement tout ce qui va changer, tout ce qui va bouleverser la vie des
Mahorais", notamment "quand on pourra toucher le RMI à
Mayotte ». Voilà qui est parler politique !
Je suis moins sûr de la pertinence de certaines autres de ses déclarations. Ainsi, quand il a déclaré à des agriculteurs locaux, qui lui parlaient de leurs retraites, sans avoir bien compris, semble-t-il, le fonctionnement du système français et qui jugeaient, sans doute, inépuisablement ouverte la corne d’abondance de la future Mère Patrie : « Il est scandaleux que, sur un même territoire, à Mayotte ou à La Réunion, il y ait des fonctionnaires de l’Etat qui bénéficient de très gros revenus et qui empochent des primes en plus de leurs retraites et qu’il y ait, par ailleurs, des agriculteurs qui n’aient pas de retraites ». Le remaniement annoncé devient de plus en plus urgent !
Sur
la toile circulent, en la circonstance, quelques libelles ou pétitions contre
ce referendum, émanant de quelques groupuscules d’illuminés plus ou moins tiers-mondistes.
Le plus pittoresque
est le « Collectif des Associations et Amis des Comores », le
CAAC, dont la plume et chargée de presse est Stéphanie Dubois de Prisque, dont
le patronyme combine délicieusement la simplicité ancillaire de
« Dubois » avec le charme distingué de la particule et la désuétude du
nom de Prisque.
La charmante Stéphanie (je ne l’ai jamais vue, mais comment ne
pas être charmante avec un nom pareil ) entonne le couplet classique sur la
séparation déchirante de Mayotte des trois autres îles de l’archipel, mais
surtout tente de tirer des larmes à ses éventuels lecteurs en évoquant les
dangers de la mer auxquels la France expose les pauvres immigrants clandestins.
Je la cite : « En tout état de
cause, la départementalisation renforcerait l’annexion pure et simple de
Mayotte par la France [pourquoi diable ?], une situation humaine des plus
dramatiques : de nombreuses familles séparées par la « frontière
française » autour de Mayotte, les traversées clandestines sur de frêles
embarcations au prix de nombreuses noyades (des milliers de morts depuis
l’introduction du visa Balladur-Pasqua en janvier 1995) ».
Rassurons
Monsieur Balladur ! Si Stéphanie Dubois de Prisque est assurément une
grande amie des Comores, elle me paraît mal les connaître ; elle
sous-estime en effet gravement les talents de marins des Comoriens. Pour leurs
galawas, dans des conditions normales, la soixantaine de kilomètres qui sépare Anjouan de Mayotte ne pose
guère de problèmes.
Le
vote de Mayotte contre l’Indépendance et pour la séparation d’avec le reste de
l’archipel, je crois l’avoir expliqué dans un post déjà ancien, loin d’être le
résultat de manoeuvres de services secrets français, s’est fait contre les
souhaits mêmes de la France. La cause du choix des Mahorais est pourtant
évidente, à condition toutefois de connaître l’histoire et l’anthropologie de
Mayotte, ce qui , clairement, n’est pas le cas de Stéphanie de Prisque et de
tous ceux qui parlent de cette affaire. La raison des choix de Mayotte, depuis
le vote sur l’indépendance jusqu’à l’actuel referendum, tient à trois éléments
dont chacun pourrait être suffisant à soi-seul.
1. La
population de Mayotte est différente de celle des trois autres îles ; à
60% environ, il y a 30 ans, mais les choses ont changé vu les immigrations
massives venues du reste de l’archipel. La langue spécifique de Mayotte, le
shimaore, n’est pas un dialecte comorien. Population et langue mahoraises (de
Mayotte en plus clair) sont marquées par l’influence malgache.
2.
Durant des siècles, les Mahorais ont vécu sous la coupe (j'allais dire la
botte!) des Grands Comoriens de Moroni, le vote sur l’independance, avec un
score de 64% de « non », qui n’est pas dû au hasard puisque c’est le
pourcentage même de la population non comorienne de l'île, leur a permis enfin de
s’affranchir de cette domination de Moroni.
3.
La rupture avec les autres îles ouvrait la voie à une marche, plus ou moins
longue, vers une départementalisation, dont la Réunion offrait déjà dans la zone
le modèle idéal ; on en atteint aujourd’hui le dernier stade avec, au
bout, la carotte du RMI et de tous les avantages sociaux offerts par la France
pour un tel statut. On a vu que, dans les dernières années, la voisine de
Mayotte, Anjouan, a quasiment ouvert les hostilités contre Moroni, pour
demander son indépendance et, au delà, une éventuelle départementalisation à la
française, sans que nos services secrets y soient pour quoi que ce soit!
Chère
Stéphanie de Prisque, les peuples n’auraient-ils plus le droit de disposer
d’eux-mêmes, surtout quand il s’agit de se séparer d’oppresseurs ancestraux?
Un
épisode comique dans tout cela, mais hélas, une fois de plus, je ne sais pas
vous reproduire la photo qui a immortalisé ce grand moment d’histoire. On y
voit, en effet, côte-à-côte et coiffés du couvre-chef traditionnel de leur
terroir respectif, Abdoulatifou Aly et Jean Lassalle que distinguent certes la
chéchia du premier (j’ignore le nom shimaore de cette calotte comorienne ) et
le béret basque du second, mais que réunit leur appartenance commune au MODEM.
Un exceptionnel moment à tous points de vue. Sur une même photo, deux députés
MODEM (espèce fort rare, on le sait) et et les deux coiffures que, je l’espère,
nos deux députés échangeront le jour de leur première entrée au Palais-Bourbon,
une fois acquis le vote du 29 mars 2009.
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