Vous vous souvenez
sans doute de cette ritournelle du bon Rabelais qui ajoutait souvent cette
formule à un nombre, de préférence énorme, qu'il venait d'énoncer. Nous avons
gardé quelque chose de cela dans la précision, insolite, voire extravagante, d'un
certain nombre de chiffres, qu' il s'agisse de pourcentages (pour les taxes,
par exemple, 19, 87 % et jamais 20% ) ou de remboursement d'actes médicaux par
exemple (36, 02 euros et non 36 !).
Le problème est
que de telles précisions, qui vont toujours jusqu'au centime, n'ont même pas la
justification psycho-mercantile qu'on trouve dans les magasins de fringues
(avec la robe à 89,99 €) ou de chaussures (la paire à 19,99 ou 49,99 € selon le
standing). La finalité de telles précisions qui évitent, avant tout d'arriver,
au centime supérieur, qui faisant changer de dizaine, pourrait traumatiser
l'acheteur (qu'on considère volontiers comme un(e) imbécile) est tout à fait
évidente. Il est donc inutile qu'on s'y arrête.
En revanche, à
ma connaissance, sauf dans les déclarations de revenus où l'on tolère qu'une
somme déclarée soit arrondie à l'euro supérieur ou inférieur (le Père Soupe est
alors et pour une fois magnanime), dans tous les cas, on nous accable de
précisions de centimes, alors même que, par ailleurs, on sait que l'usage de ces
pièces revient finalement beaucoup plus cher que leur suppression, sans parler
des problèmes de rendus de monnaie qui feront que, comme autrefois en Italie,
on finira par distribuer, en leur lieu et place, des bonbons!
Un ami, expert-comptable
de son état, qui avait une longue expérience professionnelle puisqu'il est
maintenant en retraite, me disait que jamais le pourcentage d'une nouvelle taxe
(au millième près), qui venait s'ajouter à un total, précédemment issu lui-même
de l'addition de nombreux pourcentages préalables, n'était arrondi, ce qui
compliquait singulièrement son travail par la multiplication non seulement des
taxes établies au millième près mais par leur addition incessante et
perpétuelle. Même si aujourd'hui les ordinateurs facilitent singulièrement la
tâche en ce domaine, tout cela coûte nécessairement mais surtout est ridicule
et traduit, à mon sens, une infirmité majeure et gravissime de notre
administration et plus généralement peut-être de l'esprit français.
A l'occasion du
"retoquage" (et ce terme, d'une manifeste impropriété, a offert aux
médias un de ces mots à la mode dont ils raffolent) de la mesure fiscale
proposée par le gouvernement, j'ai eu la curiosité de regarder un peu les
choses à propos du Conseil constitutionnel et en particulier de la rémunération
de ses conseillers. J'ai constaté que, hors avantages en nature (ceux-ci en
effet échappent à la connaissance du public, ce qui est pour le moins
stupéfiant et surtout scandaleux, s'agissant d'un organisme de cette nature), le rémunération est de 6388,88
€. Pour une somme pareille, la précision au centime près, est pittoresque. Je
suggérerais volontiers, respectueusement bien sûr, à notre Président de la République,
qui envisage de ne plus donner place dans ce conseil constitutionnel aux anciens
présidents de la République de porter, du même coup, la rémunération des
membres à 6389 €. J'espère que les futurs conseillers constitutionnels me seront
gré de cette augmentation mensuelle de deux cents que couvrira largement la
disparition de trois indemnités à taux plein.
Notre
administration, je crois l'avoir déjà dit je ne sais où, semble née de l'union
fertile de la Mère Ubu et du Père Soupe ! Un dernier exemple, la feuille de
paie d'un salarié. Elle comporte aux Etats Unis 4 lignes, 7 en Allemagne, 8 en
Italie. En France, ...elle en a 24 ! Vous en faut-il davantage ?
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